Blick vous explique en 6 points
Qu’est-ce que la «Global March to Gaza»?

Alors que Gaza s’enfonce dans la famine, plus de 350 Suisses marcheront vers le poste-frontière de Rafah, en Egypte. Blick décrypte la «Global March to Gaza», un mouvement citoyen mondial qui veut briser le silence face à l’horreur.
Publié: 12.06.2025 à 06:05 heures
Partager
Écouter
1/4
Des participants à la «Marche mondiale vers Gaza» partent de l'aéroport de Schiphol pour l'Egypte, le 11 juin 2025.
Photo: keystone-sda.ch
Chroniques Teaser (5).png
Alessia BarbezatJournaliste Blick

Blick vous l’annonçait déjà le 27 mai. Une délégation de plus 350 marcheuses et marcheurs suisses projettent de se rendre aux portes de Gaza. Plus précisément, au point de passage de Rafah, en Egypte, où sont bloqués des centaines de camions d’aide humanitaire. Un périple, non sans risques, qu’on vous explique en détail. 

Un mouvement citoyen mondial

Alors que l’ONU désigne Gaza comme «l’endroit le plus affamé de la planète», que des enfants y meurent déjà de faim et que les bombardements israéliens se poursuivent sans relâche, un mouvement citoyen mondial a émergé sur les réseaux sociaux: la «Global March to Gaza». Ce collectif se veut apolitique, pacifiste et indépendant, sans appartenance partisane, idéologique ou religieuse. Son seul objectif: refuser l’inaction face à l’horreur. 

Hicham El Ghaoui, médecin valaisan et l’un des initiateurs de la «Global March to Gaza», revient sur la genèse du mouvement. «Fin avril, différents acteurs humanitaires de plusieurs pays se sont rendus compte, lors d’échanges informels, qu’ils réfléchissaient chacun de leur côté à organiser une manifestation citoyenne avec, pour destination, Rafah. A partir de là, une coalition internationale s’est rapidement mise en place et structurée.»

Depuis, la mobilisation a pris une ampleur considérable. 54 délégations en provenance du Japon, du Pérou, d’Allemagne, du Canada, du Maroc, mais aussi du Sénégal, de France ou de Suisse sont attendues au Caire le 12 juin. L’objectif de cette marche mondiale? Obtenir l’ouverture du terminal de Rafah, en négociant avec les autorités égyptiennes, afin de laisser entrer l’aide humanitaire à Gaza, en coordination avec les organisations non gouvernementales (ONG) présentes sur place.

5000 personnes attendues

«On attend environ 5000 personnes du monde entier. L’impact médiatique et symbolique sera énorme», se réjouit Hicham El Ghaoui. Parmi elles, une caravane solidaire, baptisée «Soumoud» («résistance», en arabe) est partie lundi matin du centre-ville de Tunis. 

Plusieurs centaines de Tunisiens voulant rallier le territoire palestinien assiégé sont passés mardi en Libye, selon les organisateurs du convoi. Des militants algériens, mauritaniens, marocains et libyens font aussi partie de ce groupe qui espère atteindre Rafah, d'ici à la fin de la semaine.

Annoncées, les présences de l’activiste suédoise, Greta Thunberg et de l’eurodéputée de la France insoumise, la franco-palestinienne Rima Hassan, demeurent incertaines. La militante écologiste a été expulsée d’Israël après que le bateau humanitaire sur lequel elle voguait, à destination des côtes de la bande de Gaza, a été intercepté par les forces israéliennes

Des participants à la «Marche mondiale vers Gaza» partent de l'aéroport de Schiphol pour l'Egypte, le 11 juin 2025.
Photo: keystone-sda.ch

Rima Hassan sera, elle aussi, expulsée d'Israël, après avoir été brièvement placée à l'isolement. Pour rappel, le voilier affrété par la coalition Flottille de la liberté est parti le 1er juin de Sicile avec à son bord douze militants, français, allemand, brésilien, turc, suédois, espagnol et néerlandais, pour «briser le blocus israélien» à Gaza.

