Rolex, armes, viande de bison
Les 15 points clés de l'accord à 15% entre la Suisse et Donald Trump

La Suisse vient d'arracher aux Etats-Unis un accord permettant d'abaisser les droits de douane à 15%. Mais que signifie concrètement ce deal? Quels sont les points de friction? Et que va-t-il se passer maintenant? Blick répond aux 15 questions les plus importantes.
Publié: 05:30 heures
|
Dernière mise à jour: 05:59 heures
Partager
Écouter
1/5
La colère de Trump contre la Suisse semble s'être calmée. Les droits de douane devraient passer de 39 à 15%.
Photo: AP
RMS_Portrait_AUTOR_817.JPG
Joschka Schaffner
1

Que signifie cet accord pour les exportations suisses?

Les produits suisses ne seront bientôt plus taxés qu’à 15% aux Etats-Unis, contre 39% aujourd’hui. Un soulagement surtout pour les secteurs des machines, de la précision et de l’horlogerie. Mais avant que la foudre de Donald Trump ne s'abatte sur la Suisse, cette surtaxe avoisinait en moyenne les 2%. On est donc loin d’un véritable retour à la normale.

S’ajoute à cela le maintien des surtaxes punitives de 50% sur l’aluminium et l’acier. Pour l’industrie pharmaceutique et le secteur de l’or, l’impact reste en revanche limité, les deux branches ayant été épargnées par des droits de douane punitifs.

2

Pourquoi ce deal était-il nécessaire?

Revenons brièvement en arrière: début avril, le président américain Donald Trump annonce de nouveaux droits de douane. La Suisse n'est pas épargnée et se voit sanctionnée d'un taxe sévère de 31%. Quelques heures plus tard, nouveau revirement: l’entrée en vigueur des nouvelles taxe est repoussée de 90 jours. Berne se lance alors dans des négociations qui vont durer de longues semaines. En vain.


Dans la nuit du 1er août, après un entretien téléphonique désastreux avec la présidente de la Confédération Karin Keller-Sutter, Trump opte finalement pour la la punition la plus sévère possible: 39% de droits de douane. A ses yeux, il s’agit d’une sanction juste en regard d'un déficit commercial de 38,9 milliards de francs.

3

Comment l’accord a-t-il vu le jour?

Après ce fiasco, Karin Keller-Sutter se met en retrait. Le ministre de l’Economie Guy Parmelin et la cheffe du Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO) Helene Budliger Artieda reprennent la main sur les négociations. Ils multiplient les contacts avec l’administration américaine, en particulier avec le représentant au Commerce Jamieson Greer. Après des mois de tractations, le Conseil fédéral annonce le 14 novembre qu’un accord de principe a été trouvé.

4

Quel a été le rôle de Rolex et de l'or helvétique?

Les grands patrons suisses en éclaireur. Environ une semaine avant la conclusion des négociations, des entrepreneurs helvétiques ont rencontré Trump dans le Bureau ovale. Une montre Rolex et un lingot d’or dédicacé lui ont notamment été offert. Le président américain se montre impressionné.

5

Le peuple suisse peut-il encore faire capoter l’accord?

Pour l’heure, rien n’est signé: il ne s’agit que d’une déclaration d’intention, sans valeur juridique. Les discussions vont donc se poursuivre, afin qu'un accord cette fois contraignant puisse être adopté. Par ailleurs, la décision de la Cour suprême des Etats-Unis se fait encore attendre: elle pourrait, dans les semaines à venir, tout simplement annuler les droits de douane décrétés par le président américain.

Si tel n'est pas le cas, le Parlement suisse devra se prononcer sur l'accord. Dans le cas où un référendum serait lancé, c'est bien le peuple qui aurait le dernier mot.

6

Qu’est-ce que la Suisse doit offrir en contrepartie?

La Suisse fait des concessions aux Etats-Unis sur l'ensemble de ses produits industriels, mais aussi sur le poisson et les fruits de mer. Elle a par ailleurs accepté le principe de contingents tarifaires pour la viande de bœuf, de bison et de volaille. Des entreprises helvétiques se sont pour leur part engagées à investir 200 milliards de francs aux Etats-Unis d’ici à la fin de l'année 2028.


La liste des contreparties publiée par Washington va toutefois plus loin que ce qu’a laissé entendre le Conseil fédéral: les Américains exigent notamment de la Suisse qu'elle renonce à plusieurs taxes sur les services numériques, qu'elle adopte certaines normes de sécurité américaines pour les voitures et qu'elle réduise davantage ses droits de douane sur divers produits agricoles.

