Un commentaire de Myret Zaki
Israël–Gaza renvoyés dos à dos: au nom de qui parle Ignazio Cassis?

L'ancien vice-président du groupe d'amitié Suisse-Israël cache mal sa ligne pro-israélienne en tant que ministre des affaires étrangères. Une position alignée sur Washington mais qui le met en décalage avec des pans importants de l'opinion publique suisse.
Publié: 04.06.2025 à 14:22 heures
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Dernière mise à jour: 05.06.2025 à 21:15 heures
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En cherchant à relativiser les responsabilités israéliennes, la position de Cassis choque l'opinion.
Photo: KEYSTONE
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Myret ZakiJournaliste Blick

Au nom de qui parle vraiment Ignazio Cassis? Le conseiller fédéral PLR prétend avoir «une position équilibrée» à propos d’Israël et de ses crimes à Gaza. En réalité, ses arguments suivent une ligne pro-Israël plus qu’évidente. Ligne dont même un nombre grandissant de personnalités juives se distancient. 

Vice-président du groupe d’amitié Suisse-Israël au Parlement entre 2011 et 2017, Ignazio Cassis avait, dès son arrivée aux affaires étrangères, contesté le rôle de l’UNRWA, l’agence onusienne d’aide aux Palestiniens, en reprenant l’argumentaire israélien mot pour mot. 

Omissions révélatrices

Ces derniers mois, il s’était muré dans le silence sur Gaza malgré le tollé mondial, avant de s’exprimer 2 minutes sur la nécessité du retour des otages israéliens, sans condamner les crimes d’Israël et son blocus de l'aide humanitaire à Gaza. 

A présent, il répète au téléjournal du 3 juin que «si le Hamas rendait les otages à Israël, il y aurait déjà un cessez-le-feu», mais il omet bizarrement de rappeler qu'Israël a rompu le 18 mars le cessez-le-feu mis en place le 15 janvier, qui prévoyait la libération de tous les otages. Une précision qu’a dû ajouter la RTS dans l’article qui lui est consacré.

Faussement «équilibré»

Ensuite, il refuse de donner foi au dernier massacre en date par Israël, celui de 27 Palestiniens venus chercher de l’aide humanitaire, et répond qu’il y voit une «guerre de l’information». Il véhicule, là encore, un argument pro-israélien. Car le CICR a confirmé mardi soir la mort des 27 personnes et les grands médias tels que CNN et la BBC ont couvert le massacre sans ambigüité, citant même l'armée israélienne qui confirme avoir eu recours à des tirs à plusieurs reprises en direction de personnes «suspectes, qui avaient dévié du cricuit autorisé». Mais M. Cassis, lui, suggère que ce seraient des fake news. Sans rien substantifier.

Ensuite, le ministre PLR ne critique jamais Israël sans que le Hamas ne figure dans la même phrase. Un procédé qu’on pourrait juger «équilibré», si ce n’était la réalité. Celle de la dérive meurtrière sans précédent d’un gouvernement israélien en roue libre, qui n’a plus aucune limite, qui pourrait être bientôt condamné pour génocide par la Cour pénale internationale. 

Dimension d'extermination

«Nous n'avons pas le droit de mettre tout le poids sur Israël», plaide notre ministre. La question de la proportionnalité et de l’échelle des massacres ne semble pas l’effleurer. D’un côté, le Hamas a perpétré un acte terroriste le 7 octobre 2023. 695 civils israéliens ont été massacrés, un acte immonde et condamnable, qui prive durablement les citoyens de ce pays d’un sentiment de sécurité. Mais un acte qui ne peut justifier, en face, le massacre de plus de 53'000 civils palestiniens, voire même 200'000 civils, si l’on prend l’estimation du Lancet d’il y a déjà un an. Et le décompte s'accroit de jour en jour. 

Aligné couvert sur Washington

On est entrés dans une dimension atroce d’extermination et d’épuration ethnique. Sur ce territoire le plus bombardé sur terre, s’est ajoutée l’asphyxie alimentaire, et les violences contre les Palestiniens de Cisjordanie victimes des colons extrémistes. Le tout sur fond d’annonce d’annexion totale et illégale de ces territoires par le même régime d’extrême-droite. 

Ignazio Cassis ne trompe pas grand monde. Vouloir relativiser les responsabilités d’Israël devient toujours plus difficile alors que chaque jour, l’opinion publique est témoin de ces crimes sans fin. Mais que pèse l’opinion publique face à Washington, sur lequel le ministre est aligné couvert? 

Représentativité en question

La question est de savoir si ce «ministre étranger aux affaires», comme on le surnomme sur les réseaux sociaux, parle encore au nom du peuple suisse, s’il le représente correctement, s’il parle même au nom du PLR, ou des 7 du Conseil fédéral. 

Le fossé grandit face à l’avalanche d’appels très critiques, de 55 ex-ambassadeurs, de 100 personnalités comme Ruth Dreifuss, du Parti socialiste suisse qui a recueilli 130'000 signatures, de 36 villes suisses importantes, sans compter la plainte pénale contre Cassis et 3 autres conseillers fédéraux, et les universités et HES SO qui sont sommées par un nombre croissant de chercheurs de rompre les liens avec Israël. 

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