Le nouveau paquet d'accords bilatéraux entre le Suisse et l'UE est encore secret. Nous vous en parlions la semaine passée, seule une poignée d'élus ont accès au texte en anglais, gardé entre les murs d'une salle de lecture.
Ce mystère suscite la colère au Palais fédéral car de nombreux parlementaires se sentent exclus. La commission de politique extérieure du Conseil national a même envoyé une lettre de reproches au ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis.
D'après le «Tages-Anzeiger», la commission aurait ainsi exigé que tous les parlementaires aient accès au texte. De même, le conseiller national UDC Alfred Heer a fait remonter ce mystère jusqu'à la commission de gestion du Conseil national.
Un traitement de faveur?
Sauf que le scandale autour de ces mystérieux dossiers ne s'arrête pas là. En effet, la semaine prochaine, Bruxelles accueillera la 44e rencontre interparlementaire Suisse-UE. Des membres de l'Assemblée fédérale et du Parlement européen seront présents et il semblerait qu'ils aient déjà pu consulter le dossier.
La délégation helvétique de l'AELE et de l'UE compte dix personnes, la moitié d'entre elles seront présentes à la rencontre et pourront consulter les dossiers «à cause de l'urgence de la situation», nous a -t-on répondu.
La conseillère nationale Elisabeth Schneider-Schneiter (Centre), le conseiller national Eric Nussbaumer (PS) et Thomas Aeschi (chef du groupe UDC) font partie des chanceux. En revanche, l'autre moitié de la délégation qui reste en Suisse n'aura pas accès à ces documents, de quoi hérisser le poil des politiciens fédéraux.
Ignazzio Cassis riposte
De son côté, le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis a tenté d'apaiser les tensions dans sa réponse à la Commission de politique extérieure. Il a dit prendre sa demande «très au sérieux», et a ajouté que le Conseil fédéral a «suivi une approche transparente» dès le début, en référence aux différents documents déjà publiés. De plus, les commissions parlementaires intéressées ont été «informées en permanence de l'évolution des négociations».
Il a aussi fait la promesse aux responsables de la politique étrangère de soumettre leur demande «au Conseil fédéral pour décision avant le paraphe des accords», c'est-à-dire probablement en mai. Si le Conseil fédéral donne son feu vert, tous les parlementaires fédéraux pourraient donc réserver un rendez-vous dans la salle de lecture.
L'UDC tire à boulets rouges
L'UDC exige que le Conseil fédéral publie rapidement le traité. «Ce traité avec l'UE est encore pire que ce que l'on craignait pour la Suisse», a déclaré le parti dans un communiqué. «Le traité doit immédiatement être révélé au peuple.»
Mercredi matin, la conseillère nationale Magdalena Martullo-Blocher (UDC) et le chef de groupe Thomas Aeschi ont pu consulter les 750 pages du texte. «Je suis choqué de voir à quel point ce traité a été mal négocié», a déclaré Thomas Aeschi aux médias.
«Cet accord détruirait tout ce qui fait le succès de la Suisse. Je vois nos pires craintes plus que confirmées.» Même s'il n'a pas remarqué de différences avec les contenus communiqués jusqu'à présent, Thomas Aeschi affirme qu'il a eu accès à de nombreux éléments confidentiels.
Magdalena Martullo-Blocher quant à elle déclare ne pas avoir été surprise mais «un peu abattue». «Le contrat est compliqué et plein d'astuces juridiques.» Par exemple, ses craintes sur l'accord de l'électricité ont été confirmées, même si elle ne peut rien divulguer de précis. Mais selon elle, l'accord demande à la Suisse de reprendre d'innombrables directives et réglementations détaillées de l'UE. Toutefois, elle reconnait que le Conseil fédéral a jusqu'à présent été correctement informé.
«Il n'y aura pas de bombe»
En revanche, la gauche est d'un tout autre avis. «Rassure-vous: il n'y aura pas de bombe», déclare le coprésident du PS Cédric Wermuth, qui a également pu consulter les documents. «En dépit de tous les pronostics pessimistes, il n'y a rien de surprenant dans le texte. Il correspond aux valeurs de référence sur lesquelles le Conseil fédéral a publiquement communiqué.»
Pourtant, pendant deux heures, Cédric Wermuth a pris des notes sur son téléphone dans la salle de lecture et rempli trois pages pleines, à la main. «Cette fois-ci, la Suisse a relativement bien négocié. C'est justement dans les domaines critiques comme la protection des salaires, la clause de sauvegarde ou le trafic ferroviaire que nous avons conservé une grande marge de manœuvre en politique intérieure», a-t-il affirmé.
«Nous devons maintenant utiliser cette marge de manœuvre pour les mesures d'accompagnement de politique intérieure, c'est décisif pour les résultats.»
Les Vert'libéraux sereins
Reste à savoir comment les autres partis voient les choses. Les Vert-e-s ont rendez-vous la semaine prochaine et les Vert'libéraux (PVL), d'apparence sereins, se demandent encore s'ils veulent réserver une date spéciale.
«Nous saluons le fait que les accords seront publiés dans quelques semaines en allemand, en français et en italien», a déclaré le co-secrétaire général Pascal Tischhauser. «Afin que tous les citoyens puissent se convaincre que les Bilatérales III sont une bonne solution pour assurer la réussite de la voie bilatérale à l'avenir.»