7

Pourquoi supprimer les droits de douane sur les fruits de mer?

Une hausse des importations de viande américaine pourrait fragiliser l’agriculture suisse. En revanche, les produits issus de la mer ne représentent guère une menace. La Suisse n'y a pas d'accès et n’est donc pas un acteur dans ce domaine.

8

Quelle quantité de viande américaine la Suisse va-t-elle importer?

Pour la viande de bœuf, des contingents annuels de 500 tonnes sont prévus. Ils atteindront 1000 tonnes pour la viande de bison et 1500 tonnes pour la volaille.

9

Les «poulets au chlore» vont-ils débarquer chez nous?

Washington pousse pour que la Suisse autorise l’importation de volaille désinfectée au chlore. Pour l’heure, le ministre de l’Economie Guy Parmelin souhaite maintenir l’interdiction en vigueur. Le sort de cette règle se jouera lors de la deuxième phase de négociation.

10

D’où viennent les 200 milliards de francs promis?

La majeure partie de ces investissements provient de l’industrie pharmaceutique. Selon la cheffe du SECO Helene Budliger Artieda, près de 80 milliards seront issus de ce seul secteur, principalement grâce aux géants Novartis et Roche. S'agissant des autres branches, des groupes comme ABB, Stadler Rail et de nombreuses PME contribueront aussi à atteindre cet objectif. D’après le gouvernement américain, près d’un tiers de ces 200 milliards devraient être investis dès l’année prochaine.

11

La Confédération va-t-elle devoir acheter plus d’armes aux Etats-Unis?


Selon la «NZZ am Sonntag», la majorité bourgeoise du Conseil fédéral envisage de recourir à ces achats supplémentaires d’armement américain pour avancer dans les négociations. Des sources internes évoquent en priorité de nouveaux systèmes Patriot et des missiles guidés. Après le fiasco lié à l'achat des avions F-35, ces projets risquent toutefois de susciter une forte opposition.

12

Comment l’accord est-il accueilli par les milieux politique et économique?

Partout ou presque, le sentiment est le même: c'est certes un grand ouf de soulagement, mais il reste encore beaucoup de zones d’ombre. Seule l’Union démocratique du centre (UDC) se montre pleinement enthousiaste, elle qui a salué l’accord d'un laconique, mais clair: «Bravo, conseiller fédéral Parmelin!».

Du côté de la gauche, le Parti socialiste (PS) et les Vert-e-s critiquent surtout le manque de clarté sur l’ensemble des concessions consenties par la Suisse. Le terme de «contrat de soumission», habituellement employé par l’UDC au sujet de l'Union européenne (UE), fait soudain son entrée dans le vocabulaire de la gauche. Le PS a même lancé une pétition afin de faire échouer l'accord.

Les milieux économiques, eux, se réjouissent surtout de voir la Suisse retrouver des conditions comparables au reste de l’Europe. Tous rappellent néanmoins que le franc fort et la hausse des coûts de production restent des défis majeurs.

13

Quelles réactions à l’étranger?


«Corruption», «soumission»: la presse internationale n’a pas mâché ses mots après l’annonce de ce deal, du fait en particulier de la venue de patrons suisses dans le Bureau ovale. «Quand des entrepreneurs suisses graissent la patte de Trump pour limiter les droits de douane», titre par exemple le quotidien français «Libération». Le «New York Times» parle d’une visite «inhabituelle».

Dans la classe politique américain aussi, les critiques fusent. «Les droits de douane de Trump font grimper les prix pour les Américains, tandis que des PDG milliardaires et des entreprises étrangères qui s'attirent les faveurs du président en profitent», dénonce la sénatrice démocrate Elizabeth Warren.

14

La Suisse est-elle la seule concernée par cet accord?

Non. Un voisin discret de la Suisse en profite aussi: l’accord s’applique également au Liechtenstein. Jusqu’ici, la Principauté subissait déjà des droits de douane de 15%, mais il s'agissait d'une surtaxe venant s'ajouter aux droits de douane standards.

La nouvelle déclaration d’intention prévoit désormais un taux plafonné. De quoi satisfaire le gouvernement liechtensteinois, qui «se félicite de la conclusion d’une déclaration commune d’intention».

15

Quand est-ce que les droits de douane vont effectivement baisser?

Ce n'est pas une question de mois, «mais de jours ou de semaine », a indiqué Helene Budliger Artieda devant la presse, sans avancer de date précise. Selon Washington, en revanche, on assure qu'un accord formel doit être négocié d’ici «début 2026».

Partager
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la
Articles les plus lus
    Articles les plus lus