Débat ce jeudi à Lausanne
Vous ne voulez pas d'une Suisse arrimée à l'Europe? Tirez à vue!

La signature, mercredi 21 mai, des futurs accords bilatéraux entre la Suisse et l'Union européenne (UE) a définitivement bouclé les négociations. Celle-ci bat déjà son plein. Blick ouvre le débat à Lausanne ce jeudi.
Publié: 13:34 heures
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Ursula von der Leyen est la présidente de la Commission européenne.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

C’est parti pour une campagne référendaire sans merci! Embuscades, pièges, accusations: les opposants aux accords Suisse-Union européenne (UE) paraphés mercredi 21 mai à Berne ont une panoplie complète d’armes de destruction massives, pour empêcher l’adoption des Bilatérales III à l’issue du référendum facultatif décidé par le Conseil fédéral le 30 avril.

Rappelons tout de même que les derniers sondages témoignent d’un vent plutôt favorable. 65% des Suisses interrogés voient principalement des avantages dans ces accords bilatéraux. Les Bilatérales III entre la Suisse et l’UE sont au final soutenues par une nette majorité de la population (71%).

Il est dès lors logique que Blick ouvre le débat et contribue aussi à l’animer des deux côtés de la Sarine. A Berne, nos journalistes suivent pas à pas, depuis des mois, le cheminement des textes de ces accords dont la publication complète est scandaleusement différée jusqu’au début juin. A Bruxelles, nous interrogeons sans cesse les responsables européens, pour l’heure terrés dans un épais silence de peur d’affoler les électeurs helvétiques. Mais comment prendre la température politique du pays sur ce sujet des relations avec l’Union européenne, demeuré explosif depuis le rejet de l’adhésion de la Suisse à l’Espace économique européen le 6 décembre 1992?

Un premier débat va nous permettre d’y voir un peu plus clair. Il se tient ce jeudi soir dans les locaux de Blick, à Lausanne, à l’initiative de la section vaudoise du mouvement européen suisse. Que des «euroturbos» dans la salle? Sans doute! Mais nos portes sont ouvertes à tous. Et la question posée va bien au-delà des relations bilatérales. Quelle Europe, avec quelle Suisse à ses côtés, en 2035? Quelle importance stratégique accorder à ce paquet des «Bilatérales III» qui met à jour cinq accords existants (libre circulation des personnes, reconnaissance mutuelle des évaluations de conformité, transports terrestres, transport aérien et agriculture) et en crée trois nouveaux en matière d’électricité, de sécurité alimentaire et de santé?

Les opposants à tout rapprochement avec l’Union européenne ont, il faut le reconnaître, des arguments massue, faciles à marteler. Souveraineté. Refus des juges étrangers. Défense d’une neutralité stricte. Refus d’une libre circulation des personnes et des travailleurs synonymes d’une concurrence salariale déloyale. Ces arguments sont-ils valides? Voici les 5 pièges dans lesquels les futurs accords bilatéraux peuvent – et vont sans doute – tomber.

Le piège de l’Europe impuissante

Sortons un peu du texte des accords paraphés et regardons le monde actuel. En théorie, et c’est ce que martèlent des dirigeants comme Emmanuel Macron ou l’ancien Premier ministre italien Mario Draghi, l’Europe doit assumer sa puissance, appuyée sur son marché unique de 450 millions de consommateurs. La Suisse, placée géographiquement au milieu de ce grand marché auquel elle a déjà accès (d’où les 550 milliards de francs d’échanges commerciaux annuels), a donc intérêt à s’en rapprocher. Problème: cette puissance est constamment mise en échec, et elle est plus souvent dans les mots que dans les faits. Ne vaut-il pas mieux, dans cette nouvelle époque d’affrontements entre Empires, être un petit pays neutre, ouvert, performant et agile?

Le piège de l’Europe carcan

Même Emmanuel Macron et le nouveau chancelier allemand Friedrich Merz le disent: l’Union européenne est bien trop saturée de normes et de règlements qui paralysent son économie, sa créativité et sa capacité d’innovation! Une directive est en particulier dans le viseur des deux leaders européens: la C3SD, ce texte communautaire qui dicte aux entreprises des obligations pour assurer un «devoir de vigilance» en matière de respect des droits humains et environnementaux. Un devoir auquel leurs sous-traitants doivent aussi se conformer! Et le marché unique, n’est-il pas un mythe? Les barrières réglementaires qui existent encore entre les 27 pays membres de l’UE entraînent un surcoût de 45%. Les détracteurs helvétiques de la bureaucratie communautaire peuvent tirer à vue.

Le piège de l’Europe déloyale

Qui peut nier que les travailleurs des pays d’Europe centrale et orientale sont beaucoup moins bien payés que leurs homologues d’Europe de l’ouest? En France, des secteurs entiers, en particulier le bâtiment, recourent à cette main-d’œuvre qualifiée et moins onéreuse, bouleversant le marché.

Les mesures d’accompagnement décidées le 29 janvier 2025 par le Conseil fédéral pour amortir l’effet social et salarial des futurs accords bilatéraux en matière de travail, de logement et d’asile vont-elles suffire pour dissiper les craintes? «Près d’un Suisse sur cinq n’a pas d’avis sur les bilatérales, l’europhilie est en baisse en Suisse francophone…», avertissait récemment l’universitaire René Schwok, sur la base de sondages récents. Le porte-monnaie et la fin du mois jouent un rôle décisif.

Le piège de l’Europe impérialiste

Cette question se résume dans une formule difficile à comprendre, mais dénoncée par tous les opposants aux nouveaux accords bilatéraux: «la reprise dynamique du droit communautaire». «Il s’agit en réalité d’une capitulation devant Bruxelles, affirme l’Union démocratique du centre (UDC) depuis la délivrance du mandat de négociation, en février 2024. L’UE traite notre pays souverain comme une colonie, un vassal tributaire. On veut nous imposer des juges étrangers et réduire notre démocratie directe.» Et de poursuivre: «La 'reprise dynamique du droit' est un euphémisme qui signifie que la Suisse doit reprendre automatiquement le droit européen. L’UE ordonne, la Suisse exécute.»

Ce portrait de l’Europe impérialiste via sa Cour européenne de justice sera omniprésent durant la campagne référendaire. Au final, un tribunal arbitral a été accepté par Bruxelles. Et Economie Suisse, favorable aux accords, répond avec trois arguments: 1. Un marché unique ne fonctionne qu’avec des règles communes. 2. Il n’y a pas de quoi paniquer, seuls quelques accords sont concernés. 3. la démocratie directe reste intacte. Vous avez dit impérialiste?

Le piège de l’Europe qui retarde

L’innovation et la recherche sont des atouts clés de la Suisse dans la compétition mondiale. Or sur ce plan, l’Union européenne est à la traîne. Dans son rapport sur le marché unique européen rendu public en novembre 2024, l’ancien Premier ministre italien Mario Draghi estime à 800 milliards d’euros par an (dont une large partie d’argent public) le montant des investissements indispensables pour rattraper le retard vis-à-vis des Etats-Unis et de la Chine.

Que pèse, face à cela, le plan communautaire «InvestAI» doté de 50 milliards d’euros annoncé en février 2025? Il s’agit d’une alliance de plus de 60 grandes entreprises européennes, pour atteindre à terme un investissement public-privé de 200 milliards d’euros. Soit quatre fois moins que le montant requis selon Draghi. La Suisse doit-elle s’associer avec une Europe retardataire?

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