Un jour primordial
Les accords Suisse-UE enfin publiés

Le Conseil fédéral et la Commission européenne ont publié ce vendredi le texte complet des nouveaux accords bilatéraux entre la Suisse et l'UE. Ils avaient été présentés le 20 décembre à Berne par Viola Amherd et Ursula von der Leyen.
Publié: 13.06.2025 à 05:56 heures
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Dernière mise à jour: 13.06.2025 à 11:26 heures
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Ursula von der Leyen est la présidente de la Commission européenne. C'est elle qui a officialisé les futurs accords à Berne le 20 décembre.
Photo: IMAGO/Anadolu Agency
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Richard WerlyJournaliste Blick

C'est enfin arrivé. Ce vendredi 13 juin, le texte intégral des futurs accords bilatéraux entre la Suisse et l’Union européenne a été publié. Le Conseil fédéral et la Commission européenne doivent mettre en ligne les documents simultanément. Ils seront disponibles en allemand, en italien et en français. C’est notamment en raison des délais de traduction que la publication a été si tardive, six mois après la conclusion officielle des accords le 20 décembre 2024 à Berne par Viola Amherd et Ursula von der Leyen.

Qu’attendre de la version définitive de ces textes? Les questions posées sur la fameuse «clause de sauvegarde» en matière d’immigration, que la Suisse affirme avoir obtenue in extremis, trouveront-elles réponse? Quid des conditions posées à l’accord sur l’électricité entre la Confédération et l’Union? Voici, déjà, ce qu’il faut savoir avant d’éplucher ces accords à haute teneur juridique.

Des accords durement négociés

Le débat est très vif, en Suisse, sur les conditions de négociation des documents mis en ligne de vendredi. Pour rappel, le paquet bilatéral ainsi mis en ligne comprend l’actualisation de cinq accords existants (libre circulation des personnes, reconnaissance mutuelle des évaluations de conformité, transports terrestres, transport aérien et agriculture) et le texte de trois nouveaux accords (électricité, sécurité alimentaire et santé). Ce paquet officialisé le 20 décembre à Berne – et donc soutenu par le Conseil fédéral – est le résultat des négociations qui ont repris après le rejet unilatéral par la Suisse, le 26 mai 2021, du projet d’accord institutionnel avec l’UE. Au total, ces documents sont la conclusion de 19 ans de tractations bilatérales. Les derniers accords (Bilatérales II) remontent en effet au 26 octobre 2004. Ils ont été approuvés par le peuple suisse le 5 juin 2005 par 54,6% des voix.

Des accords publiés trop tard

L’accusation de l’opposition aux accords bilatéraux, en particulier du côté de l’UDC, est recevable. Le Conseil fédéral a trop tardé à publier ces textes, ce qui a laissé s’installer un doute sur leur contenu. Le point le plus scruté sera celui de la clause de sauvegarde que l’exécutif affirme avoir obtenu. Sa transposition dans le droit national sera l’un des grands sujets de débat. «Le Conseil fédéral doit examiner s’il y a lieu d’activer la clause de sauvegarde prévue dans l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP) et proposer des mesures de protection appropriées si, par exemple, l’immigration nette, le chômage ou le recours à l’aide sociale dépassent certains seuils. Il peut aussi procéder à cet examen si d’autres indicateurs montrent que la libre circulation des personnes avec l’UE entraîne des difficultés sérieuses d’ordre économique ou social en Suisse. Cette transposition de la clause de sauvegarde au niveau national sera incluse dans le projet qui sera envoyé en consultation concernant l’ensemble des accords avec l’UE.»

Des accords soumis à référendum

Ce paquet d’accords fera l’objet d’une votation populaire, comme les deux précédents paquets bilatéraux (1999 et 2004). Le 30 avril, le Conseil fédéral s’est prononcé en faveur d’un référendum facultatif. Mais c’est au Parlement que reviendra le dernier mot. L’argument de l’exécutif est la cohérence institutionnelle, car c’est ainsi qu’ont été approuvés les textes précédents et les accords de Schengen-Dublin qui ont fait entrer la Suisse dans l’espace européen de libre circulation des personnes, à partir de 2008. Les derniers sondages effectués en mai confirment que la majorité des personnes interrogées sont en faveur de la voie bilatérale (58%). 47% des personnes sondées se disent favorables au paquet «Bilatérales III» contre 35%. Les «sans avis», eux, sont encore 18%. Le référendum devrait avoir lieu en 2028.

Des accords qui lient la Suisse

Les juristes suisses, surtout ceux qui sont hostiles aux futurs accords bilatéraux, vont scruter chaque phrase et chaque terme pour savoir si ces textes constituent un dangereux carcan européen pour la Confédération. La réalité est que le rapprochement Suisse-UE aura bel et bien des conséquences. Les aspects les plus contraignants seront regroupés dans les éléments institutionnels destinés à figurer dans tous les accords. Il s’agit d’une nouvelle «norme» dans les relations bilatérales: reprise dynamique du droit européen, interprétation uniforme des accords, instance de surveillance, règlement des différends. Sujet de contentieux attendu durant la campagne référendaire: le nouveau tribunal arbitral Suisse-UE. Selon la communication officielle de Berne «si ce dernier reconnaît l’existence de difficultés sérieuses liées à l’immigration, le Conseil fédéral peut prendre les mesures de protection proposées. Si celles-ci provoquent un déséquilibre, l’UE peut prendre des mesures de rééquilibrage proportionnées au but visé, mais uniquement dans le domaine de la libre circulation des personnes».

Des accords qui devront être défendus

Des parlementaires suisses et européens ont déjà pu prendre connaissance des textes. Les juristes et les experts vont maintenant s’en emparer. Mais qui va les défendre politiquement? Le chef du Département des Affaires étrangères Ignazio Cassis, en charge du dossier bilatéral, ne semble pas être l’homme de la situation pour convaincre l’opinion. L’actuelle présidente de la Confédération Karine Keller-Sutter slalome avec ces bilatérales. A gauche, la voix du conseiller national socialiste et syndicaliste Pierre-Yves Maillard va porter. Les textes sont disponibles. Le débat va très vite s’engager!

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