Itinéraire

Le top départ de la «Global March to Gaza» sera donné le 13 juin. Du Caire, un convoi transportera les délégations des 54 pays jusqu’à El-Arich, ville du Nord-Sinaï située à la frontière de l’enclave palestinienne. De là, les marcheuses et marcheurs pacifistes parcourront à pied les 50 km qui les séparent du poste-frontière de Rafah. 

Trois jours de marche, à l’aube et en soirée – les températures peuvent grimper jusqu’à 50 degrés dans la région en juin – pour faire entendre leur voix face au silence assourdissant et à l’inaction des gouvernements. L’arrivée est prévue le 15 juin. Ils camperont ensuite devant les portes du terminal durant plusieurs jours. Il n’est pas question pour les militants de pénétrer à Gaza.

Contexte égyptien

En Egypte, manifestations et slogans pro-palestiniens sont interdits. Le régime ne tolère aucune contestation susceptible de raviver les souvenirs du printemps arabe. 

«
La moindre étincelle de contestation peut rapidement embraser le pays. Le pouvoir le sait et il exerce un contrôle total sur sa population
Sami Zaïbi, journaliste suisse basé au Caire
»

«Quelques semaines après le début de l’offensive israélienne à Gaza, des manifestations ont eu lieu au Caire. Certaines, autorisées par le pouvoir et encadrées, étaient pro-Sissi (ndlr: le président égyptien). D’autres, plus spontanées, ont été sévèrement réprimées», rapporte Sami Zaïbi, journaliste suisse basé au Caire. 

«Les manifestants qui, à cette occasion ont osé défiler sur l’emblématique place Tahrir, croupissent encore en prison aujourd’hui… Depuis, les Egyptiens ont compris qu’il valait mieux ne pas faire de vagues.» Et le journaliste de rappeler la démographie égyptienne. «115 millions de personnes vivent sur un territoire habitable équivalent à la Suisse. La moindre étincelle de contestation peut rapidement embraser le pays. Le pouvoir le sait et il exerce un contrôle total sur sa population.»

Une marche déconseillée par le DFAE

Le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) déconseille formellement de se rendre dans le Nord-Sinaï. Sur son site, il rappelle que tout rassemblement non autorisé par les autorités peut entraîner des arrestations.

Un risque assumé par les marcheurs. «Nous savons que nous pouvons être refoulés dès notre arrivée à l’aéroport, bloqués au canal de Suez ou à El-Arich. Mais notre démarche est transparente. Les autorités égyptiennes ne nous ont pas donné leur feu vert, mais elles ne nous ont pas délivré une interdiction formelle non plus», souligne Hicham El Ghaoui.

L’une des garanties données aux autorités égyptiennes a été de refuser la participation des marcheurs égyptiens. «Je le regrette sincèrement, confie le médecin, installé à Verbier. Mais il faut être lucide. Nous ne serions pas capables de canaliser des centaines de milliers d’Égyptiens. Nous ne pourrions pas distinguer ceux qui veulent marcher pour Gaza et ceux qui profiteraient de l’occasion pour contester leur régime. Nous les avons invités à se rapprocher d’ONG locales.» Une seule certitude: si la marche a lieu, elle se fera sous escorte militaire.

Nord-Sinaï

Car pour atteindre Rafah, les participants et participants doivent traverser le Nord-Sinaï, une région hautement sensible bordant la bande de Gaza au nord-est, Israël et le canal de Suez. Elle a été jusqu’à peu le théâtre d’un conflit armé entre l’armée égyptienne et divers groupes djihadistes. Depuis octobre 2021, la région est placée sous le commandement direct de l’armée, en vertu d’une loi antiterroriste.

Les convois humanitaires ou civils y sont strictement contrôlés. La marche mondiale vers Gaza pourrait se heurter à des barrages militaires, des points de contrôle ou à des blocages administratifs à Ismaïlia, Suez ou El-Arich.

«Nous y sommes préparés, conclut Hicham El Ghaoui. Et même si notre projet devait échouer, nous aurons montré au monde entier que de «simples» citoyens se mobilisent, font tout ce qu’ils peuvent pour protester et dénoncer ce génocide. Il en va de notre humanité.»

Partager
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la