Reconnaître l’Etat de Palestine n’est absolument pas donner un blanc-seing au Hamas. Ce préalable doit être sans cesse répété face à la levée de boucliers déclenchée, en Israël et au sein de la communauté juive française, par l’annonce d’Emmanuel Macron sur une prochaine reconnaissance de cet Etat déjà reconnu par 147 Etats à travers le monde, dont 12 pays membres de l’Union européenne.
La question du calendrier, au plus fort de la tragédie humanitaire en cours à Gaza, peut bien sûr être posée. L’on peut s’interroger, aussi, sur la méthode choisie par le président français: prendre l’initiative d’un message posté en soirée sur les réseaux sociaux, jeudi 24 juillet, en proposant l’échéance de la prochaine Assemblée générale des Nations Unies en septembre. Restent les faits: un peuple est aujourd’hui opprimé, menacé d’être chassé de sa terre, victime de nettoyage ethnique et d’une stratégie délibérée d’utilisation de la famine pour le mettre à genoux. Or ce peuple a droit à un Etat de Palestine. Et cet Etat, même s’il n’en a pas les attributs, doit être partie intégrante de tout processus de paix.
Responsabilité écrasante
C’est dans ce contexte que les Européens ont, tous, une responsabilité particulière. Une responsabilité écrasante même, au regard de l’histoire. Il y a 80 ans, l’horreur nazie s’achevait dans les décombres du Vieux Continent, et l’abomination de la Shoah était révélée au monde entier. Tous les pays européens complices de cette extermination des juifs avaient alors le devoir d’aider Israël, ce qui fut fait, y compris sur le plan militaire. Faut-il, aujourd’hui, refuser au nom de ces crimes contre l’humanité commis par Hitler et tous ses alliés ou complices, d’accorder aux Palestiniens le droit à un Etat? La réponse est non. Au contraire. Le devoir des Européens, Suisse incluse, est de tout faire pour que ces deux peuples puissent vivre un jour côte à côte dans le respect mutuel et en paix.
Oui, tous les pays Européens doivent reconnaître l’Etat de Palestine, avec ses frontières reconnues internationalement. Ils devront ensuite tout faire pour empêcher le retour du Hamas, ce mouvement terroriste qui tue l’avenir de son peuple. Ils devront exiger de la future Palestine qu’elle reconnaisse le droit d’Israël à exister. Toutes ces conditions sont indispensables. Mais ne rien faire, en revanche, n’est pas la solution. Et laisser la France seule, isolée, serait la pire des démonstrations de faiblesse pour des pays européens que les Etats-Unis de Donald Trump veulent tenir en laisse.
Contre-la-montre
L’heure est venue. Emmanuel Macron a déclenché le contre-la-montre. L’Italie et l’Allemagne, compte tenu de leur histoire durant la Seconde Guerre mondiale, ont une responsabilité particulière. Le Royaume-Uni, meilleur allié de Washington, est aussi en première ligne. Mais n’oublions pas ce que la Suisse, qui a promu en 2000 le plan des accords de Genève, peut envoyer aussi comme message au monde: reconnaître un Etat n’est pas avaliser un gouvernement. Cela n’empêche pas de sanctionner, de condamner des politiques, voire de s’y opposer.
Dire oui à un Etat palestinien signifie juste que son peuple n’est pas et ne sera pas abandonné. Il y va de sa survie face à la colonisation et aux crimes de guerre. L’heure est venue. Se dérober serait pour les pays européens, au vu de ce qui se déroule à Gaza, ajouter la honte et le déshonneur à leur impuissance.