Le DDPS le sait... et se tait
Un deuxième milliard de coûts supplémentaires plane sur l'avion F-35

Les Etats-Unis refusent de vendre les F-35 à prix fixe. La facture pour la Suisse pourrait ainsi grimper d'un milliard de francs. Mais ce n'est pas tout, loin de là: plusieurs indices suggèrent que les coûts supplémentaires pourraient avoisiner les deux milliards.
Publié: 06:16 heures
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Dernière mise à jour: 06:38 heures
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Martin Pfister a reconnu que l'achat du F-35 risquait d'entraîner jusqu'à un milliard de francs de coûts supplémentaires.
Photo: keystone-sda.ch
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Daniel Ballmer

C’est un nouveau fiasco dans le domaine de l’armement. A peine entré en fonction, le ministre de la Défense Martin Pfister a dû admettre publiquement, la semaine dernière, que l’achat des avions de combat F-35 pourrait entraîner entre 650 millions à 1,3 milliard de dollars de coûts supplémentaires (environ 500 millions à 1 milliard de francs suisses).

Sa prédécesseure, Viola Amherd, affirmait pourtant que le prix était garanti, alors même que le Département de la défense (DDPS) – qu'elle dirigeait – savait au moins depuis l’été dernier que ce n’était pas le cas. L'affaire embarrasse son successeur Martin Pfister, qui promet désormais de «faire preuve de transparence et de dire les choses comme elles sont».

Le problème, c'est que ce feuilleton n'a pas encore livré toutes ses vérités, loin de là: en effet, même avec un prix d’achat fixe, la Suisse devra probablement débourser davantage. Des coûts supplémentaires estimés à un milliard de francs devraient ainsi se greffer à la facture de base.

Et si le prix des 36 avions américains est revu à la hausse par l'administration Trump – ce que beaucoup redoutent – l'addition totale pourrait grimper à près de 8 milliards de francs, bien au-delà des 6,035 milliards initialement annoncés. Un scénario que le DDPS préfère passer sous silence.

Désarmé et sujet aux pannes

Ces nouvelles dépenses semblent inévitables, et ce, pour plusieurs raisons. D’abord, il y a le fait que les avions de chasse seront livrés pratiquement sans équipements, comme l’a révélé Blick. L’Office fédéral de l’armement Armasuisse refuse de communiquer des chiffres, mais selon nos informations, outre les munitions pour canons, seuls 36 missiles à courte portée de type AIM-9X Sidewinder seront livrés, soit un par avion.

Ces équipements, d'un coût total estimé à 107 millions de francs, ont beau être inclus dans le prix d’achat, ils sont bien loin de répondre aux besoins de l'armée. Celle-ci dispose de missiles infrarouges compatibles avec les F-35, mais leur durée de vie touche à sa fin. Ils devront donc être prochainement remplacés, une opération qui devrait coûter jusqu'à 400 millions de francs, si l'on en croit les chiffres communiqués par le DDPS message sur l’armée 2022,

Et ce n’est pas tout. Le Conseil fédéral a reconnu lui-même que les F-35 devront être modernisés rapidement après leur livraison, prévue entre 2027 et 2030. En cause: leurs moteurs, réputés peu fiables, qui nécessiteront une rapide mise à niveau, aux frais de la Confédération, bien sûr.

Un logiciel neuf... et coûteux

Enfin, la nouvelle version du logiciel des F-35 consomme nettement plus d’électricité et d’énergie de refroidissement, ce qui réduit la performance globale de l’appareil. Le ministère américain de la Défense a donc décidé d’améliorer certaines pièces du moteur et du système de refroidissement associé. Il envisagerait même d'aller encore plus loin en faisant installer un nouveau moteur, plus puissant.

Or, un changement intégral de moteur alourdirait considérablement la facture. Le fabricant Pratt & Whitney garde ses tarifs confidentiels, mais selon des sources internes, chaque turbine coûterait environ 15 millions de dollars. Pour les 36 jets suisses, cela représenterait 540 millions de dollars de coûts supplémentaires.

Au total, les frais liés aux équipements et les questions liés à la modernisation des moteurs pourraient engendrer un surcoût d'un milliard de francs, et ce, indépendamment du prix d'achat fixé par les Américains. Des dépenses supplémentaires dont le Département de la défense n’a pas soufflé mot la semaine dernière... malgré ses promesses de transparence.

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