Rima Hassan est une combattante de la cause palestinienne. Cette réalité, l’eurodéputée de la gauche radicale française ne l’a jamais caché. Combattante décoloniale, car pour elle, ce qui se passe à Gaza relève de l’oppression pure et simple d’un peuple par un autre.
«Un projet colonial, c’est aussi un projet de destruction de la terre, du lien entre les peuples et leur environnement. C’est ce qui est arrivé – et continue d’arriver – au peuple palestinien», déclarait-elle au média en ligne Reporterre, avant d’embarquer sur le Madleen, le navire arraisonné le 9 juin par la marine israélienne et finalement acheminé vers le port d’Ashdod.
La combattante
Combattante: c’est cette posture qui assure son succès populaire auprès des soutiens de la cause palestinienne, et d’une large partie de la jeunesse. «La juriste franco-palestinienne de 33 ans – elle est née le 28 avril 1992 dans le camp de Neirab, près d’Alep (Syrie) – a imposé une voix nouvelle dans les médias français, portant la colère désabusée de son peuple», assénait en 2024 «Le Monde» dans un long portrait. Juste. «Je suis née dans un camp palestinien, justifiait-elle à l’hebdomadaire de gauche «Politis». Mon grand-père maternel, d’origine palestinienne, avait été contraint à l’exil pendant la Nakba, à la création d’Israël en 1948. Ma grand-mère maternelle était issue d’une famille de notables syriens, les Hananou. Le mariage avec un réfugié palestinien n’avait pas été bien accueilli dans la famille syrienne. Je suis arrivée à l’âge de 10 ans en France, où j’ai fait ma scolarité, puis j’ai poursuivi des études de droit au Liban et à Paris.»
Désormais arrêtée et emprisonnée en Israël, dans l’attente de son expulsion vers la France, Rima Hassan est aussi redoutée par l’Etat hébreu en raison de son charisme, et de sa capacité à mettre, coûte que coûte, la cause de la Palestine sur le devant de la scène. «Sans elle, nous dormirions mieux, reconnaît un diplomate français, de retour d’Israël. Sa force, c’est sa ténacité et son acharnement revendiqué.»
Flottille de la liberté
Le cas de la «Flottille pour la liberté», dont le Madleen devait être le navire amiral, est emblématique. Pas question de limiter son aventure – depuis avortée, compte tenu de l’intervention militaire israélienne – à celle d’un navire humanitaire, même si ses soutes étaient remplies de vivres, de médicaments, de couches et de lait pour enfant.
Pour Rima Hassan, formée à la politique par le leader de La France Insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon, l’objectif est bien de réveiller les consciences internationales. Ou, plutôt, de ne pas laisser le discours de Netanyahu l’emporter: «La cause palestinienne concentre à elle seule une série de luttes: pour la terre, pour la dignité, contre l’apartheid, contre la colonisation, contre un génocide en cours. Il était assez logique que l’on se retrouve toutes les deux sur cette flottille», expliquait-elle avant de larguer les amarres, pour justifier sa présence aux côtés de Greta Thunberg.
Ce qu'a compris Rima Hassan
Rima Hassan a aujourd’hui un mandat parlementaire. Elle a été élue voici pile un an au Parlement de Strasbourg, où elle siège au sein de la GUE, le groupe de la gauche radicale. Logique? «Son statut de députée européenne lui permet d’interpeller la jeunesse du continent. N’oubliez pas que 15 pays de l’UE reconnaissent l’Etat de Palestine», poursuit le diplomate qui a accepté de nous répondre, à condition de rester anonyme. Point important: la France, qui pourrait faire de même lors de la conférence des Nations unies qui s’ouvrira le 17 juin à New York, est sur ce point en position délicate.
Longtemps, Paris a été un allié indéfectible d’Israël. C’est la France qui a permis à l’Etat hébreu de se doter de l’arme nucléaire. «Ceux qui présentent Rima Hassan comme une complice du Hamas et de ses crimes font une énorme erreur. Elle est juste une vraie politique, qui a compris que la cause palestinienne est aujourd’hui dans toutes les têtes, surtout celle des jeunes.»
