Tandis que le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy a commandé 250 nouveaux avions de chasse à la France et la Suède ces derniers jours, les envoyés de Donald Trump et Vladimir Poutine ont continué à concocter leur plan de paix qu'ils croyaient mort, dans le dos des Ukrainiens.
Ce plan fait renaître l'espoir de la fin de la guerre. Mais les experts tirent la sonnette d'alarme: l'accord n'est pas seulement un affront aux Ukrainiens. Si Kiev l'acceptait, ce serait un suicide collectif.
Le plan en 28 points s'appuie sur les négociations entre les présidents russe et américain le 15 août en Alaska. Mais après cette rencontre prometteuse, la relation entre Washington et Moscou s'est tendue, car Poutine ne réduisait absolument pas son offensive.
Voici le plan
Depuis, les négociations ont repris en coulisses. Fin octobre, l'envoyé spécial américain Steve Witkoff et le représentant de Poutine, Kirill Dmitriev, se sont vus à Miami pendant trois jours. Selon les médias, les discussions portent notamment sur les points suivants:
- Retirer complètement les Ukrainiens des régions de Donetsk et Lougansk, y compris des zones non conquises par les Russes
- Geler la ligne de front dans le sud de l'Ukraine
- Réduire de moitié les effectifs de l'armée ukrainienne
- Faire du russe la langue nationale officielle
- Donner à l'Eglise orthodoxe russe – que Poutine utilise à des fins de propagande – un statut officiel
- Abandonner certaines «catégories d'armes importantes», y compris les armes à longue portée
- Aucune troupe étrangère en Ukraine
- Pas d'adhésion à l'OTAN
- Les garanties de sécurité des Etats-Unis restent encore à définir
- Les Américains pourront investir dans les minéraux ukrainiens
La ceinture fortifiée en danger
Vu de l'extérieur, céder les territoires détruits aux envahisseurs peut sembler simple et logique. Mais en abandonnant le Donbass, la Russie s'emparerait aussi de territoires et d'infrastructures vitales pour l'Ukraine.
Il s'agit notamment de la «ceinture fortifiée» ukrainienne, en construction depuis 2014. Elle s'étend des villes de Sloviansk et Kramatorsk au nord jusqu'à Kostjantyniwka et Druzhkiwka au sud. Elle est composée de villes fortifiées ainsi que de centaines de kilomètres de fossés et de champs de mines.
Cette ligne de défense est en quelque sorte l'assurance-vie de l'Ukraine. Jusqu'à présent, les Russes s'y sont cassés les dents. L'Institute for the Study of War (ISW) estime qu'au rythme actuel de la guerre, il faudrait plusieurs années aux assaillants pour en venir à bout.
Une invitation pour Poutine
Par conséquent, l'abandon de ce bouclier vital n'est pas envisageable pour les Ukrainiens. Car même si Poutine acceptait un cessez-le-feu, la paix ne serait pas garantie. Les représentants de Kiev et les experts en sécurité estiment que les Russes frapperont de nouveau plus tard, une fois remis de la guerre en Ukraine et réarmés. Sans cette «ceinture fortifiée», Moscou aurait le champ libre pour lancer une nouvelle offensive contre Kiev.
Bien sûr, Zelensky veut la paix, mais pas à ce prix qui avantagerait clairement les Russes. Il est donc hors de question de faire toute concession territoriale au-delà des territoires déjà occupés. Tout désarmement est aussi exclu.
Pendant que Washington et Moscou ont secrètement travaillé à l'accord, Zelensky a planifié son réarmement massif. Fin octobre, il est allé en Suède où il a signé une déclaration d'intention pour l'achat de 150 avions de combat Gripen. Même chose à Paris il y a quelques jours: il a signé une déclaration pour l'achat de 100 avions de combat de type Rafale auprès d'Emmanuel Macron.
Aucune paix en vue
Une chose est sûre: ce plan met Zelensky dans l'embarras. D'autant plus qu'il survient dans une phase délicate, quand les Russes ont le vent en poupe sur le front et que Zelensky doit faire face à un scandale de corruption au sein du gouvernement.
Jeudi, Zelensky et une délégation militaire américaine échangeront sur le plan. Nous sommes donc encore loin d'un accord. Car Zelensky n'est pas dupe, il sait que s'il signe ces points, il n'aide pas seulement Poutine. Il fait aussi plaisir à Trump en lui offrant des ressources naturelles et la gloire d'être un faiseur de paix. Sauf qu'un tel accord ne prépare pas le terrain pour la paix, mais pour sa propre capitulation.