Génocide. Nettoyage ethnique. Horreur humanitaire. Ces mots sont aujourd’hui employés au quotidien dans les médias, par les organisations non gouvernementales, par les observateurs et par les organisations internationales pour désigner la tragédie qui se déroule dans la bande de Gaza, où vivent encore deux millions de personnes, affamées et sous les bombes. Près de 70'000 Palestiniens y ont trouvé la mort.
Cet engrenage abominable de la violence, conséquence de l’assaut terroriste du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023, peut-il cesser après la décision de la France de reconnaître prochainement l’Etat de Palestine? Ou bien, va-t-on au contraire assister à une accélération meurtrière des opérations de l’armée israélienne, pour en finir avec le Hamas comme l’a plusieurs fois promis Benjamin Netanyahu? Cinq paramètres vont en décider. Les voici.
La France ne doit pas agir seule
L’annonce surprise, jeudi 24 juillet en soirée, de la prochaine reconnaissance de l’Etat de Palestine par la France, place Paris dans une position à la fois offensive et redoutable. Emmanuel Macron, qui a fait cette annonce dans un message posté sur les réseaux sociaux, va échanger dès ce vendredi avec le premier ministre britannique et le Chancelier allemand. S’il parvient à convaincre Keir Starmer et Friedrich Merz de reconnaître aussi la Palestine lors de la prochaine Assemblée générale de l’ONU en septembre, un vrai basculement diplomatique prendra forme. Sinon, le premier ministre israélien Benjamin Netanyahu se déchaînera contre la France isolée, avec l’appui des instances représentatives de la communauté juive dans ce pays, qui est la plus importante d’Europe. Avec le risque de préoccupantes fractures politiques nationales, alors que Macron est en fin de mandat et qu’il ne pourra pas se représenter en 2027.
Israël risque de riposter par la force
Benjamin Netanyahu ne veut pas d’une solution à deux Etats, qui verrait Israël et la Palestine vivre côte à côte. Les Etats-Unis de Donald Trump n’en veulent pas non plus. Plus grave encore: l’annonce d’Emmanuel Macron est intervenue jeudi 24 juillet, juste après le vote par la Knesset (le parlement israélien) mercredi 23 juillet, d’un appel à annexer définitivement la Cisjordanie occupée. Adopté par 71 voix contre 13, ce texte affirme le «droit naturel, historique et légal» d’Israël sur ce territoire colonisé. Le double risque est donc là: voir Netanyahu et son gouvernement dominé par l’extrême-droite vouloir prendre de court la communauté internationale et un éventuel basculement européen en accélérant deux offensives: contre la partie sud de Gaza d’une part, et contre la Cisjordanie d’autre part.
La Palestine ne peut pas être viable
Que veut dire reconnaître l’Etat de Palestine, ce qu’ont déjà fait 147 pays membres des Nations unies sur 193, mais seulement douze pays de l’Union européenne sur 27? Que veut dire cette décision que la Suisse n’a toujours pas prise, même si la Confédération entretient des relations avec l’Autorité palestinienne depuis les Accords d’Oslo en 1993? Deux choses. La première est de reposer directement la question des frontières entre cet Etat aujourd’hui morcelé entre plusieurs territoires, et sans souveraineté réelle, et Israël, où une partie de la population souhaite reprendre le contrôle de Gaza (évacué en 2005) et coloniser complètement la Cisjordanie. La seconde est de poser la question de la capacité à gouverner de l’Autorité palestinienne, discréditée par la corruption et présidée par Mahmoud Abbas, 89 ans. Viable cet Etat? Aujourd’hui, la réponse est non.
La diplomatie ne pèse plus rien
La décision d’Emmanuel Macron a aussitôt été saluée par de nombreux gouvernements, à commencer par l’Espagne qui a reconnu la Palestine en mai 2024, aux côtés de l’Irlande et de la Slovénie. L’Arabie saoudite a aussitôt félicité le président français. L’ancien diplomate israélien Elie Barnavi, pilier du camp de la paix avec les Palestiniens, a applaudi. Mais que pèsent la diplomatie et les Nations unies aujourd’hui dans ce conflit, alors que le soutien de Donald Trump à Netanyahu sur ce sujet apparaît total? L’honneur sera peut-être sauf pour la France, qui avait plusieurs fois reculé sur cette reconnaissance. Mais quel impact concret? Pour rappel, les 27 pays membres de l’UE ne sont pas parvenus à un accord, à la mi-juillet, sur la suspension de l’actuel accord d’association entre l’Union et Israël. Aucun accord non plus sur d’éventuelles sanctions. L’Allemagne, et le poids de son histoire après l’extermination des juifs par les nazis, pèse très lourd dans la balance.
Le Hamas peut en profiter
Le mouvement terroriste palestinien, responsable de l’assaut du 7 octobre 2023 contre Israël, s’est aussitôt félicité de la décision de la France. Et ce, alors qu’Emmanuel Macron estime que ce même Hamas n’a pas de place dans un futur Etat palestinien. Qu’en déduire? D’abord que sur le terrain, à Gaza, seule la loi de la force règne. La guerre se poursuit entre Israël et le Hamas, et l’Etat hébreu, tout comme les Etats-Unis, viennent de se retirer des pourparlers de paix à Doha. Le Hamas détient toujours 49 otages israéliens, morts ou vivants. Sa promesse d’en libérer dix prochainement n’a pas été acceptée. Le statut de martyrs des combattants du mouvement joue beaucoup. Le Hamas mise aussi sur la mobilisation internationale de la jeunesse, dans les campus, etc... Aussi légitime soit-elle, la reconnaissance de l’Etat de Palestine peut constituer une aubaine pour ce parti islamiste qui ne veut rien céder.