Triple féminicide de Corcelles
De nouveaux éléments troublants sur la famille décimée par un père

Dans l'affaire du triple féminicide de Corcelles, il reste encore beaucoup de mystères. Qui est le prévenu et qu'est-ce qui a pu le mener à tuer sa femme et ses filles. Qui étaient les victimes? Les voisins auraient-ils pu suspecter les violences? Blick fait le point.
Publié: 09:00 heures
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Dernière mise à jour: il y a 56 minutes
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Ce jeudi après-midi, le procureur Jean-Paul Ros, chargé de l'affaire, a fait le point avec Blick sur l'avancée de certains points.
Photo: keystone-sda.ch
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Léo MichoudJournaliste Blick

Il a tué son ex-compagne, leurs deux filles et le chat. A Corcelles, près de Neuchâtel, un triple féminicide au sein d’une famille suscite le choc, mais aussi beaucoup de questions.

Qui était le couple? Quel était le passif du prévenu? Ce crime odieux aurait-il pu être évité par les voisins? Blick fait le point, sur la base d’une enquête de voisinage réalisée entre mercredi 20 et jeudi 21 août, de questions au procureur chargé de l’affaire et des éléments factuels déjà rendus publics.

Qui était la famille?

Avant de s’installer sur la commune de Corcelles-Cormondrèche, autour de 2017, le couple a habité Zurich. «Le mari nous a dit qu’ils étaient venus habiter ici depuis Zurich, car sa femme n’arrivait pas à apprendre l’allemand», indique une voisine proche de l’appartement, dont la porte est mise sous scellé.

A l’heure actuelle, les emplois des deux parents – tous deux de nationalité algérienne – nous restent inconnus. La victime avait 47 ans, contre 52 pour son mari, au bénéfice d’un permis C. Ce dernier est désormais prévenu pour meurtre (sur sa femme et ses filles) et tentative de meurtre (sur le policier qu’il semble avoir menacé avec son couteau).

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Les époux étaient en procédure de séparation depuis juin dernier. Date à laquelle le mari est parti habiter un petit appartement du Locle. Nous avons pu voir la porte de son logement, elle aussi mise sous scellé. Dans ce quartier loclois, aucun des voisins que nous avons rencontrés ne connaît l’homme ou n’a souhaité nous répondre.

Depuis son déménagement dans ce nouveau logement, le mari a toutefois été vu plusieurs fois dans l’immeuble et dans le jardin de l’immeuble de Corcelles. La plus grande des filles était scolarisée dans le collège des Safrières, à Cormondrèche – qui a dû gérer la reprise des cours sans la fillette, raconte «Arcinfo» ce mercredi. Les voisins décrivent généralement un couple discret, qui sortait peu.

Le prévenu a-t-il pu être interrogé?

«A l’heure actuelle, le prévenu n’a pas été interrogé», répond ce jeudi à 16h30 Jean-Paul Ros, le procureur chargé de l’affaire. «Sur le plan médical, il est loin d’être en mesure de l’être. Je ne connais pas la probabilité d’une interrogation à court ou moyen terme.» Il faudra donc attendre cet interrogatoire pour obtenir de nouvelles informations de la part des autorités.

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Triples homicide à Corcelles:Le procureur Jean-Paul Ros répond aux questions de Blick

Quel était l’état de santé mentale du mari?

Sur le plan de la santé mentale, le procureur général Pierre Aubert a indiqué à Blick que l’homme était suivi psychologiquement, du moins entre 2020 et 2022. Durant la même période, la police neuchâteloise était intervenue au sein du couple pour des soupçons de violences conjugales. En 2022, l’homme avait été reconnu coupable de dommage à la propriété de faible gravité.

Un voisin – qui a côtoyé l’homme quelques fois pendant que leurs enfants jouaient ensemble dans le jardin – confirme l’existence d’une problématique d’ordre psychologique: «Il ne parlait pas vraiment de sa vie privée, mais évoquait beaucoup sa maladie psychologique». Pour autant, ce voisin assure que le père de famille «s’occupait bien de ses enfants, que seul lui emmenait dans le jardin.»

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Un jour, il était très amical. Et le lendemain, il devenait très distant
Une voisine, au sujet du prévenu pour meurtre
»

Une autre voisine du même immeuble dresse le portrait d’un homme à l’humeur changeante: «Un jour, il était très amical. Et le lendemain, il devenait très distant.» Un jour, ses cris dans le couloir ont effrayé certains de ses voisins. «D’un coup, nous l’avons entendu hurler dans le couloir, décrit une voisine. Il semblait crier des insultes en arabe.»

