Notre sondage exclusif
Les cadeaux des entrepreneurs offerts à Trump attisent la colère des Suisses

Des entrepreneurs suisses ont offert de coûteux cadeaux à Donald Trump dans le Bureau ovale. Selon notre sondage, plus de deux tiers des Suisses n'apprécient pas la démarche. Une majorité se dit méfiante face à l’influence de riches acteurs extérieurs sur la politique.
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Les entrepreneurs suisses ont fait des cadeaux à Donald Trump. Une attention mal accueillie par la population suisse.
Photo: DR
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Joschka Schaffner et Sven Altermatt

Début novembre, plusieurs entrepreneurs suisses se sont retrouvés dans le Bureau ovale à Washington, apportant deux cadeaux qui continuent de faire polémique à ce jour: une horloge de bureau Rolex et un lingot d’or gravé. Les deux présents de choix ont été remis au président américain Donald Trump.

Pour de nombreux observateurs, cette visite a donné un nouvel élan au conflit douanier entre la Suisse et les Etats-Unis – un litige qui s’est finalement soldé par un accord. Parmi les visiteurs figuraient notamment Alfred Gantner (Partners Group), Johann Rupert (Richemont) et Daniel Jaeggi (Mercuria).

Mais les critiques n’ont pas tardé. L’accusation de corruption a d’abord retenti dans les médias internationaux, puis en Suisse, où des élus de gauche ont même déposé plainte.

Des cadeaux qui font débat

Alfred Gantner a défendu ces présents, assurant qu’ils avaient une portée symbolique et qu’il est d’usage d’apporter quelque chose. «Les Français ont bien offert la statue de la Liberté aux Américains», a-t-il déclaré.

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Un argument qui ne convainc pas la population suisse. Selon un sondage exclusif de l’institut Sotomo pour Blick, plus des deux tiers des Suisses voient ces cadeaux d’un mauvais œil. Seules 30% des personnes interrogées disent avoir une opinion positive de ces présents offerts par des acteurs privés.

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De manière générale, 58% des sondés – soit une nette majorité d’entre eux – désapprouvent totalement ou en partie l’idée que de riches entrepreneurs interviennent dans le débat politique intérieur. Seuls les sympathisants du Parti libéral-radical (PLR) soutiennent majoritairement cette implication. Plus des deux tiers des personnes interrogées estiment par ailleurs que les grandes fortunes ont gagné en influence sur la politique suisse ces dix dernières années, et beaucoup évoquent même une nette progression.

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Alfred Gantner, par exemple, a beau être indépendant politiquement, il est actif sur plusieurs fronts: en plus d’avoir participé au dénouement du dossier américain, lui et ses partenaires de Partners Group se sont engagés sans relâche dans la bataille autour des accords avec l’Union européenne à travers l’initiative Kompass.

Les chefs d’entreprise sont-ils vraiment moins présents en politique?

Les figures économiques sont devenues de plus en plus rares dans l’arène politique, du moins dans la conscience populaire. Ce constat ressort tout particulièrement au Parlement fédéral. Pendant plusieurs années, les entrepreneurs ont même été critiqués pour leur faible implication en politique.

Faut-il en déduire qu’un tel engagement serait mal perçu? Pas forcément, nuance Michael Hermann, directeur de Sotomo. «Lorsqu’un entrepreneur se porte candidat, fait campagne et s’investit ensuite au Parlement, cela suscite généralement beaucoup de bienveillance.» 

Il cite notamment Peter Spuhler (Stadler Rail), ainsi que Christoph Blocher et sa fille Magdalena Martullo-Blocher (EMS-Chemie), tous deux représentants de l’Union démocratique du Centre (UDC) au Conseil national. Autre exemple notable: celui de Simon Michel entrepreneur spécialisé dans la technique médicale et représentant du PLR à la Chambre du peuple.

Pas de «culture de la jalousie»

Il serait également inexact de parler d’une «culture de la jalousie» envers les grandes fortunes, poursuit Michael Hermann. «Le refus clair de l’initiative 'Pour l’avenir' des Jeunes socialistes l’a une nouvelle fois montré: les familles d’entrepreneurs et les particuliers très prospères restent respectés.»

La méfiance, en revanche, vise davantage les acteurs souvent indépendants politiquement qui tentent d’influencer la politique depuis l’extérieur grâce à des moyens financiers considérables. «Ils ne doivent pas s’attendre à des applaudissements, car ils sont soupçonnés d’utiliser leur capital pour peser sur les décisions politiques», souligne Michael Hermann. Un constat que l’enquête vient très clairement confirmer.

En Suisse, le souci des institutions politiques, de la limitation du pouvoir et de l’équilibre des intérêts reste profondément ancré. «Cela implique aussi l’idée que personne ne doit dominer la politique et que la population doit avoir le dernier mot. Pour beaucoup, des acteurs fortunés qui interviennent de l’extérieur mettent en péril ces principes.»

Au total, 9284 personnes ont participé à ce sondage. Celui-ci a été réalisé entre le 24 et le 29 novembre 2025, sur la base d’un échantillon représentatif de la population résidente suisse. La marge d’erreur est de 1,6 point de pourcentage. 

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