Ces dix questions sont existentielles pour l’Ukraine, qui ne sera pas représentée au sommet Trump-Poutine ce vendredi 15 août en Alaska. Donald Trump, président des Etats-Unis alliés jusque-là de ce pays assiégé par la Russie, doit les poser et obtenir des réponses lors de sa rencontre avec Vladimir Poutine. Celle-ci démarrera à 21h30, heure suisse. Une conférence de presse finale (a priori commune) est annoncée pour 1h30 du matin.
80 ans pile après la reddition du Japon le 15 août 1945, qui mit fin à la Seconde Guerre mondiale, les discussions seront divisées en deux parties. La première sera un tête-à-tête entre les deux présidents avec seulement un interprète chacun. La seconde verra les deux hommes, après le déjeuner, reprendre leurs échanges avec une délégation de 5 personnes chacun. Les deux sessions se dérouleront près d’un cimetière militaire où se trouvent une dizaine de tombes de pilotes russes tombés lors du second conflit mondial, lorsqu’un pont aérien reliait l’ex-URSS et les Etats-Unis.
La Russie va-t-elle arrêter les combats?
Sans une réponse claire à cette question, le cessez-le-feu que Donald Trump a promis aux Européens lors de leur rencontre en visioconférence mercredi 13 août ne sera pas au rendez-vous. L’Ukraine déclare, elle, depuis l’entrevue houleuse entre Trump et Zelensky à la Maison Blanche le 28 février, être prête à une cessation inconditionnelle des combats. Ce que soutiennent ses alliés. C’est donc à Poutine de faire le pas. Un cessez-le-feu partiel (interruption des frappes aériennes par exemple) serait un demi-échec. Car à chaque fois, ces promesses n’ont pas été tenues. Donald Trump a pris les devants: il a chiffré à 25% le risque d’échec des pourparlers sur un cessez-le-feu.
Qui peut garantir le cessez-le-feu?
Sans garanties sérieuses, les chances que le cessez-le-feu soit très vite violé par les forces en présence seront énormes. Il faut donc que la Russie accepte un mécanisme de vérification, de part et d’autre de la ligne actuelle de front. La «coalition des volontaires» européens conduite par les dirigeants britanniques, français et allemands se dit prête à déployer des troupes en «réassurance», loin du front, mais pour dissuader l’armée russe. Trump a laissé entendre qu’il y est favorable. Poutine devra répondre.
Poutine va-t-il cesser ses menaces nucléaires?
Donald Trump doit obtenir une désescalade. Il a montré son énervement en ordonnant, le 2 août, le déploiement de deux sous-marins nucléaires en riposte aux remarques belliqueuses de l’ancien président russe Dmitri Medvedev. Les Russes, de leur côté, ont annoncé des manœuvres «nucléaires» lors de l’exercice Zapad (ouest) avec la Biélorussie en septembre, aux frontières de l’OTAN. Mais depuis quelques heures, les Russes parlent d’un nouveau traité entre Washington et Moscou. Ce serait un atout supplémentaire pour Trump dans sa quête du prix Nobel de la paix, décerné à Barack Obama en 2009 «pour ses efforts extraordinaires en faveur du renforcement de la diplomatie et de la coopération internationales entre les peuples».
Quelles sanctions doivent être levées?
Vladimir Poutine viendra accompagné de son ministre russe de l’Economie et du patron du fonds souverain de son pays. Donald Trump aura avec lui Scott Bessent, le secrétaire au Trésor. Les sanctions économiques contre la Russie seront d’autant plus au menu que le président des Etats-Unis a promis d’en rajouter, contre les acheteurs d’hydrocarbures russes, si la Russie n’arrête pas les combats. A coup sûr, Poutine va exiger un «donnant-donnant». On parle aussi d’un accord sur les terres rares. Question: quid des sanctions européennes qui, elles, resteront en place? Les ambassadeurs des 27 pays membres de l’UE à Bruxelles se réuniront dès samedi.
Quelles frontières pour l’Ukraine en 2025?
