Après une grossesse «parfaite»
Leur bébé décède après l’accouchement: les parents mettent en cause l’Hôpital de Sion

Angelo est décédé un jour après sa naissance. Ses parents accusent l’Hôpital de Sion de négligence. Malgré la douleur, ils témoignent, pour «dénoncer». De son côté, l'Hôpital affirme qu'il n'est pas possible d’établir de faute de la part de ses équipes.
Publié: 16:11 heures
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Dernière mise à jour: 22:17 heures
Eleonora, Marco et Angelo, lors d'un bref instant qu'ils ont pu passer ensemble.
Photo: DR
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

Eleonora et Marco ont 20 ans et 22 ans. Le mois de mai devait marquer le plus beau chapitre de leur histoire: la naissance de leur premier fils. Mais dans l'incompréhension générale, le petit Angelo est décédé au CHUV le 6 mai dernier. Il n'aura vécu qu'une seule journée.

Aujourd'hui, le couple de Valaisans accepte de témoigner, malgré l'immense douleur. Les deux parents tiennent l'Hôpital de Sion, où est né Angelo avant d'être héliporté à Lausanne, pour responsable du tragique destin de leur fils.

Marco l'écrit clairement sur les réseaux sociaux: «L'Hôpital de Sion tue notre enfant.» De son côté, l'institution balaie les accusations de la famille (lire encadré).

Soignants «pas à l'écoute»

Au téléphone avec Blick, le couple est solidaire. Les deux témoignent pour dénoncer, pour «ne pas laisser l'indifférence couvrir ce drame». Marco et Eleonora l'affirment d'emblée: «Il y a eu de graves négligences, ils ne nous ont pas écoutés.» Après une grossesse «parfaite», rien ne pouvait les préparer à la tournure qu'ont pris les événements. 

«Tout était normal, raconte d'abord Marco. Ma copine était arrivée à terme. Le 4 mai, elle perd les eaux petit à petit. L'hôpital nous dit de prendre la valise et de nous rendre sur place.» La journée se déroule sans accroc. Après un premier examen normal, il faut attendre que le col s'ouvre. Eleonora essaie de marcher, elle fait du ballon pour accélérer le processus. A minuit, elle va se coucher un moment.

La maman se vide de son sang

«J'ai dû dormir une heure, se rappelle la jeune femme. Quand je me suis réveillée, mon lit était inondé de sang. Une infirmière est arrivée et m'a emmenée en salle d'accouchement.»

«
Je me vidais de mon sang, j'ai demandé une césarienne d'urgence
Eleonora
»

C'est là que tout bascule. Après une «rapide échographie», une gynécologue de garde déclare que tout va bien, le placenta ne s'est pas décollé, se remémore Eleonora. «Mais je continuais de me vider de mon sang, j'ai demandé une césarienne d'urgence.» Demande rejetée.

Césarienne demandée, toujours refusée

Cette requête, Eleonora la formulera plus de quatre fois jusqu'à l'accouchement, dit-elle. A l'aube, puis à 10h, à midi et finalement, «je leur demandais non-stop», témoigne la jeune femme, qui n'arrête pas de saigner et ne comprend pas pourquoi rien ne se passe.

Motifs avancés pour refuser l'intervention? «On m'a dit que j'étais trop jeune, et que pour mes prochains bébés, il faudrait toujours refaire des césariennes. Le cœur du bébé passait de 50 à 170 battements par minute, et moi, je m'en fiche de devoir faire des césariennes toute ma vie si ça peut sauver mon enfant!», tonne Eleonora.

Après une perfusion d'ocytocine pour aider le col à se dilater encore, la jeune femme déclare qu'elle ne veut plus accoucher par voie basse. Elle le répète sans cesse, mais on lui répond que ce n'est pas nécessaire. «La gynécologue disait que le monitoring n'était pas stable, mais rassurant. Moi, je ne trouvais pas ça rassurant du tout», confie-t-elle.

