Pas d'accord avec Witkoff
L'inflexible Poutine a 5 faiblesses qui lui font mal

L'émissaire américain est reparti sans succès de sa rencontre de cinq heures avec Vladimir Poutine. Impossible de trouver un compromis sur les territoires. Mais contrairement aux apparences, le temps ne fait pas le jeu de la Russie.
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Vladimir Poutine a reçu l'émissaire américain Steve Witkoff pendant cinq heures mardi 3 décembre.
Photo: IMAGO/SNA
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Richard WerlyJournaliste Blick

Vladimir Poutine continue de jouer la montre. Et de faire, pendant ce temps, très mal à l’Ukraine qu’il frappe toujours plus fort et où son armée vient d’enregistrer un réel succès avec la chute de la ville de Pokrovsk, l’un des verrous ukrainiens dans l’oblast de Donetsk. A l’issue de cinq heures d’entretien au Kremlin avec les émissaires américains Steve Witkoff et Jared Kushner, mardi 2 décembre, le président russe a opposé un refus à tout compromis territorial. Il continue donc de réclamer les territoires que la Russie a officiellement annexés en septembre 2022 (Louhansk, Donetsk, Kherson et Zaporijjia) en plus de la Crimée rattachée de force à la Russie en 2014.

Mais Poutine, qui se rend en Inde à partir de ce mercredi 3 décembre, peut-il demeurer inflexible? Et si le temps ne jouait pas en sa faveur, comme beaucoup le pensent? Ces 5 faiblesses russes imposent des nuances.

Cette guerre est celle de Poutine

La propagande du pouvoir russe, la censure et la militarisation de la société font qu’il est très difficile de contester les décisions militaires prises par Vladimir Poutine depuis l’assaut contre l’Ukraine, le 24 février 2022. Officiellement, cette guerre est «patriotique», et il s’agit de déloger les «nazis» d’Ukraine, référence aux combats de la Seconde Guerre mondiale contre les armées d’Hitler. Dans les faits, la réalité est bien éloignée. Pour beaucoup de Russes, leur pays paie un prix beaucoup trop lourd, humain et économique, à cette guerre civile. 

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Interrogé par Blick, l’ancien ambassadeur français en Russie Jean de Gliniasty confirme: «Cette guerre est celle de Poutine. Celle de son clan. L’économie de guerre permet de tenir, et son pouvoir est très solide, mais lui aussi a l’impératif d’en sortir. C’est l’un des atouts de Trump qui, en plus, promet une résurrection économique à la Russie.»

Cette guerre coûte très cher

On connaît les chiffres. Selon les instituts spécialisés, la Russie dépense chaque jour 500 millions d’euros pour financer la guerre en Ukraine, en troupes et en matériel. Durant les six premiers mois de 2025, Moscou aurait dépensé 91 milliards d’euros pour financer son économie de guerre qui impressionne tant les Occidentaux. 

En face? Des recettes avant tout dues aux ventes d’hydrocarbures et de ressources naturelles, notamment via la fameuse «flotte fantôme» de navires affrétés par des entités au service d’importateurs comme l’Inde ou la Chine. Pour 2024, ces rentrées budgétaires auraient représenté 100 milliards d’euros. 

Sauf que la guerre coûte cher. Les Russes doivent notamment acheter au prix fort des composants chinois ou asiatiques en contournant les sanctions internationales. En octobre, le Parlement russe a adopté une deuxième révision du budget fédéral pour 2025 face à une dégradation des perspectives économiques. Le déficit de 2,6% du PIB semble irréaliste. Il manque, cette année, environ 50 milliards d’euros au budget de l’Etat. D’où la nécessité d’emprunter. Moscou vient ainsi de lever un emprunt en Chine, en yuan chinois.

La guerre des sanctions fonctionne

Le tournant a peut-être eu lieu le 21 novembre. Ce jour-là, les sanctions américaines interdisant de commercer avec les géants pétroliers russes Lukoil et Rosneft sont entrés en vigueur. Ces sanctions, adoptées le 21 octobre, sont encore très éloignées du projet du Sénat Américain qui entendait frapper de 500% de droits de douane tous les pays qui, via des entités commerciales privées, importent des hydrocarbures russes. 

Mais le marteau des Etats-Unis fait déjà mal et ce sujet est à l’agenda de la visite de Vladimir Poutine effectue ces jours-ci en Inde, qui a importé en 2024 environ 250 millions de tonnes de pétrole brut russe. L’Union européenne prépare de son côté un vingtième paquet de sanctions, avec dans son viseur la fameuse «flotte fantôme». «Nous avons été informés par le chef des renseignements européens de l’effet des sanctions. Les capacités de pétrole russe sont au plus bas depuis des mois», a affirmé en novembre la cheffe de la diplomatie européenne Kaja Kallas.

Cette guerre peut redevenir navale

L’avertissement a été lancé par Vladimir Poutine le jour de l’arrivée à Moscou de Steve Witkoff et Jared Kushner. Après deux attaques ukrainiennes en mer Noire contre des tankers (vides) qui naviguaient vers le port de Novorossiïsk, le maître du Kremlin a menacé l’Ukraine d’un blocus naval. 

Ce n’est pas la première fois que la Russie brandit cette menace qui aurait pour effet d’interdire à Kiev ses exportations de blé, qui se poursuivent depuis la signature de l’accord d’Istanbul en juillet 2022. Sauf que Poutine pourrait payer très cher un tel blocus. Celui-ci exigerait des moyens maritimes importants, et priverait aussi la Russie de ses couloirs d’exportations. Il entraînerait enfin, à coup sûr, d’autres frappes ukrainiennes sur des navires de la flotte fantôme, que les Européens pourraient envisager d’arraisonner. La guerre navale deviendrait, en quelque sorte, une guerre mondiale pour le pétrole.

Cette guerre est technologique

Les drones, les missiles et les bombes planantes russes sont le cauchemar des Ukrainiens. Or la Russie en produit à grande échelle. On estime que le pays est capable de produire, en un mois, 3000 drones lourds «Guran 2», copie du «Shahed 136» iranien. On sait aussi que l’armée russe s’est adaptée sur le front et qu’elle privilégie désormais les infiltrations d’unités isolées, qui harcèlent les troupes ukrainiennes. C’est ainsi que la prise de Pokrovsk, après des pertes très lourdes, a pu avoir lieu même si Kiev continue d’affirmer que la ville tient toujours. 

Problème: la balance technologique est clairement en faveur de l’Ukraine dont les usines d’armement bénéficient de l’apport technologique occidental. Le point faible est évidemment l’aide américaine. Si elle s’interrompt, en particulier en matière de renseignements et de défense antiaérienne, l’Ukraine peut perdre beaucoup. Moscou, toutefois, n’est pas gagnant dans cette course technologique meurtrière.

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