«La situation est terrifiante»
Gaza au bord du gouffre: la famine n'a jamais été aussi grave

A Gaza, après des mois de guerre et de blocus, la famine s’étend dramatiquement. Enfants affamés, hôpitaux débordés, aide humanitaire bloquée: la population entière est plongée dans une crise sans précédent, dénoncée par l’ONU.
Publié: 25.07.2025 à 06:22 heures
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Dernière mise à jour: 25.07.2025 à 06:47 heures
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A Gaza, l'OMS a recensé 21 décès d'enfant de moins de 5 ans, causés par la malnutrition.
Photo: keystone-sda.ch
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Solène MonneyJournaliste Blick

Après 21 mois de guerre et quatre mois de blocus quasi total, la famine s’étend à Gaza. Les images d’enfants émaciés et les témoignages de médecins épuisés et d’habitants affamés se multiplient. Selon les Nations Unies, près d’un habitant sur trois passe plusieurs jours d’affilée sans rien manger. Les hôpitaux, débordés, signalent une hausse inquiétante des décès liés à la malnutrition.

Mercredi 23 juillet, Israël a rejeté toute responsabilité, accusant le Hamas de provoquer cette crise humanitaire. D’après les autorités israéliennes, les restrictions viseraient à faire pression sur l’organisation islamiste, responsable de l’attaque du 7 octobre 2023 et qui détient encore une cinquantaine d’otages, dont une vingtaine seraient toujours en vie.

Le ministère de la Santé de Gaza a annoncé mercredi la mort de dix personnes de faim en 24 heures. Blick fait le point sur la situation dans l'enclave palestinienne.

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Les enfants, premières victimes

Les plus jeunes paient le plus lourd tribut. Depuis le début de l’année, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a recensé 21 décès d’enfants de moins de 5 ans dus à la malnutrition. Un chiffre bien inférieur à la réalité, selon l’organisation.

«Ces chiffres augmentent rapidement parce que les enfants sont privés de nourriture, d’eau et de soins. C’est aussi simple que ça», alerte Tess Ingram, porte-parole de l’UNICEF, au «Washington Post». Dans une vidéo tournée mardi à l’hôpital Nasser, au sud de Gaza, on voit des bébés au ventre gonflé et aux poings crispés pleurant dans les bras de parents impuissants, rapporte le quotidien américain.

Mais les hôpitaux encore debout sont saturés, presque sans moyens pour les soigner. «Nous atteignons maintenant la situation la plus critique, celle sur laquelle nous alertons depuis un moment. Malheureusement, nous y sommes maintenant», déplore le Dr Ahmed El Farah, directeur de l’hôpital Nasser à Khan Younès, auprès de franceinfo.

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Toute la population touchée

Les enfants ne sont pas les seuls touchés. D’après une centaine d’organisations humanitaires, l’ensemble des deux millions d’habitants de Gaza est frappé par la faim.

«La situation est terrifiante, ce sont deux millions de personnes, véritablement, qui sont à l'agonie par défaut de nourriture, d'eau, de soins», alerte François Corty, président de Médecins du monde, à franceinfo. Le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, parle d’un drame humanitaire majeur: «Je ne vois pas comment appeler cela autrement que des gens mourant de faim en masse», a-t-il déclaré, exigeant un accès humanitaire complet et un cessez-le-feu immédiat. Il dénonce une «famine massive provoquée par l’homme».

Le personnel soignant lui-même est à bout. Le Washington Post rapporte que des médecins consultent en ayant des vertiges dus à la faim. «Je vous parle en tant que responsable de la santé, mais moi aussi, je cherche de la farine pour nourrir ma famille», confie au «New York Times» le Dr Ahmed al-Farra, chef du service pédiatrique de l’hôpital Nasser.

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Une aide humanitaire au compte-goutte

Tout au long de la guerre, Israël a imposé de sévères restrictions à l’entrée de l’aide humanitaire. Parfois assouplies lors de trêves, elles ont été rétablies début mars, avant d’être légèrement levées fin mai. Ce revirement serait lié aux craintes israéliennes du Premier ministre Benjamin Netanyahu de perdre le soutien de Washington face aux «images de famine massive».

«Juste à l'extérieur de Gaza, dans des entrepôts, et même à l'intérieur, des tonnes de nourriture, d'eau potable, de fournitures médicales, de matériel d'hébergement et de carburant restent inutilisées, les organisations humanitaires étant empêchées d'y accéder ou de les livrer», ont déclaré conjointement une centaine d'ONG. Israël, de son côté, rejette la faute sur les Nations Unies: «Il n'y a pas de limite. Les points de passage sont ouverts. Il suffit d'amener les camions et d'acheminer l'aide», assure un responsable israélien au «Washington Post».

Une version contredite par l’ONU, qui affirme que les autorités israéliennes contrôlent entièrement les flux: Ce sont «les seuls à décider» de qui rentre, de la quantité et du type de produits autorisés, dénoncent ses représentants.

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Des distributions d'aide mortelles

Quand des camions réussissent à pénétrer dans Gaza, accéder à la nourriture devient un défi de survie. L’ONU accuse l’armée israélienne d’avoir tué plus de 1000 personnes cherchant à se ravitailler depuis fin mai. Ces violences se concentreraient autour des centres de distribution de la Fondation humanitaire de Gaza (GHF), une organisation controversée aux financements jugés opaques et déjà pointée du doigt par le Département fédéral de l’Intérieur suisse.

La GHF nie tous tirs mortels et affirme avoir distribué plus de 18'000 colis alimentaires depuis le 27 mai, ce qui représenterait un million de repas. Un chiffre «cynique», juge Pierre Motin, responsable de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, auprès de franceinfo, soulignant que ces calculs ne reflètent en rien la réalité de la sous-nutrition à Gaza.

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