C’est la question principale. Les frontières internationalement reconnues de l’Ukraine demeurent celles d’avant l’annexion de la Crimée par la Russie en 2024. La constitution ukrainienne interdit toute cession de territoires. Or la Fédération de Russie a intégré la Crimée et les quatre provinces de Louhansk, Donetsk, Kherson et Zaporijja après des référendums (contestés) en 2014 et 2022. Trump s’est engagé devant les Européens à ne pas aborder cette question des frontières sans les Ukrainiens. Sauf qu’elle est incontournable. Trump a d’abord parlé «d’échanges de territoires». Puis il s’est rétracté. Ou s’arrête la Russie pour Poutine? Quid de la percée d’une dizaine de kilomètres de l’armée russe ces derniers jours?
Une Ukraine neutre, ça veut dire quoi?
Pour la Russie, c’est clair: une Ukraine neutre veut dire un pays démilitarisé, qui reste en dehors de l’OTAN. Une comparaison possible est la Finlande au sortir de la Seconde Guerre mondiale. Ce pays, après avoir résisté avec succès à l’armée russe, fut obligé de céder à Moscou des territoires (Carélie), de devenir neutre, et de se tenir à distance des alliés occidentaux. Depuis, le déclenchement de la guerre en Ukraine a poussé Helsinki à abandonner cette neutralité (comme la Suède) et à rejoindre l’OTAN. Pour rappel, l’armée ukrainienne, éprouvée sur le champ de bataille, est aujourd’hui l’une des plus puissantes d’Europe, et l’une des mieux équipées (sauf sur le plan aérien).
OTAN et Union européenne, possible pour Kiev?
L’Ukraine dans l’OTAN, c’est impossible pour la Russie? A priori oui à 100%. L’intégration dans l’Union européenne a en revanche été acceptée sur le principe par Moscou. A condition bien sûr que le pays soit neutre et démilitarisé. Mais dans quelles frontières? Une proposition circule depuis des mois: celle d’une porte ouverte de l’OTAN, qui accepterait en son sein l’Ukraine si la Russie viole le cessez-le-feu qu’elle a accepté. Très hypothétique. Et sans doute impossible.
Zelensky reste-t-il l’interlocuteur?
Le président ukrainien ne sera pas en Alaska. Il pourrait en revanche être convié à un sommet tripartite avec Trump et Poutine «assez rapidement» selon le président des Etats-Unis qui a déjà qualifié cette seconde rencontre de «plus importante». Donc la réponse est oui à ce stade: Volodymyr Zelensky demeure l’interlocuteur. On sait en revanche la volonté de Trump et de Poutine de le voir quitter le pouvoir. L’ancien Chef d’État-Major Valeri Zaloujny, aujourd’hui ambassadeur d’Ukraine à Londres, s’active en coulisses. Il est probable que les Etats-Unis et la Russie exigeront une élection présidentielle rapide en Ukraine si un cessez-le-feu sérieux intervient.
La Russie paiera-t-elle la reconstruction?
Oui, disent les Européens et l’Ukraine. Et déjà, des plans existent pour allouer à la reconstruction du pays les 200 à 230 milliards d’euros d’avoirs russes gelés dans les banques européennes, dont les dépôts de la banque centrale russe. Il est évident que cette guerre a mis à genoux l’Ukraine, dont la reconstruction des infrastructures détruites pourrait coûter jusqu’à 1000 milliards d’euros. Trump, lui, n’en a jamais parlé. Son objectif est en revanche de réinstaller au plus vite une présence économique américaine en Russie.
Demain, où négocier la paix?
Vladimir Poutine est, depuis le 17 mars 2023, poursuivi par la Cour pénale internationale (CPI) pour crime de guerre et de déportation illégale de population, à propos des rapts d’enfants ukrainiens par l’armée russe. Il ne peut donc pas voyager dans un pays signataire de la CPI. A moins que… Emmanuel Macron a évoqué une prochaine rencontre en pays neutre, ce qui a remis la Suisse dans le viseur, même si Moscou lui reproche d’avoir adopté les sanctions européennes. L’Autriche, Malte et l’Irlande sont aussi neutres. La Turquie était prête, en mai 2025, à accueillir un sommet Poutine-Zelensky. Le président ukrainien est venu. Pas le président russe. Trump, lui, envisagerait de poursuivre ces pourparlers en Alaska. Mais il devrait aussi accepter aujourd’hui une invitation prochaine à se rendre en Russie.