La Suisse a retrouvé la confiance de Donald Trump, au point que ce dernier envisage de venir en personne à Davos fin janvier. Cette condition était en effet essentielle pour que les Etats-Unis choisissent d’envoyer leurs émissaires à Genève, à partir de ce dimanche, pour y négocier leur plan de paix avec les Ukrainiens et les Européens. Un beau coup, donc, pour la diplomatie helvétique revigorée? Oui, et ces cinq raisons expliquent ce choix.
La Suisse, médiateur transatlantique
Qui d’autre aurait pu jouer ce rôle? Impossible en effet de tenir des négociations entre alliés (rappelons que les Etats-Unis sont les patrons de l’OTAN, l’Alliance atlantique qui compte 30 pays membres européens) à Istanbul, en Turquie, de l’autre côté du Bosphore. Impossible aussi, comme les Américains l’avaient envisagé, de se réunir à Budapest, en Hongrie, alors que le premier ministre Viktor Orbán a ouvertement combattu les sanctions européennes contre la Russie, avant de s’y rallier in extremis? Impossible, enfin, de se retrouver à Bruxelles, siège de l’OTAN et de la Commission européenne, où les Etats-Unis craignaient de se retrouver sans médiateur face à ces alliés auxquels ils tordent le bras. La Suisse, en revanche, est revenue en grâce à la Maison-Blanche depuis la renégociation réussie des tarifs douaniers sur les produits helvétiques importés, passés de 39% à 15%.
La Suisse, facilitateur aguerri
On pense bien sûr au rôle que la diplomatie suisse, et Genève, ont joué durant le long processus de négociations entre les parties prenantes au conflit des Balkans, après la désintégration de l’ex Yougoslavie. De 1991 à 1995, les bords du Léman ont vu se succéder les pourparlers entre des chefs de guerre accusés, pour certains, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. La «conférence de paix de Genève» a posé les bases juridiques pour la reconnaissance internationale des nouveaux États. Mais elle a échoué à faire cesser les violences, notamment en Bosnie, où les combats se sont intensifiés malgré les négociations. C’est à Genève que fut conçu le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY), basé à La Haye. Va-t-on vers un processus similaire entre l’Ukraine et la Russie?
La Suisse, diplomate hôtelière
La logistique est essentielle lorsqu’il s’agit d’héberger, en toute urgence, plusieurs dizaines de négociateurs. Or c’est ce qui va se passer à partir de dimanche. Tous les grands pays européens vont envoyer sur les bords du Léman leurs conseillers chargés de la sécurité nationale, épaulés sans doute par des experts militaires. Point important: l’envoyé spécial de Donald Trump pour l’Ukraine, souvent marginalisé, a décidé ces derniers jours de quitter son son poste. Le général Keith Kellog devrait partir en janvier. Le nouvel homme fort, sur le dossier ukrainien, est Dan Driscoll, secrétaire américain à l’Armée.
Proche du vice-président J. D. Vance, vétéran de la guerre en Irak, celui-ci pourrait très vite atterrir à Genève après avoir été à Kiev ces derniers jours. A noter: une partie des négociations commerciales entre les Etats-Unis et la Chine avaient eu lieu, avec succès, en mai 2025 à Genève.
La Suisse, au service du droit
«Nous saluons les efforts continus des États-Unis pour ramener la paix en Ukraine. Le projet initial du plan en 28 points comprend des éléments importants qui seront essentiels pour une paix juste et durable. Nous estimons donc que ce projet constitue une base qui nécessitera des travaux supplémentaires.» Ces phrases sont issues du communiqué publié par les dirigeants européens présents à Johannesbourg, pour le sommet du G20. Deux points du plan de paix americano-russe seront en revanche scrutés, dans cette capitale du droit international humanitaire qu’est Genève. Le point 24 prévoit qu’un «comité humanitaire sera créé pour régler les questions relatives aux échanges de prisonniers, à la restitution des corps, au retour des otages et des détenus civils, et un programme de réunification familiale sera mis en œuvre». Ce qui pourrait conférer à la Suisse un rôle de premier plan. Le point 26 prévoit que «Toutes les parties impliquées dans ce conflit bénéficieront d’une amnistie totale pour leurs actions pendant la guerre et s’engageront à ne faire aucune réclamation ni envisager aucune plainte à l’avenir». On voit mal les Européens l’accepter.
La Suisse, experte de l’Ukraine
Les négociations sur le plan américain pour l’Ukraine qui vont démarrer à Genève ressemblent fort au premier sommet sur la paix en Ukraine les 15 et 16 juin 2024 sur le Bürgenstock. Il y a plus d’un an, la Confédération avait invité plus de 160 délégations du monde entier. L’objectif de cette réunion? Fournir une plateforme de dialogue sur les moyens de parvenir à une paix globale, juste et durable pour l’Ukraine, fondée sur le droit international et la Charte des Nations unies; promouvoir une compréhension commune d’un cadre normatif pour atteindre cet objectif et définir conjointement une feuille de route sur la manière d’impliquer les deux parties dans un futur processus de paix. Exactement, ou presque, le menu des réunions qui vont se succéder à partir de dimanche.