C'est un procès comme on en a rarement vu. Deux médecins comparaîtront dès ce mercredi devant le tribunal de Viège (VS). Les deux quinquagénaires, Helena I.* et Noelle V.*, sont soupçonnées d'avoir causé la mort d'un patient. Le Ministère public les accuse d'avoir commis un homicide involontaire et un faux en écriture. La victime est un quadragénaire du nom d'Alain Guntern.
Une personnalité très engagée
L'annonce de son décès a bouleversé la région. En septembre 2020, Alain Guntern décède subitement d'une dissection aortique, à seulement 48 ans. L'homme était bien connu dans la région: il tenait deux pharmacies à Brigue-Glis (VS) et était président de l'association locale des commerçants. Il s'était engagé pour la revitalisation du centre-ville.
Depuis 2018, il était aussi président de l'Association des pharmaciens du Valais. Alain Guntern était un acteur majeur du Congrès des pharmaciens de Suisse romande et s'était engagé dans la formation des jeunes professionnels. En tant qu'entrepreneur et président de l'association, il défendait les pharmacies indépendantes.
Père de trois enfants, il était aussi très impliqué dans d'autres causes, notamment auprès de la Fondation du château de Stockalper et de la Fondation Emera, une association pour les personnes en situation de handicap.
Un constat alarmant négligé
Cinq ans plus tard, la mort d'Alain Guntern est aujourd'hui devenue un cas juridique. Le parquet estime qu'une négligence grave a été commise dans son traitement médical. Selon l'acte d'accusation consulté par Blick, Alain Guntern – jusque-là en bonne santé – s'est rendu aux urgences de l'hôpital de Viège à cause de fortes douleurs soudaines à la tête et à la poitrine. La souffrance causée était si intense que l'homme de 48 ans en pleurait de douleur.
Ses symptômes et ses antécédents familiaux (son père avait un anévrisme de l'aorte) étaient des signes avant-coureurs évidents d'une rupture de l'artère principale, c'est-à-dire une dissection aortique. Cependant, ce diagnostic potentiellement mortel n'a pas été envisagé par la médecin urgentiste responsable, Helena I.
Un scanner pulmonaire a révélé une dilatation massive de l'aorte de 69 mm. Un résultat alarmant puisque la norme est inférieure à 35 mm. Mais selon l'acte d'accusation, cette information a été ignorée aussi bien par la médecin urgentiste que par la radiologue de garde, Noelle V., et n'a pas été mentionnée dans le rapport initial. A partir d'un diagnostic erroné, Alain Guntern a donc été transféré dans une unité de soins sans surveillance particulière, où il a été retrouvé sans vie le lendemain matin. Les tentatives pour le réanimer ont duré près d'une heure, mais ont échoué.
Des erreurs dissimulées?
Mais ce n'est pas tout. Le Ministère public accuse Noelle V. d'avoir tenté de dissimuler son erreur. D'après le rapport, le jour du décès d'Alain Guntern, elle aurait effacé du système informatique le rapport de synthèse original, qui ne présentait aucune anomalie, et remplacé par un nouveau rapport antidaté de la veille, qui mentionnait cette fois la dilatation aortique. Il semble qu'elle voulait ainsi dissimuler la constatation tardive de la grave dilatation des vaisseaux. Il s'agit là de falsification de documents.
Le plus tragique dans cette affaire, c'est que l'acte d'accusation conclut en affirmant qu'«avec un diagnostic correct et opportun, les chances de survie d'Alain Guntern auraient été de 80 à 86%».
La veuve d'Alain Guntern a refusé de s'exprimer au sujet du procès. Nos demandes d'interviews adressées aux deux médecins accusées sont aussi restées sans réponses. Les deux femmes bénéficient de la présomption d'innocence.
* Noms modifiés