Les membres du Parlement sont sous pression. Plus de 130 entrepreneurs et grands CEO de la place industrielle suisse ont signé la lettre envoyée aux responsables de la politique extérieure du Conseil national et du Conseil des Etats. L'objet du courriel est clair: «Les entreprises suisses soutiennent des négociations rapides avec les Etats-Unis.»
Le groupe d'expéditeurs rassemble de gros poissons comme le patron de Stadler Peter Spuhler, mais également les responsables des pépites de notre industrie comme Schindler, Bühler, V-Zug, Pilatus, Breitling, Victorinox, Siemens Suisse, Kuhn Rikon ou encore Chopard. Le président de Swissmem Martin Hirzel et le président d'Economiesuisse Christoph Mäder ont aussi signé ce courriel. D'ailleurs, l'organisation faîtière de l'économie a initié l'appel, comme l'a confirmé un porte-parole.
Soutien à Parmelin et Budliger
Le ton du courriel est on ne peut plus alarmiste. «Les droits de douane punitifs élevés des Etats-Unis ont énormément pesé sur les entreprises suisses avec une forte activité d'exportation depuis le début du mois d'août, explique la lettre, que le Blick a pu consulter. Pour beaucoup d'entre nous, il en va de l'existence même de l'entreprise en Suisse.
Nous ne pouvons simplement pas remplacer un marché d'exportation comme les Etats-Unis.» La réduction des droits de douane américains apporterait «un allègement important pour les entreprises signataires. Nous vous remercions donc de votre soutien et vous prions d'approuver le mandat de négociation conformément au Conseil fédéral.»
Avec ce courriel, le futur président de la Confédération Guy Parmelin, responsable du dossier avec sa secrétaire d'Etat Helene Budliger Artieda, a le vent en poupe. Le timing de l'offensive de lobbying n'est pas du tout un hasard. L'objectif est de se faire remarquer avant que les Commissions de politique extérieure (CPE) des deux Chambres traitent le mandat de négociation. Mais l'ambiance autour de cet accord est électrique.
Le peuple est sceptique
Pourtant, l'accord avec Washington marque la pause tant attendue dans le conflit douanier qui pourrait sauver des dizaines de milliers d'emplois. D'autant plus que la politique commerciale suisse en a vu de toutes les couleurs. Le 2 avril, le «Liberation Day», le président américain Donald Trump a imposé un droit de douane de 31% à la Suisse. Pire encore: après son entretien téléphonique avec la présidente de la Confédération Karin Keller-Sutter, il a fixé un taux de 39% le 1er août. Un coup de couteau dans le dos venant de notre plus grand partenaire commercial.
Et puis, miracle: l'escouade des six patrons d'industrie a réussi à renverser la vapeur en novembre. Les taxes de 15% viennent tout juste d'être annoncées cette semaine. Un vrai soulagement pour l'industrie exportatrice, mais également un succès de collaboration entre chefs d'entreprise et Confédération. «Nous disons donc: MERCI au Conseil fédéral et à l'équipe de négociation», écrivent les auteurs du courriel aux parlementaires.
La gauche contre les «oligarques
Toutefois, l'opération-séduction des six grands patrons à la Maison Blanche a divisé l'opinion publique. Le lingot d'or et la montre Rolex apportés en hommage à Donald Trump ont déclenché de vives réactions à travers le pays. La gauche s'insurge contre ce «véritable contrat de soumission» et contre les «oligarques» suisses, les Vert-e-s ont déposé une plainte pénale contre ces six gros patrons et, selon un sondage représentatif réalisé par Blick, deux tiers des Suisses s'opposent à ce nouvel accord.
En d'autres termes, si un référendum est lancé après la décision du Parlement, nous risquons d'assister à un débat houleux mélangeant la polémique sur les «oligarques», la critique justifiée à l'encontre de Trump et l'anti-américanisme.
L'ami de l'UE Simon Michel a également signé
Les négociations avec les Etats-Unis, poursuit le courriel, doivent «être entamées rapidement». Seule une solution contraignante «créera une sécurité de planification, garantira des emplois en Suisse et renforcera notre compétitivité sur l'important marché américain». Pour ce faire, «aucun obstacle ne doit dresser sur le chemin du Conseil fédéral pour les négociations».
Avec cette démarche, les entrepreneurs et CEO veulent montrer qu'ils sont soudés. Même le CEO d'Ypsomed, Simon Michel, a cosigné la lettre. En effet, le conseiller national soleurois (PLR) est considéré comme le principal défenseur des nouveaux accords avec l'Union européenne auprès du Parlement. Mais cette fois, il a choisi l'accord avec Washington, dont l'un des architectes est Alfred Gantner, grand opposant à l'UE.