Sans oxygène pendant 22 minutes

Peu après 14h, l'accouchement démarre. Eleonora a perdu tellement de sang qu'elle s'évanouit. Le bébé nait, aidé par les forceps et la ventouse. «C'était d'une violence pas possible, je n'ai même pas les mots, glisse Marco. La ventouse s'arrachait de la tête de mon fils.» Et puis l'infirmière coupe le cordon. «Elle est partie en courant avec le bébé. La gynécologue nous annonce qu'il est resté sans oxygène pendant 22 minutes. Il est en réanimation.»

«
Les soignants répétaient qu'ils ne savaient pas ce qui avait pu se passer
Marco
»

Eleonora est emmenée au bloc. Marco reste seul en salle d'accouchement. «Je regardais les flaques de sang, il n'y avait personne avec moi. C'était un moment très étrange», souffle le jeune homme. Puis, il est convoqué, avec sa mère et celle de sa compagne, par les médecins.

Le cerveau est touché

Il estime qu'on lui a caché la vérité. «Ils nous ont dit que le cordon était enroulé autour du cou du bébé, mais j'étais là, j'ai tout vu, ce n'est pas ce qui s'est passé», assure le Valaisan. Il aimerait savoir pourquoi sa compagne a perdu autant de sang, toute la nuit, toute la matinée. «Ils répétaient qu'ils ne comprenaient pas ce qui avait pu se passer, ni comment ça avait pu se passer.»

Le pédiatre indique alors que le cerveau du petit est touché. Il y a peu de chances qu'il survive, et s'il survit, il aurait de grosses séquelles neurologiques. «Mais c'est là qu'on m'a dit qu'il allait être héliporté au CHUV, alors j'ai eu envie d'y croire.»

A Lausanne, «un autre monde»

Le bébé part en hélicoptère pour Lausanne. Marco le suit en voiture, accompagné de sa mère. Eleonora, qui a été transfusée, les rejoindra en ambulance dans la soirée.

Le couple salue avec gratitude l'attitude des soignants de la capitale vaudoise. «J'ai découvert un monde complètement différent que celui de l'hôpital du Valais. Ils nous ont accueillis les bras ouverts, ont accepté que notre famille et nos proches nous rejoignent alors que les visites sont normalement limitées», remercie Marco.

Baptême et adieux

A 23h, le 6 mai, Eleonora arrive à l'hôpital universitaire vaudois. Au service de néonatologie, elle rejoint son bébé, qui est alors «plein de fils», branché à des machines. Toute la famille est là, le parrain et la marraine du petit également. La suite est lourde à raconter.

«
Il fallait lui dire au revoir. Il ne pourrait pas respirer sans machine
Eleonora
»

«Le médecin nous a dit que le bébé avait souffert de plusieurs traumatismes, explique la maman. Son cerveau avait été privé d'oxygène, il avait du sang dans les poumons, dans l'estomac. Tous les organes étaient touchés, et il ne réagissait pas au traitement. Il fallait lui dire au revoir, parce qu'il ne pourrait pas respirer sans machine.»

Marco ajoute: «On a appris tout ce qu'on ne nous avait pas dit à Sion.» L'aumônière propose de baptiser Angelo. Ses parents acceptent sans hésiter. Puis les soignants posent le bébé sur la poitrine de Marco. Eleonora, elle, essaye, mais vivre cela est trop dur. C'est posé sur son papa qu'Angelo rend son dernier «petit souffle».

Pleine confiance au CHUV

Cette nuit-là, une partie de la famille dort dans les couloirs de l'hôpital. Le lendemain, le médecin demande à Marco s'il souhaite qu'une autopsie soit pratiquée. «On a refusé, c'était assez dur comme ça. On fait entièrement confiance aux médecins du CHUV, qui nous ont expliqué pourquoi il était parti.»