Ce jeudi après-midi, le procureur chargé de l’affaire a clarifié, pour Blick, l’état des connaissances sur la santé mentale de l’homme: «Le prévenu a effectivement bénéficié de soins psychiques. Là encore, nous sommes en cours d’investigations auprès des thérapeutes pour connaître la nature de ces soins.»

Quels sont les antécédents du prévenu?

Dans le quartier, une rumeur selon laquelle l’homme s’était déjà rendu coupable d’actes criminels a rapidement circulé. Le procureur Jean-Paul Ros, représentant de la justice neuchâteloise, s’est montré net: «Les seuls antécédents du prévenu en Suisse sont sa condamnation en 2022 pour des dommages à la propriété privée de son épouse. Quant à savoir s’il a des antécédents criminels à l’étranger, cela fait actuellement l’objet de nos investigations.»

D’autres éléments de notre enquête de voisinage interrogent. Une voisine explique que la famille fermait la plupart du temps tous les volets, sauf ceux de la cuisine, et ce «presque toute l’année». «C’était assez bizarre, commente-t-elle. Je me suis demandée s’ils avaient quelque chose à cacher ou si quelqu’un était malade.»

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Concernant l’éventuelle ingestion d’une substance, cela fait l’objet d’une investigation médico-légale en cours
Jean-Paul Ros, procureur chargé de l'affaire
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Toujours selon cette voisine, lors de l’intervention de police le soir des faits, il a été fait mention de la brigade des stupéfiants. Y avait-il des produits illégaux à l’intérieur de l’appartement? Le prévenu était-il sous l’effet d’une substance? Réponse du procureur: «Je ne suis pas en mesure de parler de la présence ou non de stupéfiants. Concernant l’éventuelle ingestion d’une substance, cela fait l’objet d’une investigation médico-légale en cours. Peu après les faits, j’ai ordonné le prélèvement d’échantillons de sang et d’urine, qui sont en train d’être analysés.»

Comment allait la famille peu avant les faits?

«On ne savait même pas qu’ils étaient en procédure de séparation. On croyait qu’il s’agissait d’une famille dans laquelle tout allait bien», constate la voisine qui semblait les connaître au mieux. «Je me réjouis beaucoup de reprendre l’école», lui aurait dit la petite de 10 ans juste avant la rentrée.

La veille de ce tragique mardi 19 août, l’épouse est venue sonner chez cette voisine avec son autre fille, celle de 3 ans, dans les bras. Non pas pour demander protection, mais pour «savoir ce qui se passait», étant donné qu’il y avait eu une coupure d’eau.

«La maman n’avait pas l’air d’aller bien», commente la voisine. Elle explique n’avoir «jamais rien entendu qui ressemble à des coups ou des chocs». Du moins jusqu’à la veille des faits. «Dans la nuit du lundi au mardi, ma fille a cru entendre des 'boum' sourds.»

Le mardi matin, une autre habitante a croisé le mari sur le palier. «Après être sorti et avoir comme cherché quelque chose, il est rapidement revenu à l’intérieur», rapporte notre témoin. Il semble bien que le mari était présent à l’appartement le matin de ce triple féminicide.

Les voisins auraient-ils pu voir venir l’horreur?

«On n’entendait rien venant de leur appartement», disent en chœur un voisin et une voisine de l’immeuble d’à côté, toujours sous le choc. Du côté du bâtiment du meurtre, ce n’est pas le même topo.

«Quelque chose qui nous a fait bizarre, c’est que la plus grande des deux fillettes criait beaucoup, raconte la voisine qui habite tout près. Il y avait tout le temps des hurlements d’enfant.» La situation aurait débouché sur plusieurs plaintes adressées à la régie en charge de l’immeuble.

Mais la police est-elle intervenue à cette adresse pour du tapage nocturne? «A ma connaissance, il n’y a pas eu d’intervention de la police à ce domicile pour des cas de ce genre, assure le procureur Jean-Paul Ros. La gérance n’est évidemment pas tenue de communiquer les plaintes à la police.»

Selon le procureur général neuchâtelois, «il n’était pas possible de déterminer que le mari était davantage responsable de la mésentente que sa femme». Des violences au sein du couple n’ont plus été rapportées depuis trois ans, c’est pourquoi il n’y avait pas de surveillance particulière. Malgré le suivi psychologique, malgré leur propre enquête de voisinage, le Ministère public en reste pour le moment à un crime «totalement imprévisible».

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En cas de situation urgente ou dangereuse, ne jamais hésiter à contacter la police au 117 et/ou l'ambulance au 144.

Pour l'aide au victimes, plusieurs structures sont à votre disposition en Suisse romande, et au niveau national.

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