Israël ivre de sa puissance?
Nous sommes tous les otages de Netanyahu

Les frappes préventives déclenchées par l'Etat hébreu contre l'Iran, et la riposte de Téhéran, mettent une nouvelle fois les Occidentaux au pied du mur. Benjamin Netanyahu poursuit sa politique de chantage sécuritaire maximal, estime notre journaliste Richard Werly.
Publié: 13.06.2025 à 13:04 heures
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Dernière mise à jour: 13.06.2025 à 13:28 heures
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Le Premier ministre israélien est dans une logique de guerre totale que plus rien n'arrétera.
Photo: Getty Images
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Richard WerlyJournaliste Blick

Benjamin Netanyahu est convaincu que rien, ni personne, ne pourra l’empêcher de faire plier par le glaive les ennemis d’Israël. Tel est, après plus de deux ans de guerre effroyable et de massacres à Gaza, le constat qui a conduit le Premier ministre israélien à lancer des frappes aériennes sur l’Iran, afin de prévenir officiellement son accession à l’arme nucléaire.

Pour «Bibi», soutenu toujours et encore par Donald Trump, seul compte le rapport de force, aujourd’hui très défavorable à Téhéran. Une stratégie qui, si elle devait réussir, lui permettrait d’apparaître comme un chef de guerre irrésistible, à l’image des icônes Moshe Dayan ou Ariel Sharon.

Le «Grand Israël»

Ce constat, malheureusement, est aussi celui d’un Premier ministre lancé dans une course meurtrière pour se maintenir coûte que coûte au pouvoir. Et celui d’un gouvernement de coalition dominé par une extrême droite pour qui la sécurité d’Israël passe par l’élimination physique du plus grand nombre possible de Palestiniens, par le nettoyage ethnique de Gaza, par la colonisation à outrance en Cisjordanie et par la réalisation d’une façon ou d’une autre du «Grand Israël», ce pays si puissant qu’il sera impossible pour ses ennemis d’oser le défier.

C’est cet hubris israélien, incarné par la rage destructrice de Netanyahu, qui nous menace aujourd’hui. Il est vrai que l’Iran continue de tenir un double langage, en négociant d’une part avec les Etats-Unis, et en poursuivant d’autre part son programme d’enrichissement à des fins militaires, dans l’espoir d’atteindre le seuil critique indispensable pour façonner une bombe atomique. Mais il est aberrant de penser qu’Israël, quelles que soient ses capacités militaires, pourra imposer durablement sa paix sur le Moyen-Orient sans faire de concessions, et en se comportant militairement comme un Etat-voyou et agresseur.

Nous? Les Occidentaux

La stratégie de Benjamin Netanyahu, avec ces frappes nocturnes sur l’Iran, est de continuer de nous prendre en otage. Nous? Les Occidentaux, et les Européens en particulier, giflés en 2018 par Donald Trump lorsqu’il retira les Etats-Unis de l’accord JCPOA négocié à Lausanne avec le régime iranien.

Nous? Tous ceux qui croient au droit international, et redoutent l’engrenage des menaces et des frappes. Souvenons-nous en 1981 des frappes israéliennes sur le réacteur d’Osirak, en Irak. Elles permirent à l’Etat hébreu de gagner du temps, mais elles ne mirent absolument pas fin aux velléités militaires de Saddam Hussein. Lesquels justifièrent ensuite les deux guerres du Golfe, et aboutirent au chaos que l’on sait en Irak et en Syrie.

Nous? Tous ceux qui ont à redouter une flambée des cours du pétrole, et un chaos de plus pour l’économie mondiale.

Nous? Les millions de citoyens de confession juive qui vivent hors d’Israël et se retrouvent pris dans l’infernale spirale de l’antisémitisme.

Une course folle

Il faudra, bien sûr, faire le bilan militaire de ces frappes israéliennes. Il faut aussi avoir en tête que des puissances régionales comme l’Egypte, le Qatar ou surtout l’Arabie saoudite ne voient pas d’un mauvais œil les coups portés aux ayatollahs de Téhéran. Le jeu stratégique au Moyen-Orient est fait d’un enchevêtrement d’intérêts, souvent contradictoires et cyniques.

Reste une évidence: encore menacé voici quelques heures de tomber avec son gouvernement, Benjamin Netanyahu est prêt à tout pour parvenir à ses fins. Notre impuissance, ou notre refus d’agir pour le contrer et l’arrêter, sont le carburant le plus efficace de sa course folle.

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