Attaque massive de Tsahal
Dans les souterrains de Gaza, le Hamas défie encore Israël

Mais comment le Hamas peut-il survivre face au rouleau compresseur de l'armée israélienne, désormais à l'assaut de la ville de Gaza? La réponse est à la fois simple et tragique: même décimé, le mouvement palestinien contrôle la population et l'utilise comme bouclier.
Publié: 11:23 heures
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La ville de Gaza est vouée à être réduite en ruines par l'armée israélienne. Et après?
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Richard WerlyJournaliste Blick

Vu de Suisse, cela paraît impossible: comment un mouvement militaire palestinien d’environ 10'000 hommes en armes peut-il résister à l’armée israélienne, dont la puissance est inégalée dans la région? Or telle est pourtant la situation dans la bande de Gaza, ce territoire de 365 km2, soit un peu plus que le canton de Genève, où sont encore détenus la cinquantaine d’otages israéliens, dont 24 seraient encore en vie.

Les amas de ruines sur ce territoire, et les 70'000 morts palestiniens recensés depuis le début du conflit après l’assaut terroriste du 7 octobre 2023 contre le sud d'Israël, apportent la preuve de ce qui ressemble à une impasse militaire pour Benjamin Netanyahu et son gouvernement de droite dure. Plus les blindés, les canons et les avions de Tsahal pulvérisent la bande de Gaza, plus le Hamas continue de défier l’Etat hébreu.

Equation tragique

L’offensive lancée ce mardi 16 septembre contre la ville de Gaza risque encore de vérifier cette équation tragique. Organisation islamiste à la fois terroriste et totalitaire, qui tenait la bande de Gaza par la force et contrôlait sa population d’une main de fer avant le déclenchement de la guerre, le Hamas n’est plus aujourd’hui une menace militaire pour Israël.

Son commandement a été décapité. Ses chefs, commanditaires de l’assaut du 7 octobre 2023 qui a fait un millier de victimes israéliennes, ont tous été tués, à commencer par les sinistres frères Yahia et Mohammed Sinouar. Ses responsables politiques ont été soit assassinés (comme Ismaël Haniyeh en Iran le 31 juillet 2024) ou demeurent traqués jusque dans leurs sanctuaires au Qatar (comme Khalil al-Hayya, Khaled Mashal, Zaher Jabarin, visés par les frappes israéliennes du 10 septembre sur un quartier résidentiel de Doha). Que reste-t-il donc du Hamas? Des commandos épars, appartenant soit à ce mouvement soit à son allié plus irréductible encore, le Jihad islamique. Des combattants qui se terrent dans les tunnels. Des hommes et des femmes convaincus qu’ils n’ont plus rien à perdre, puisqu’ils sont voués à mourir.

Le mouvement demeure chez lui

Peuvent-ils encore résister aux chars et aux fantassins de Tsahal? Lesquels, partout où ils passent, détruisent les bâtiments supposés abriter des caches du Hamas, et font exploser les tunnels qui constituaient les entrailles guerrières de l’enclave palestinienne. La réponse est oui. D’abord parce que le mouvement demeure chez lui dans tout le sud de la bande de Gaza, là où s’agglutinent les deux millions de Palestiniens emprisonnés dans ce territoire ravagé, susceptibles de mourir à tout moment sous une frappe israélienne.

Ahmad Al-Katib est un chercheur palestinien basé aux Etats-Unis, pour l’Atlantic Council. Ce natif de Gaza, adversaire politique acharné du Hamas, le répète depuis le début du conflit: le mouvement, enraciné dans l’enclave, est une sorte de «cancer» militaro- islamiste qui tient la société palestinienne dans ses griffes. Sa culture du martyr islamiste galvanise ses hommes encore en armes. Combien sont-ils? Sans doute autour de 10'000 aujourd’hui, face aux jeunes conscrits de Tsahal ébranlés par l'ampleur des massacres. Ce terrain demeure toutefois celui du Hamas. Et ce sont les familles de ses combattants qui meurent sous les bombes israéliennes.

Des caches dans les hôpitaux et les écoles

Le 26 août dernier, Ahmad al-Katib était dans un avion des forces armées émiraties, lors d’un largage de nourriture pour la population civile menacée de famine. «J’ai survolé aujourd’hui l’espace aérien de Gaza pour effectuer un largage de vivres. Le spectacle était déchirant, mélangeant dévastation, zone de guerre active, vie, zones mortes et mouvements», a-t-il écrit en direct sur le réseau social X. Un cri humanitaire précédé d’un constat terrible sur le plan militaire: «La méthodologie du Hamas: combattre en tongs et en vêtements civils, se cacher dans les écoles, les hôpitaux, les tunnels, mettre en place des gangs chargés de voler/piller l’aide humanitaire, laisser 2 millions de Gazaouis affronter seuls une guerre féroce, pour ensuite retrouver miraculeusement vos uniformes propres, vos armes et vos voitures lorsqu’un cessez-le-feu est annoncé.»

Le Hamas porte la responsabilité du déluge de feu qui s’abat depuis bientôt deux ans sur la bande de Gaza. Mais sa capacité à tenir la population civile demeure. «A chaque fois que des manifestations anti-Hamas éclatent dans le nord et le sud de Gaza, les protestataires demandent: «Où est la presse?» Bien sûr, Al Jazeera (la chaine de TV qatarie), les médias de gauche ou les médias occidentaux «indépendants» sont aux abonnés absents, car ils ne perturberont jamais le discours de «résistance» centré sur le Hamas. Dénoncez-les tous dès maintenant!», écrivait Ahmad al-Katib en début d’année.

Manifestations impossibles

Depuis? Les manifestations sont devenues impossibles. Le chantage aux otages du Hamas continue, alimenté par la volonté affichée de Benjamin Netanyahu de casser toute velléité d’Etat palestinien, alors que la reconnaissance de la Palestine sera à l’agenda de la prochaine assemblée générale de l’ONU, à partir du 22 septembre.

Quid enfin des infrastructures militaires du Hamas? «Il ne reste plus rien des institutions politiques que le Hamas dirigeait avant la guerre de Gaza», estime Erik Skare, chercheur et historien à l’université d’Oslo, spécialiste du mouvement islamiste. «Mais sa force de coercition demeure. Le Hamas a envoyé des voyous pour passer à tabac et même tuer certains des manifestants qui s’opposaient à sa domination. Il n’est en aucun cas vaincu. Il est très présent et mène également des attaques quotidiennes contre les troupes israéliennes dans le cadre de ce que l’on pourrait qualifier de campagne de harcèlement.»

Guérilla urbaine

Et de compléter, dans un entretien à la chaîne australienne ABC: «On est passé d’une chaîne de commandement traditionnelle à des cellules militaires autonomes qui opèrent clandestinement et de manière isolée, sans dépendre des échelons militaires supérieurs pour mener leurs attaques. En octobre 2023, le groupe menait en moyenne 40 opérations par semaine. Il en mène désormais en moyenne 10 à 15. Le Hamas s’adapte à la guérilla urbaine.»

Point important pour ce chercheur: la base de données des services de renseignement de l’armée israélienne indiquerait, depuis octobre 2023, la mort d’environ 8900 membres du Hamas et du groupe rival, le Jihad islamique palestinien, sur un total de 47'653 membres actifs. Soit beaucoup moins que le nombre de militants que l’armée a publiquement déclaré avoir tués.

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