Face à l'impitoyable Netanyahu
A quoi sert de reconnaitre la Palestine quand Gaza meurt?

L'Australie vient d'annoncer sa reconnaissance prochaine de l'Etat de Palestine, dans la foulée de la France, du Royaume-Uni et du Canada. A un moment où le gouvernement israélien veut prendre le contrôle entier de Gaza, où les journalistes sont ciblés et tués.
Publié: 12:01 heures
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Que peut faire un Etat de Palestine de la bande de Gaza réduite en ruines après deux années de guerre?
Photo: IMAGO/Anadolu Agency
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Richard WerlyJournaliste Blick

Gaza meurt. Tout comme les deux millions de personnes qui y sont littéralement emprisonnées, dépendantes d’une aide humanitaire que l’Etat hébreu restreint à volonté. Tout comme les journalistes palestiniens qui, jour après jour, paient un tribut terrifiant à cette guerre déclenchée par Israël après l’attaque du Hamas, le 7 octobre 2023.

Au total, 256 journalistes ont été tués depuis le début du conflit. Six d’entre eux, dont le reporter de la chaîne qatarie Al Jazeera Anas al-Sharif (accusé par Israël d'être un cadre du Hamas), ont perdu la vie le 10 août dans une frappe ciblée sur une tente réservée à la presse. Gaza est en ruines et beaucoup d’observateurs du Moyen-Orient estiment aujourd’hui impossible que l’enclave puisse être gouvernée, demain, par une autorité palestinienne qui n’inclurait pas le Hamas et ne reconnaîtrait pas le droit d’Israël à exister. 

Alors, pourquoi reconnaître dans ces conditions l’Etat de Palestine? Benjamin Netanyahu a-t-il raison, lorsqu'il affirme que cela renforce le Hamas, qui détient toujours une cinquantaine d'otages – dont 22 vivants?

Imposer les deux Etats

La reconnaissance de l’Etat de Palestine vise autant à donner de l’espoir aux Palestiniens, reconnus comme un peuple souverain qui a le droit de disposer d’un territoire avec des frontières et des institutions indépendantes, qu’à obliger Israël à remettre sur les rails le projet de la solution «à deux Etats». Il s’agit d’empêcher que la guerre, comme le réclame ouvertement l’extrême droite israélienne, accouche d’une recolonisation des terres palestiniennes à Gaza (enclave cédée en 2005 à l’Autorité Palestinienne par Ariel Sharon) et en Cisjordanie, où vivent aujourd’hui quelque 650'000 colons israéliens et où les affrontements sont quotidiens.

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Benjamin Netanyahu, pour sa part, n’a jamais cru aux deux Etats capables de cohabiter. Son annonce d'une prochaine prise de contrôle militaire totale de la bande de Gaza – nuancée ensuite pour parler de Gaza City – va dans ce sens. En évoquant le départ des Palestiniens de Gaza dès sa prise de pouvoir, Donald Trump a pour sa part démontré qu’il pense la même chose. Mais plus l’Etat palestinien est reconnu, plus il faudra compter avec lui.

Responsabiliser les Occidentaux

Emmanuel Macron a annoncé, début août, que la France reconnaîtra l’Etat de Palestine en septembre, durant l’Assemblée générale des Nations unies à New York. Il l’a fait après l’Espagne, la Slovénie, l’Irlande et la Norvège qui ont franchi le pas le 28 mai 2024. La question maintenant est donc de savoir si la décision française va faire des émules, créant une brèche dans le camp occidental entre ceux qui acceptent de s’opposer à Israël et les autres, emmenés par les Etats-Unis. 

A ce jour, 148 des 193 pays membres de l’ONU reconnaissent l’Etat de Palestine. L’Allemagne et l’Italie ont déjà dit qu’elles n’emboîteront pas le pas à Macron. Mais le Royaume-Uni, le Canada et l’Australie se disent prêts à le faire.

Miser sur l’opinion publique

Reconnaître l’Etat de Palestine ne signifie pas qu’un pays ainsi nommé va demain apparaître sur la carte du monde. Cela signifie en revanche que les Palestiniens ont une patrie, et qu’ils peuvent intégrer l’ensemble des institutions internationales. Cette reconnaissance est surtout, pour Macron et ceux qui le suivent, un moyen de frapper l’opinion publique. 

Une grande partie de la jeunesse mondiale est scandalisée par les méthodes de l’armée israélienne à Gaza et par la tragédie humanitaire. Dans les campus universitaires, la cause palestinienne est brandie. L’objectif des pays qui reconnaissent la Palestine aujourd’hui est de montrer à Israël que sa guerre n’en finira pas avec le peuple palestinien et ses aspirations.

Réclamer des frontières

L’Etat de Palestine est reconnu comme un Etat souverain par 148 des 193 Etats membres des Nations unies, soit un peu plus de 75% de tous les membres de l’ONU. Il est Etat observateur non-membre de l’Assemblée générale des Nations unies depuis 2012. Or, plus il est reconnu internationalement, plus la question de ses frontières se pose. 

Il revendique la souveraineté sur la Cisjordanie (dont 60% du territoire est occupé par Israël depuis la guerre des six jours de 1967), sur Jérusalem-Est et sur la bande de Gaza. Problème: ces frontières sont en permanence contestées par les colons israéliens. Le dernier à l’avoir fait est le ministre d’extrême droite Bezalel Smotrich. Ce dernier a réclamé, lors d’une prière sur le mont du Temple (l’Esplanade des Mosquées pour les musulmans) la recolonisation totale de Gaza.

Faire respecter le droit international

Un Etat est soumis au droit international. Et il doit être défendu par celui-ci. Reconnaître la Palestine, c’est garantir – en théorie – aux Palestiniens qu’ils sont protégés par le droit international humanitaire. C’est aussi reconnaître l’Autorité palestinienne comme le gouvernement légitime de cet Etat, même si elle est accusée de corruption massive et si le Hamas l’a évincé de Gaza depuis les élections de 2006, que le mouvement islamiste a remporté. 

Tous les Etats qui reconnaissent la Palestine – ce que la Suisse n’a pas encore fait – ont, dans ce respect du droit et des résolutions de l’ONU, un rôle à jouer.

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