Emmanuel Macron peut-il être un rempart crédible pour Volodymyr Zelensky, de plus en plus fragilisé, dans son pays comme sur la scène diplomatique? Le président français est en tout cas celui sur lequel compte son homologue ukrainien, de retour à Paris ce 1er décembre après une visite le 17 novembre. Ce jour-là, sur l’aéroport de Villacoublay, devant un parterre de militaires, le président ukrainien avait présenté une lettre d’intention pour la future acquisition de cent avions Rafale d’ici à 2035.
Que peut promettre Emmanuel Macron? Et surtout, que peut-il garantir à Zelensky? Le point sur le risque élevé de fausses promesses, que Donald Trump et Vladimir Poutine vont s’employer à remettre en cause pour obtenir leur fameux «deal».
Quoi que dise Emmanuel Macron à Volodymyr Zelensky sur le déploiement possible d’une force de «réassurance» européenne en Ukraine, celle-ci ne se matérialisera pas tant que Donald Trump n’aura pas formellement donné son accord. Plus contraignant encore: c’est un soutien logistique et militaire que les Européens attendent de Washington.
On parle là de capacités éventuelles de transport de troupes et de matériel, de partage de renseignement, de défense antiaérienne et, surtout, de riposte coordonnée en cas d’attaque russe. En clair: cette garantie militaire européenne de la paix en Ukraine est conditionnée au bon vouloir des Etats-Unis. Lesquels, dans la formule initiale de leur plan de paix en 28 points, se présentaient comme «médiateur».
Les Européens ne peuvent pas être le bouclier politique pour Volodymyr Zelensky. Même s’ils considèrent que celui-ci reste tout à fait légitime comme président de l’Ukraine (élu en 2019), compte tenu de la loi martiale en vigueur et de l’impossibilité d’organiser de nouvelles élections.
Sauf que trois éléments compliquent la donne: le premier est le scandale récent de corruption au sein du ministère de l’Energie qui irrite au plus haut point à Bruxelles; le second est l’obligation démocratique des Européens qui doivent aussi entendre les oppositions à Zelensky, le troisième est le plan de paix américain en 28 points, qui spécifiait l’organisation d’un scrutin dans les cent jours après un accord de paix. En clair: Zelensky sait que ses interlocuteurs européens réfléchissent aussi à sa succession.
Le rendez-vous est pris pour le 18 décembre. Ce jour-là, les dirigeants des 27 pays membres de l’Union européenne se retrouveront à Bruxelles pour leur dernier Conseil européen de 2025. Objectif: s’entendre sur une solution qui permette d’utiliser – a priori sous forme de garantie pour un prêt – les 200 milliards d’euros d’actifs de la banque centrale russe, gelés au sein de l’organisation de compensation Euroclear.
Pour l’heure, la Belgique, où se trouve cette institution, se refuse à prendre cette responsabilité qui la désignerait comme une cible à la Russie. La dernière proposition en date de la Commission européenne est une garantie communautaire. Tous les Etats de l’UE riposteraient sur le plan financier, si Moscou s’en prenait à la Belgique. Crédible, lorsqu’il s’agira de se répartir les futurs contrats, après la paix?
On a beaucoup débattu de la proposition américaine, non concrétisée, de livrer à l’Ukraine des missiles Tomahawk d’une portée maximale de 2500 kilomètres. Mais quid des Taurus allemands, que les autorités de Kiev réclament depuis au moins deux ans, pour compléter leur arsenal de missiles Scalp français (avec leur équivalent anglais Stormshadow), dont la portée n’excède pas 400 kilomètres?
La vérité est que les Européens ne sont toujours pas prêts à armer l’Ukraine pour des frappes en profondeur contre la Russie, redoutant d’être accusés de faire la guerre. Cette question pose aussi celle de l’OTAN: les Européens voudraient que la porte de l’adhésion de l’Ukraine à l’Alliance atlantique reste ouverte, même si Kiev y renonce. Or les clés de l’OTAN et de ses 32 pays membres restent dans les mains de son premier contributeur: les Etats-Unis.
Ce point est le plus politique, et le plus critique aussi. L’horizon de l’adhésion future à l’Union européenne est ce qui motive la plupart des Ukrainiens dans leur résistance à la Russie. Ils regardent vers l’ouest et vers cette Europe avec laquelle leur pays a entamé, le 14 décembre 2023, des négociations d’adhésion, tout comme la Moldavie.
Mais attention: le chemin reste en théorie très long. L’Ukraine doit négocier 35 chapitres, pour parvenir au seuil de l’Union. Et son entrée dans le club pourra alors être bloquée par un seul Etat-membre. La crainte d’un référendum hostile est patente, par exemple en France. L’Ukraine est, de fait, européenne. Elle est encore loin de l’être dans les traités européens, même si une accélération du processus a souvent été évoquée. Avec 2030 en ligne de mire.