Ignazio Cassis demande à Israël de garantir davantage d'aide pour la bande de Gaza. Au terme de sa visite éclair au Proche-Orient, le conseiller fédéral estime également la reconnaissance d'un Etat palestinien prématurée, mais elle viendra «un jour».
«Les Israéliens ont sous-estimé la tâche de l'aide humanitaire pour deux millions de personnes», a affirmé le Tessinois à l'ATS, après avoir entendu mardi soir trois représentants humanitaires à Jérusalem. «La quantité et la manière de distribuer n'est pas conforme au droit international humanitaire (DIH)», ajoute-t-il, demandant davantage de nourriture pour la population, qu'elle soit acheminée par des acteurs israéliens ou internationaux.
Aucune promesse
Il a relayé mercredi ces préoccupations à son homologue israélien Gideon Saar et a demandé que davantage de camions puissent entrer «immédiatement» dans la bande de Gaza. Selon lui, celui-ci a admis que l'assistance acheminée n’était pas suffisante. Mais l'Etat hébreu attribue ce problème au Hamas, accusé de pillages. Gideon Saar «a pris bonne note de nos préoccupations», sans rien promettre, ajoute le conseiller fédéral.
La Fondation humanitaire de Gaza (GHF), instrument israélien pour contrôler l'aide humanitaire dans le territoire palestinien, «pose problème parce qu'elle ne suit pas les principes humanitaires, ajoute Ignazio Cassis. Selon les indications données par des organisations humanitaires et par le gouvernement israélien, elle est en train de les apprendre», dit-il, affirmant avoir appris son existence par la presse.
Selon l'ONU et des organisations humanitaires, les premières distributions menées par cette entité ont fait des dizaines de victimes dans des tirs attribués à l’Etat hébreu. Et l'ensemble de la population de la bande de Gaza est désormais affamée.
Conforté par Mohammad Mustafa
Ces dernières semaines, le chef du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a été la cible de critiques grandissantes sur ses reproches considérés comme trop tièdes contre Israël. La visite d'un peu plus de 20 heures à Jérusalem et en Cisjordanie, sa première dans la région depuis les massacres du 7 octobre 2023, n'est en rien liée à cette réprobation, précise-t-il. Les premiers contacts téléphoniques avec les deux parties, à leur demande, ont eu lieu en avril et chacune d'elles souhaitait sa venue.
Ignazio Cassis voulait voir par lui-même la situation, rappeler l'importance du droit international humanitaire (DIH), violé selon lui par Israël et le Hamas, et la demande d'un cessez-le-feu et de la libération des otages. Les critiques lui semblent secondaires.
«J'ai assez peu de compréhension pour tous ceux qui demandent continuellement de condamner, comme si ce fait pouvait sauver des vies, dit-il. Ce qui me préoccupe, c'est de faire un pas concret vers une solution.» La situation dans la bande de Gaza ne lui plaît pas. «Mais je ne peux me contenter de dire qu'elle est inacceptable. Je me dois d'aller au-delà du désarroi», explique-t-il.
A quelques jours d'une conférence à New York sur la solution à deux Etats, le conseiller fédéral voulait aussi affiner la réflexion suisse sur cette réunion. Après sa discussion avec le premier ministre palestinien Mohammad Mustafa à Ramallah, il est conforté dans la conviction que l'Autorité palestinienne est consciente de sa tâche, même si la mise en oeuvre d'une bonne gouvernance et du contrôle du territoire est encore un processus incomplet.
Mise en garde des alliés d'Israël
«Lui-même sait très bien que ce n'est pas pour demain», dit-il en parlant de son interlocuteur. Il faut d'abord que ces caractéristiques pour un Etat soient atteintes. «Mais si l'on vise la solution à deux Etats, il est logique qu’un jour la reconnaissance de la Palestine soit faite. La question est de savoir quand, en fonction des critères crédibles pour les deux parties», explique-t-il.
Plusieurs pays pourraient franchir le pas au moment de la réunion de New York. Les alliés d'Israël estiment eux que ce scénario légitime le Hamas. Et Mohammad Mustafa se contenterait d'un engagement de la communauté internationale à relancer une voie vers les deux Etats.
Pas d'optimisme à court terme
Actuellement, les blessures côté israélien et palestinien depuis octobre 2023 sont très profondes et n'incitent pas à l'optimisme à court terme sur cette question, admet le chef du DFAE. «Mais il ne faut pas renoncer», insiste-t-il.
Mohammad Mustafa a lui rassuré le conseiller fédéral en excluant toute place pour des mouvements radicaux comme le Hamas dans l'avenir de la Palestine. Une approche en ligne avec la loi votée par le Parlement fédéral pour interdire le groupe islamiste.
Ignazio Cassis était arrivé mardi en pleine polémique pour les autorités israéliennes, après l'arraisonnement d'un bateau d'activistes pro-palestiniens dans les eaux internationales. Le même jour, la Commission d'enquête internationale sur Israël et les territoires palestiniens a estimé dans un rapport que l'armée israélienne a perpétré des crimes contre l'humanité d'extermination contre les civils dans la bande de Gaza.