Pourparlers à Genève
En Suisse, les Européens ont l'obligation d'arracher ces concessions sur l'Ukraine

A quoi va ressembler la session de négociation, à Genève, sur le plan de paix proposé par les Etats-Unis? Dans tous les cas, voici ce que les Européens doivent obtenir, en soutien des Ukrainiens.
Publié: il y a 29 minutes
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C'est le bras droit de Volodymyr Zelensky Andriy Yermak qui dirigera la délégation ukrainienne aux pourparlers de Genève.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ils doivent absolument, à Genève, obtenir ces concessions de Donald Trump. S’ils ne parviennent pas à amender le plan de paix en 28 points présenté vendredi par l’administration américaine, les Européens se retrouveront avec une mission impossible sur les bras: gérer financièrement et politiquement une Ukraine à la merci d’une prochaine agression russe, tandis que les Etats-Unis empocheraient la mise en termes de contrats. 

Des lignes rouges? Oui, et elles sont indispensables. Ou alors…

La première exigence des Européens est que ce plan de paix, avant d’être présenté officiellement à la Russie (les Américains nient l’avoir élaboré avec les Russes, ce qui semble fort peu probable), soit approuvé et validé par l’Ukraine. Or en l’état, au moins trois points sont inacceptables pour Kiev: le point 6 qui limite les forces armées ukrainiennes à 600'000 hommes ; le point 15 sur la création future d’un groupe américano-russe sur les questions de sécurité (sans l’Ukraine) pour garantir le respect de l’accord et le point 21 stipulant l’abandon pur et simple à la Russie de la Crimée, de Louhansk et de Donetsk (tandis que la ligne de front sera gelée par ailleurs). 

Pourquoi les Européens ne peuvent l’accepter? Parce que cela signifie, ni plus ni moins, que le démembrement d’un pays et de ses frontières sur le Vieux continent est opéré unilatéralement par les Etats-Unis et la Russie. Impossible.

Garanties de sécurité

La seconde exigence porte sur les garanties de sécurité donnée à l’Ukraine et sur la future reconstruction du pays. Le fait que l’Ukraine doive renoncer à l’intégration dans l’OTAN n’est pas surprenant. Mais à aucun moment, l’OTAN n’est cité comme garantie de ce plan de paix. Plus grave: l’Alliance atlantique, seule force que la Russie de Vladimir Poutine respecte, est tenue à l’écart

Le point 7 prévoit que «l’Ukraine accepte d’inscrire dans sa Constitution qu’elle ne rejoindra pas l’OTAN, et que l’OTAN accepte d’inclure dans ses statuts une disposition spécifiant que l’Ukraine ne sera pas intégrée à l’avenir»! Le point 8 stipule que l’OTAN accepte de ne pas stationner de troupes en Ukraine, tandis que «des avions de combat européens seront basés en Pologne» (ce qui est déjà le cas).

Plus préoccupant, le point 10 du plan américain indique «les Etats-Unis recevront une compensation pour la garantie de sécurité. Si l’Ukraine envahit la Russie, elle perdra cette garantie. Si la Russie envahit l’Ukraine, outre une réponse militaire coordonnée et décisive, toutes les sanctions mondiales seront rétablies, la reconnaissance du nouveau territoire et tous les autres avantages de cet accord seront révoqués. Si l’Ukraine lance un missile sur Moscou ou Saint-Pétersbourg sans raison valable, la garantie de sécurité sera considérée comme nulle et non avenue». 

Que veut dire «compensation»? Que veut dire «réponse militaire coordonnée et décisive», sans mentionner l’OTAN? Le flou, dans ce type de règlement de conflit, est souvent mortel. Il porte en germe les dérapages futurs.

Des bénéfices sonnants et trébuchants

Troisième exigence que doivent défendre les Européens: tout ce qui touche à l’Union européenne (UE) ne peut pas et ne doit pas être stipulé sans leur accord et sans l’obtention de bénéfices sonnants et trébuchants pour Bruxelles. Or le plan de paix va très loin. 

Outre la réaffirmation du processus d’adhésion de l’Ukraine à l’UE (qui est en cours), il stipule dans son point 13 que «la Russie sera réintégrée dans l’économie mondiale, avec des discussions prévues sur la levée des sanctions, la réintégration du G8 et la conclusion d’un accord de coopération économique à long terme avec les Etats-Unis».

Les actifs russes

Quid de l’Europe, pressée d’abandonner ses sanctions sans contreparties? Sans parler du point 14 qui indique: «Quelque 100 milliards de dollars d’actifs russes gelés seront investis dans les projets menés par les Etats-Unis pour reconstruire l’Ukraine et y investir, les Etats-Unis recevant 50% des bénéfices de l’initiative. L’Europe ajoutera 100 milliards de dollars afin d’augmenter le montant des investissements disponibles pour la reconstruction de l’Ukraine. Les fonds européens gelés seront débloqués, et le reste des fonds russes gelés sera investi dans un véhicule d’investissement américano-russe séparé». 

En clair: l’Europe paiera, point. Les Etats-Unis encaisseront.


S’y ajoute le point sur l’amnistie concédée aux dirigeants russes sur la base de ce plan de paix, inacceptable au regard du droit international. Il s’agit bien, pour les Européens, de défendre à Genève leur souveraineté et leur capacité à déterminer leur avenir avec l’Ukraine et avec la Russie. Dans le cas contraire, la «vassalisation» des Européens par Washington sera actée.


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