Promesses à Rome
Les Européens jurent que l'Ukraine va tenir, c'est vrai?

La conférence sur la reconstruction de l'Ukraine s'achève à Rome ce vendredi 11 juillet. Plus de dix milliards d'euros ont été promis et l'intégration future du pays dans l'Union européenne demeure le mot d'ordre. Mais est-ce crédible?
Publié: 11.07.2025 à 15:55 heures
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Chaque nuit, de nouvelles attaques de drones et missiles russes sur les grandes villes ukrainiennes visent à démoraliser la population.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

L’Ukraine peut tenir face à la Russie de Vladimir Poutine. Et les Européens sont capables de remplacer l’aide militaire américaine qui risque de faire défaut, si Donald Trump met ses promesses de retrait et d’interruption à exécution. Tel est le message délivré par les dirigeants européens lors de la Conférence sur la reconstruction de l’Ukraine à Rome, les 10 et 11 juillet. Crédible? Oui, si ces 5 questions sont réglées.

L’Ukraine doit être surarmée

Il ne s’agit pas d’armer l’Ukraine, agressée le 24 février 2022 par la Russie qui contrôle, après trois ans de guerre, environ 18% de son territoire, et tout ou partie de quatre Oblasts (régions): Donetsk, Louhansk, Zaporijia et Kherson. Il faut surarmer ce pays de 37 millions d’habitants, dont plus de six millions – surtout des femmes et des enfants – ont fui pour trouver refuge à l’étranger. Trois types d’armes sont indispensables pour résister: l’artillerie, la défense antiaérienne, et les missiles longue portée. Que fait l’Europe? Elle a réussi en 2024 à livrer 500 000 obus. L’Allemagne a promis d’acheter pour l’Ukraine deux nouvelles batteries de missiles antimissiles Patriot. Mais du côté des armes à longue portée, Kiev dispose pour l’essentiel de MGM-140 ATACMS américains. Berlin n’a toujours pas livré les fameux Taurus. Point important: Donald Trump a affirmé jeudi 10 juillet que les États-Unis vont continuer de fournir des armes à l’Ukraine, via l’Otan.

L’Ukraine doit être renseignée

Ce défi est le plus sérieux pour les Européens qui sont loin de disposer des systèmes d’espionnage et de localisation par satellite aussi puissants que ceux des Etats-Unis. Il faut donc impérativement travailler à des solutions de rechange si Washington, comme en mars dernier, décide de «mettre en pause» le partage du renseignement avec Kiev, car celui-ci est indispensable au ciblage des systèmes de roquettes d’artillerie à haute mobilité (HIMARS) et des systèmes de missiles tactiques de l’armée américaine (ATACAMS). Une piste peut être le soutien du Royaume-Uni, qui fait partie de l’alliance «Five Eyes» avec les Etats-Unis, l’Australie, la Nouvelle Zélande et le Canada). Il n’existe pas, en revanche, de système alternatif européen, même si le réseau satellitaire Galileo peut pallier à certaines insuffisances.

L’Ukraine doit être financée

L’argent est le nerf de la guerre, on le sait. Et sur ce plan, les Européens – dont la Suisse – ont de sérieux arguments pour faire valoir leur soutien «inébranlable» à Kiev. C’est grâce à l’argent communautaire que l’Etat peut payer les salaires et fonctionner. Dix milliards d’euros viennent à nouveau d’être promis pour la reconstruction du pays lors de la conférence de Rome, durant laquelle l’UE s’est engagée à débloquer 2,4 milliards d’euros. Pour l’heure, le bilan du soutien financier européen démontre la solidarité. L’UE a jusque-là déboursé au total 85,5 milliards d’euros. Un nouvel instrument financier, la Facilité pour l’Ukraine, visant à soutenir la stabilisation, la reconstruction et la modernisation du pays, a été doté de 50 milliards d’euros pour la période 2024-2027. Les Européens ont, par ailleurs, déboursé ou livré 48,7 milliards d’euros d’aide militaire à l’Ukraine depuis 2022.

L’Ukraine doit être défendue

La question, après plus de trois ans de guerre, n’est pas seulement de soutenir l’Ukraine financièrement et militairement à bout de bras. Il faut aussi que la défense mise en place dans le pays soit crédible, pour dissuader la Russie de poursuivre son avance. Depuis l’offensive ukrainienne dans la région russe de Koursk lancée par surprise le 6 août 2024, les forces de Vladimir Poutine ont en effet l’avantage sur le terrain, où elles grignotent chaque semaine de nouveaux kilomètres. La proposition européenne, réitérée par Emmanuel Macron et Keir Starmer à Londres le 10 juillet, est celle d’une force de «réassurance» qui serait positionnée en Ukraine, pour défendre tout cessez-le-feu. Les plans sont «prêts» ont affirmé les deux dirigeants à l’issue d’une réunion de la «coalition des volontaires». Trente pays sont concernés. À Paris, un État-major d’opération est prévu et 200 planificateurs sont déjà mobilisés. A quand, le passage à l’acte?

L’Ukraine doit avoir un avenir

Pour continuer de se battre, les Ukrainiens ont besoin de trois assurances. La première est celle de leurs capacités industrielles en matière de défense. Il leur faut produire plus d’armes et de drones (on cite déjà le chiffre de deux millions par an), grâce aux coopérations avec les industriels européens. Il est ensuite indispensable que la Russie soit affaiblie économiquement. C’est tout l’enjeu du nouveau paquet de sanctions américaines et européennes que Donald Trump pourrait officialiser lundi 14 juillet. Celles-ci frapperaient de 500% de tarifs douaniers tout pays ou entité qui commerce avec la Russie! Dernier enjeu: l’avenir de l’Ukraine dans l’Union européenne, que la conférence de Rome a réitéré. La future adhésion à l’OTAN n’est en revanche plus de mise. Le communiqué finale de l’Alliance, à l’issue du sommet de La Haye en juin affirme: «Les Alliés réaffirment leur engagement souverain permanent de soutenir l’Ukraine, dont la sécurité contribue à la nôtre, et, à cette fin, ils incluront les contributions directes à la défense de l’Ukraine et à son industrie de défense dans le calcul des dépenses de défense des Alliés».

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