«
L'Hôpital de Sion, c'est fini pour moi. Je suis traumatisée
Eleonora
»

Ce n'est pas du tout ce que ressent le jeune homme envers l'Hôpital de Sion. «Je leur ai demandé le dossier, ils m'ont dit de faire une demande officielle, motivée par un avocat. Je trouve ça très louche, estime Marco. Au CHUV, ils m'ont dit qu'ils me l'enverraient sans problème.»

Sortir à temps pour la cérémonie

Une chose est sûre, pour Eleonora, l'hôpital de la capitale valaisanne, c'est fini. «Je suis traumatisée, confie-t-elle. Je suis terrifiée quand les soignants me touchent. Mais ici, ils prennent le temps de m'expliquer et de me rassurer.» Ici, c'est encore au CHUV. La jeune femme n'en est pas sortie, après une nouvelle opération et une deuxième transfusion.

Pour le moment, son bébé est à la chapelle. Mais dimanche, une cérémonie privée aura lieu en Valais. «J'espère pouvoir rentrer à temps pour y assister», appelle Eleonora de ses vœux.

Pétition, et plainte pénale?

Une pétition lancée par des soutiens tourne en ligne depuis le matin du 9 mai. Près de 500 personnes l'ont déjà signée. Elle demande qu'une enquête indépendante soit menée pour éclaircir les circonstances du décès. Le texte implore aussi l'Hôpital de Sion de mettre en place un protocole pour que les demandes des mères soient écoutées, à la maternité.

Sur les réseaux, des centaines de commentaires enjoignent le couple à déposer une plainte pénale. Il y réfléchit sérieusement. «Nous devons trouver un financement, explique Marco. Mais malgré la fatigue, malgré la tristesse, j'ai vraiment l'envie de me battre, pour que justice soit rendue à mon fils.»

Ce que répond l'Hôpital de Sion

Blick a demandé à l'Hôpital de Sion s'il confirmait les faits décrits par Eleonora et Marco, comment il les expliquait, et ce qu'il répondait aux reproches formulés par le couple. Selon l'institution, aucune faute n’a pu être établie à l’encontre des équipes de la maternité de Sion. Joakim Faiss, spécialiste en communication pour l'Hôpital du Valais, nous a transmis la réponse suivante:

«L’Hôpital du Valais exprime sa profonde compassion à la famille du nouveau-né décédé après sa prise en charge à la maternité de l’Hôpital de Sion, puis au CHUV. Si l'Hôpital du Valais réitère ses pensées les plus sincères à la famille touchée par cette perte bouleversante, son appréciation des faits, ainsi que celle du CHUV, diffèrent de celle des parents. Une première analyse de l’événement, également en lien avec le CHUV, n’a pas permis d’établir de faute de la part des équipes de la maternité de Sion. Par respect pour la famille et dans le cadre du secret médical, il ne sera pas fait d’autres commentaires sur cet événement particulier à ce stade.»

Blick a demandé à l'Hôpital de Sion s'il confirmait les faits décrits par Eleonora et Marco, comment il les expliquait, et ce qu'il répondait aux reproches formulés par le couple. Selon l'institution, aucune faute n’a pu être établie à l’encontre des équipes de la maternité de Sion. Joakim Faiss, spécialiste en communication pour l'Hôpital du Valais, nous a transmis la réponse suivante:

«L’Hôpital du Valais exprime sa profonde compassion à la famille du nouveau-né décédé après sa prise en charge à la maternité de l’Hôpital de Sion, puis au CHUV. Si l'Hôpital du Valais réitère ses pensées les plus sincères à la famille touchée par cette perte bouleversante, son appréciation des faits, ainsi que celle du CHUV, diffèrent de celle des parents. Une première analyse de l’événement, également en lien avec le CHUV, n’a pas permis d’établir de faute de la part des équipes de la maternité de Sion. Par respect pour la famille et dans le cadre du secret médical, il ne sera pas fait d’autres commentaires sur cet événement particulier à ce stade.»

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