Volodymyr Zelensky n’a sans doute jamais été aussi faible face à Donald Trump et à Vladimir Poutine. Faiblesse politique et personnelle surtout, mais aussi faiblesse face à son armée, dont beaucoup d’éléments déplorent la stratégie très coûteuse en hommes de son chef d’état-major Oleksandr Syrsky.
Dimanche, le négociateur président en chef Andriy Yermak s’est félicité des discussions avec ses homologues américains. Et pour cause… Il pourrait se retrouver cette semaine de nouveau dans le bureau ovale de la Maison-Blanche, avant l'ultimatum de «Thanksgiving» posé par Trump.
Zelensky et l'ombre de la corruption
L’actuelle administration américaine est-elle, d’une façon ou d’une autre, à l’origine des premières fuites sur l’ampleur du scandale de corruption révélé le 10 novembre, après la perquisition menée par les enquêteurs du Bureau national anticorruption (NABU) dans un complexe résidentiel de Kiev situé près de la présidence ukrainienne?
C’est ce qu’a laissé entendre l’ancien Commissaire européen Thierry Breton sur la chaîne française LCI. Pour lui, les révélations, après quinze mois d’investigations et plus de mille heures d’écoutes téléphoniques, tombent pile pour ceux qui veulent forcer la main de Volodymyr Zelensky.
Rappelons que le principal suspect dans cette affaire de corruption d’environ 100 millions de dollars – obtenus par un racket des firmes sous contrat avec Energoatom, la société d’Etat responsable de l’énergie nucléaire – est l’ancien producteur des spectacles du président, lorsqu’il était acteur: Timur Minditch.
Zelensky et l’impopularité
Il faut prendre garde aux sondages en provenance d’Ukraine, ce pays en guerre depuis le 24 février 2022, depuis l’agression russe. Mais le fait est que le moral des Ukrainiens est bas.
Cet été, selon un sondage de l’institut Gallup, seulement 24% des personnes interrogées voulaient encore «combattre jusqu’à la victoire», contre 73% à la fin de 2022. Dans cette même enquête d’opinion, le souhait de «négociations visant à mettre fin à la guerre dès que possible» progressait de 22% à 69%.
Point important: 32% seulement des sondés, cet été, jugeait possible pour leur pays d’intégrer l’OTAN d’ici 10 ans, contre 64% au début du conflit. Et Zelensky? Il restait soutenu, après sa rencontre houleuse avec Trump à la Maison-Blanche le 28 février 2025, par 67% de ses concitoyens. Mais désormais, seuls 25% souhaitent désormais qu’il reste président après la guerre, selon un sondage publié en octobre par le «Kyiv Independent».
Zelensky et Trump, la méfiance
Le président ukrainien reste un «loser» pour Donald Trump. Au vu du courage dont Volodymyr Zelensky a fait preuve depuis le début du conflit, un tel jugement est à la fois injuste et indécent. Mais le 47e président des Etats-Unis est ainsi fait: il ne respecte que les «gagnants» et les plus forts.
Or pour Trump, qui l’a redit plusieurs fois, la guerre en Ukraine n’aurait jamais dû avoir lieu car la Russie est beaucoup trop forte. Zelensky aurait donc dû, selon lui, être poussé à faire des concessions par son allié américain pour éviter l’assaut russe du 24 février 2022. On sait par ailleurs que l’administration Trump a des liens avec l’ancien chef d’état-major Valerii Zaloujny, désormais ambassadeur d’Ukraine au Royaume-Uni.
L’organisation de nouvelles élections ukrainiennes «dans les cent jours» après la signature de la paix figure aussi dans les 28 points défendus dimanche à Genève par les Etats-Unis (point 25). Trump enfin, a de nouveau déploré ce week-end le manque de «gratitude» du président ukrainien. Tout un programme..
Zelensky et son armée, le divorce?
Les observateurs et les journalistes qui reviennent du front ukrainien ramènent tous la même histoire. La résilience des combattants ukrainiens est souvent héroïque face à une armée russe bien supérieure en nombre. Mais l’opinion qu’ont les combattants de Volodymyr Zelensky après trois ans de conflit n’a plus rien à voir avec ce que l’on entendait en 2023 ou 2024.
Plusieurs chefs militaires, sur le devant de la scène ou non, ont à l’inverse vu leur popularité et leur réputation s’affermir au fil des combats. L’un d’entre eux est le chef du renseignement Kyril Budanov, crédité pour les opérations réussies d’infiltration en Russie. La dernière en date, le 27 octobre, a conduit les autorités à fermer huit aéroports, dont deux à Moscou, après une attaque de centaines de drones ukrainiens.
«Zelensky peut résoudre cette crise, mais il doit changer sa façon de diriger», titrait la semaine dernière le Kiyv Independent. Un homme est au centre des critiques pour le coût humain et militaire de l’actuelle bataille de Pokrovsk: le commandant en chef Oleksandre Syrsky, nommé en février 2024.
Zelensky et la politique, la fatigue
La référence est souvent évoquée à propos de l’avenir de Volodymyr Zelensky: après la seconde guerre mondiale, et malgré son statut de héros, le premier ministre britannique Winston Churchill perdit les élections face au travailliste Clement Atlee, porté à Downing Street à la surprise générale en 1945. Churchill revint ensuite au pouvoir en 1951, mais la fatigue de la politique, après quatre années de guerre, est un mur souvent infranchissable.
Le mécontentement politique est fort en Ukraine, preuve que le fonctionnement démocratique du pays demeure malgré la loi martiale en vigueur. Les parlementaires d’opposition reprochent au gouvernement de limiter leurs déplacements. Le limogeage ces jours-ci des ministres de la Justice et de l’Energie, en raison du scandale de corruption, ajoute à la colère.
L’influent média américain Politico a tranché: «La présidence boiteuse de Zelensky – Le préjudice causé au dirigeant ukrainien est probablement irréversible» estimait-il à la «une».