Un commentaire de Richard Werly
Voter sur l'Europe à la majorité simple, un défi très suisse

En choisissant le référendum facultatif pour l'approbation des accords bilatéraux entre la Suisse et l'Union européenne, le Conseil fédéral opte pour une solution démocratique qui accouchera d'une campagne électorale disputée. Tant mieux, dit notre journaliste.
Publié: 01.05.2025 à 19:13 heures
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Dernière mise à jour: 14.05.2025 à 14:34 heures
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La décision du Conseil fédéral pour un référendum facultatif sur les bilatérales a été présentée mercredi à Berne par Ignazio Cassis.
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Richard WerlyJournaliste Blick

La colère de l’UDC et des opposants aux accords bilatéraux conclus entre la Suisse et l’Union européenne en décembre 2024 n’est pas recevable sur le plan démocratique. Oui, le Conseil fédéral, avec sa proposition d’un référendum facultatif, à la majorité simple annoncée mercredi 30 avril par Ignazio Cassis, a choisi une option politiquement risquée. Mais non, ce choix – s’il est confirmé par le Parlement – n’enlève rien au peuple «souverain». Lequel conserve absolument la possibilité de rejeter ces textes dont la divulgation complète se fait – à tort – encore attendre.

Au-delà de la cohérence qui consiste à préconiser le même mode de scrutin pour ces Bilatérales III que pour les accords conclus avec l’UE en 1999 et 2004, le choix d’un référendum facultatif est au contraire un choix très suisse. En permanence, et à juste titre, les négociateurs helvétiques expliquent à leurs interlocuteurs européens que la démocratie directe est une loi intangible, et que le «souverain» est toujours en embuscade, à quelques milliers de voix près. On se souvient aussi qu’au lendemain de la victoire de justesse du «Leave» à l’issue du référendum britannique sur le Brexit (51,9% contre 48,1%), l’UDC et tous ceux qui bataillent contre l’intégration communautaire se sont réjouis de ce verdict populaire.

Volonté du peuple

Difficile donc de prétendre qu’une majorité simple, à l’issue d’une campagne assurée d’être intense, n’exprimera pas la volonté du peuple. Et encore plus difficile, voire impossible, de justifier la possible prise en otage d’un débat qui porte largement sur l’avenir économique du pays par quelques cantons, absolument égaux à tous les autres, mais moins peuplés et moins directement concernés en termes de bassins d’emplois et d’investissements en matière de recherche ou d’innovation, ces secteurs clefs de l’accord avec l’Union européenne.

Mieux: c’est un défi très suisse que le choix du Conseil fédéral lance à tous les souverainistes, que l’UDC s’efforcera de catalyser: à eux, maintenant, de trouver les arguments pour démontrer que ces nouveaux d’accords bilatéraux, soutenus par les faîtières économiques et par les syndicats à l’issue d’âpres négociations, vont engendrer une «soumission» helvétique. A eux de trouver, dans ces textes qu’il aurait été bien plus justifié de publier avant le choix référendaire, les clauses qui, selon eux, transforment la Suisse en vassale de l’Union. La majorité simple exige une démonstration performante et convaincante pour l’ensemble du pays, des deux côtés de la frontière linguistique, et quel que soit le canton concerné. C’est cela aussi, ne l’oublions pas, une démocratie au service des intérêts de tous ses citoyens.

Publier ces accords est urgent

Le Conseil fédéral doit maintenant, en urgence, rendre public ses accords entre la Suisse et l’UE. Tarder encore est inacceptable. Et les parlementaires doivent se saisir de ce débat. Est-il possible de rester prospères sans s’arrimer au marché européen? Est-il possible de se défendre en tournant le dos à nos voisins, à l’heure des grands remaniements industriels en matière d’armement? Est-il envisageable de trouver des alliances alternatives crédibles avec d’autres pays et puissances, alors que le monde de Donald Trump est plus que jamais celui du «chacun pour soi», où les grands tiennent les petits en joue?

Voilà les enjeux. Et voilà, pour la Suisse, l’occasion parfaite de démontrer qu’après une intense campagne, elle saura, malgré les divisions et les différences domestiques, se rallier au seul objectif commun qui doit sortir des urnes: comment affronter notre siècle, avec neuf millions d’habitants situés au centre d’un continent nommé Europe. Ce qui, on en est au moins certain, ne changera pas après ce vote. A la majorité simple ou non.

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