Détestée par la communauté juive
A Paris, la communauté juive et les défenseurs d’Israël la détestent. Sans cesse, ses détracteurs rappellent la biographie de son père, engagé volontaire dans l’armée de l’air du dictateur Hafez el Assad, responsable de massacres dans les camps palestiniens syriens. «Vêtue de son keffieh, celle dont nous avons démonté et démontré toutes les impostures semble, loin de tout projet réfléchi, n’avoir comme fonction que celle-là: pousser de plus en plus loin la provocation abjecte, l’incitation à la haine, enflammer ses ouailles, et les conduire à une violence jouissive à l’encontre des Juifs, violence de laquelle elle rêve et a fait son credo», peut-on lire dans une récente édition de «Tribune Juive».
L’avocat Gilles-William Goldnadel, défenseur inlassable de Netanyahu sur les plateaux TV au nom de la revanche légitime après l’assaut terroriste du 7 octobre, revient sans cesse à la charge pour qu’elle soit poursuivie en justice. «Rima Hassan est un agent du Hamas. Or le coupable des atrocités commises à Gaza, c’est le Hamas, rien que le Hamas.»
Riposte juridique
L’intéressée est, depuis deux ans, devenue une adepte du contre-pied. Juriste, elle épluche à longueur de journée, avec ses assistants parlementaires, les rapports des organisations de défense des droits de l’homme sur la famine organisée à Gaza. Sa «bible» est la décision du 26 janvier 2024 de la Cour internationale de Justice des Nations unies, basée à La Haye. Laquelle a ordonné à Israël de «prendre toutes les mesures en son pouvoir pour prévenir la commission, à l’encontre des Palestiniens de Gaza, de tout acte de génocide», et «prévenir et punir l’incitation directe et publique à commettre le génocide». Légitime, le Hamas, malgré ses crimes et l’inculpation de deux de ses chefs (tués depuis lors) par la Cour Pénale Internationale, tout comme Benjamin Netanyahu et l’ex-ministre de la Défense Benny Gantz.
«Oui, répond-elle le Hamas a une action légitime du point de vue du droit international», sans pour autant le qualifier de mouvement de résistance. «La 'résistance' ça peut être sujet à interprétation, vous êtes pour ou contre. La question du droit international, c’est une boussole, tout le monde doit se tenir à cette boussole: la légitimité de la lutte armée dans un contexte de colonisation, elle est extrêmement claire, et c’est ma position.»
Crimes de guerre
Et d’expliciter, prenant ses distances avec la lutte armée: «Ce n’est pas parce que les résolutions des Nations unies sont extrêmement claires sur le droit des peuples colonisés à avoir recours à la lutte armée que les procédés de la lutte armée justifient tout. Vous n’avez pas le droit de prendre en otage des civils, vous n’avez pas le droit de commettre un certain nombre des exactions telles qu’elles ont été commises lors des attaques du 7 octobre 2023 par l’organisation islamiste. Moi et mon parti avons quand même très souvent rappelé que c'étaient effectivement des crimes de guerre.»
Reste Israël. L’Etat hébreu. Son gouvernement dominé par l’extrême droite. Pour Rima Hassan, défendre la Palestine implique de s’y opposer. Ce qu’elle confirme dans son entretien à Reporterre: «Au fond, ce que l’on voit, c’est un même système. Un continuum. Que ce soit sur le climat ou sur la Palestine, les gouvernements sacrifient l’intérêt général au profit d’intérêts privés – contrats d’armement, alliances avec des régimes criminels, soutien aux multinationales. L’intérêt général du peuple français, c’est de vivre dans un pays qui respecte le droit international, qui agit face à l’urgence climatique, qui prépare un avenir viable pour les générations futures. Mais ce qui domine aujourd’hui, c’est l’hypocrisie, l’abandon de ce bien commun. Et dans les deux cas, c’est la même logique qui détruit.»