L'Assemblée des délégués du Centre avait des allures d'au revoir pour Viola Amherd. Tout au long de cette journée, l'ancienne conseillère fédérale a été couverte de louanges. Entre les amabilités et la standing ovation, l'ancienne cheffe du Département de la défense (DDPS) était tout sourire.
Le parti n'a pas montré le moindre signe d'autocritique. Pas un seul! Le fiasco des F-35 n'était pas à l'ordre du jour. «Nous nous sommes impliqués avec succès dans la politique européenne et de sécurité», déclare Gerhard Pfister en remerciant Viola Amherd pour son activité. Plus tard, la Valaisanne affirme avoir accompli sa fonction «en toute conscience» et «pour le bien de la population».
«Les avertissements du CDF doivent être pris plus au sérieux»
Dans un entretien avec Blick, Gerhard Pfister félicite le nouveau conseiller fédéral Martin Pfister d'avoir débauché Robert Scheidegger du Contrôle fédéral des finances (CDF) et de l'avoir fait entrer au DDPS. «Les avertissements du CDF doivent être pris plus au sérieux à l'avenir», estime Gerhard Pfister.
Le nouveau chef du DDPS Martin Pfister est en fonction depuis moins de 100 jours, mais a déjà plongé dans les réalités du terrain. Dès la passation de pouvoir, Viola Amherd l'a informé des exigences américaines pour le F-35. En avril, Martin Pfister en a informé l'ensemble du Conseil fédéral. Et en juin, il en a fait de même lorsque les Etats-Unis ont indiqué une fourchette de prix.
Les Etats-Unis devraient camper sur leur position
Le chef de l'armée, Thomas Süssli, s'attend à ce que les Américains restent fermes et exigent plus d'argent. «Pensez-vous que les citoyens américains sont prêts à assumer un milliard pour la Suisse? Ceux avec la casquette rouge MAGA (Make America Great Again)?», a demandé Thomas Süssli samedi lors d'un événement de la milice.
Il a lui-même donné la réponse: «Non, bien sûr que non. Les Etats-Unis ne prendront pas en charge un milliard pour la Suisse.» Parallèlement, Thomas Süssli a défendu l'acquisition du F-35. Il s'agit du meilleur avion de combat et du moins cher.
L'armée israélienne a montré l'efficacité du F-35 qu'en Iran. Et les chasseurs italiens F-35 assurent déjà aujourd'hui la sécurité de l'espace aérien à la frontière extérieure de la Russie dans les pays baltes.
Un avion de combat nu
Ce que Thomas Süssli et le DDPS ne disent pas, c'est que le fiasco du F-35 risque encore de s'aggraver. De nouvelles incohérences apparaissent presque chaque jour. Non seulement les Américains demandent jusqu'à 1,3 milliard de francs supplémentaires, mais l'accord ne contient pas non plus de nombreux éléments qui font partie d'un avion de combat. Comme le montre l'enquête de Blick, le contrat ne prévoit qu'un armement rudimentaire.
Avec les six milliards de francs, la Suisse ne recevrait même pas une bombe pour tous ses avions. Sur les 36 avions commandés, seuls 24 seraient équipés d'une telle arme. C'est ce qu'affirme une source proche du dossier, qui ajoute qu'aucun missile Amraam, des missiles air-air à guidage radar de moyenne et longue portée, n'est inclus dans l'équipement. «Ceux-ci devront donc être payés séparément par la suite.» Un seul missile air-air appelé Sidewinder, qui sert pour les courtes distances, est livré avec chaque jet.
Les Etats-Unis ne fournissent donc pas à la Suisse des avions de combat dans leur équipement de base, mais des avions plutôt «nus». La conseillère nationale socialiste zurichoise et présidente de la Commission de la politique de sécurité (CPS), Priska Seiler Graf, déclare à ce sujet: «Avec cet équipement, les avions de combat sont en fait presque désarmés.»
D'autres promesses
Un deal en contradiction avec les présentations du DDPS. Il précise sur son site Internet qu'il recevra «en plus des avions, de l'équipement spécifique à l'engagement, de l'armement et des munitions» ainsi que d'autres prestations pour les six milliards de francs.
L'Office fédéral de l'armement Armasuisse fait savoir à ce sujet par l'intermédiaire de son porte-parole Kaj-Gunnar Sievert: «Avec le message sur l'armée 2022, 107 millions de francs ont été budgétés pour des engins guidés air-air à courte portée ainsi que pour des munitions de précision destinées au développement des capacités pour les engagements air-sol.»
Certains systèmes d'armes devront être achetés après le retrait des avions de combat F/A-18 actuellement utilisés, explique Kaj-Gunnar Sievert. «Cela a été prévu.» D'autres missiles acquis pour les F/A-18 pourraient continuer à être utilisés jusque dans les années 2040.
Mais plusieurs centaines de millions de francs seront nécessaires pour équiper entièrement tous les jets de bombes et pour acheter des missiles à longue portée. Selon la présidente de la CPS Priska Seiler Graf, il n'a pas été question de cela, il s'agit de conditions différentes.
Une surveillance ignorante
La situation du ministre de la Défense Martine Pfister n'est pas simple. Sa prédécesseure Viola Amherd avait toujours assuré que le prix fixe était garanti par les Américains. En 2022, le Conseil fédéral et Armasuisse avaient estimé que les doutes du Contrôle des finances étaient infondés.
Mais les commissions de surveillance parlementaires ne voyaient pas non plus de raison d'agir. Les CPS du Conseil national et du Conseil des Etats étaient en grande majorité opposées à la mise en œuvre des recommandations du Contrôle des finances. Les deux commissions des finances ne voyaient pas non plus de raison de le faire, et la commission de gestion du Conseil national s'est embrouillée avec la délégation parlementaire des finances sur la question de la compétence.
Pas de fin en vue
Cela se paie aujourd'hui amèrement. L'augmentation du coût de la commande de F-35 est donc accompagnée d'un coût supplémentaire pour l'armement et de pertes de change.
Au prix fixe croissant, qui n'est plus fixe, aux coûts de l'armement ainsi qu'aux pertes de change s'ajouteront des dépenses plus élevées pour l'infrastructure, l'exploitation et la maintenance. Le Contrôle des finances avait également attiré l'attention sur ce point il y a trois ans.
Un coup d'œil au-delà des frontières ne contribue guère à rassurer: Au Danemark, les coûts d'exploitation du F-35 sont 50% plus élevés que prévu, et la Norvège s'attend à ce que les dépenses d'exploitation sur une période de 30 ans dépassent le prix d'achat d'un facteur 2,5. La Suisse table sur un facteur inférieur à 2.
Longtemps attendu au tournant après la démission de Viola Amherd, Martin Pfister risque également de subir les conséquences du F-35. Comme s'il s'agissait d'une malédiction.