Le conseiller fédéral Ignazio Cassis et son département des affaires étrangères (DFAE) essuient de nombreuses critiques face à leur silence sur le désastre à Gaza. Il y a quelques jours, le libéral-radical (PLR) tessinois a toutefois pris la parole pour dénoncer la famine qui frappe la bande de Gaza.
Mais la Suisse ne semble pas prête à soutenir l'appel visant à augmenter l'aide humanitaire, et auquel 22 Etats occidentaux se sont déjà associés. Il y a trop de questions en suspens concernant l'action menée par les Etats-Unis, explique-t-on au DFAE. L'ensemble du Conseil fédéral ne parait pas savoir sur quel pied danser...
Aujourd'hui, 15 organisations suisses exigent un changement: dans une lettre ouverte, elles appellent à la responsabilité humanitaire de la Confédération. Parmi la centaine de signataires, des poids lourds du monde culturel et de la politique, comme les anciennes conseillères fédérales socialistes Micheline Calmy-Rey et Ruth Dreifuss.
La Suisse doit assumer son rôle
La Suisse est l'Etat dépositaire des Conventions de Genève, et devrait donc promouvoir l'application de leurs normes dans le monde entier. Cela vaut également pour Gaza, rappellent les initiateurs au Conseil fédéral. «Si le droit international et des principes fondamentaux sont systématiquement violés à Gaza, le Conseil fédéral ne peut pas se taire. Faute de quoi il se rendra coresponsable», déclare l'ancienne ministre des Affaires étrangères, Micheline Calmy-Rey.
L'appel propose un plan national en dix points. Il exige que la Suisse milite en faveur d'un cessez-le-feu immédiat, qu'elle s'engage pour la protection de la population civile à Gaza et en Cisjordanie, qu'elle garantisse l'octroi de l'aide humanitaire et rétablisse le soutien financier à l'Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA). La lettre demande aussi un engagement pour la libération inconditionnelle de tous les otages civils et prisonniers palestiniens détenus illégalement.
Le Conseil fédéral est aussi sommé de prendre position sur la possibilité d'un génocide à Gaza, et de condamner les déclarations du gouvernement israélien contraires au droit international. La question des armes figure aussi dans l'appel: les signataires demandent que la Suisse cesse immédiatement d'exporter du matériel de guerre et de surveillance vers Israël.
Finalement, la Suisse est invitée à repenser sa politique au Proche-Orient, qui prévoit une solution à deux Etats, «sous l'angle de la cohérence avec les droits humains et le droit international».
Des voix juives soutiennent également l'appel
Les organisations de défense des droits humains Swiss Humanity Initiative et Amnesty International, l'association Voix juive pour la démocratie et la justice en Israël/Palestine (JVJP) ainsi que le réseau Palestine Solidarity Switzerland sont derrière l'initiative. Ils précisent dans la lettre que leurs revendications s'appliquent «indépendamment du côté des auteurs».
La demande est largement soutenue par la population civile. Parmi les signataires, on trouve notamment le rabbin Ruven Bar Ephraïm, de la communauté libérale juive de Zurich, l'épidémiologiste Marcel Tanner et la musicienne Anna Rossinelli. «Ce que le gouvernement israélien fait à Gaza est intolérable. La Suisse ne peut pas non plus se taire plus longtemps à ce sujet», a déclaré le rabbin, cité dans le texte.