Notre économie entrevoit-elle enfin le bout du tunnel? Selon l’agence Reuters, un accord commercial entre la Suisse et les Etats-Unis pourrait être conclu d’ici la fin de la semaine, voire au début de la suivante. Ce «deal» tant attendu avec Donald Trump semble à bout touchant. Mais qu’est-ce qui a poussé le président américain à revoir sa position? Et que peut espérer l’économie suisse de ce probable accord? Blick fait le point.
A quoi pourrait ressembler le nouvel accord?
L’enjeu central reste le taux des nouveaux droits de douane imposés par Washington sur les produits suisses. La principale piste fait état d'une taxe de 15%, alignée sur celle actuellement appliquée aux produits issus de l’Union européenne. C'est en tout cas le taux qu'aurait négocié la délégation.
Pour rappel, le 1ᵉʳ août, Donald Trump avait infligé à la Suisse une taxe punitive de 39%, une des plus lourdes au monde. Seuls quatre pays avaient été sanctionnés plus lourdement. Avant que cette sanction ne tombe, Berne avait longuement négocié avec Washington, sous la houlette de la présidente de la Confédération Karin Keller-Sutter. En vain. Donald Trump avait imputé sa colère aux près de 40 milliards de déficit commercial suisse.
Pourquoi Trump aurait-il cédé?
Ceux qui suivent la présidence de Donald Trump le savent mieux que quiconque: le pensionnaire de la Maison-Blanche change régulièrement d'avis. A Wall Street, on lui a même attribué le surnom peu flatteur de «Taco», pour «Trump always chickens out» (en français: «Trump finit toujours par se dégonfler»). Un sobriquet qui découle de sa tendance répétée à promettre des taxes élevées, avant de finalement les annuler ou de ne jamais les appliquer.
Les autres pays l'ont bien compris: flatter le président américain semble souvent porter ses fruits. Et c’est précisément la stratégie qu’ont adoptée plusieurs grands noms de l’économie suisse la semaine dernière.
Mardi dernier, 4 novembres, ils ont rencontré Donald Trump dans le Bureau ovale pour évoquer un accord plus favorable à la Suisse. Parmi eux, le Genevois Jean-Frédéric Dufour, patron de Rolex, et réputé proche du président américain. Ce dernier se serait ainsi vu remettre une horloge de bureau exclusive signée Rolex.
La rencontre semble avoir porté ses fruits: Donald Trump a en effet évoqué publiquement l’accord à venir, tandis que le ministre suisse de l’Economie Guy Parmelin a salué, après un entretien téléphonique avec le représentant américain au commerce Jamieson Greer, des discussions « très constructives ». Un ton bien différent des mois précédents, qui avaient été marqués par des échanges tendus et par des piques répététes du secrétaire américain au Commerce Howard Lutnick contre la Suisse.
Que signifierait cet accord pour l'économie suisse?
L’accord douanier n’est pas encore scellé. Mais si Donald Trump abaissait effectivement ses droits de douane de 39 à 15%, le soulagement serait immense pour l’industrie exportatrice suisse. Ce taux alignerait la Suisse sur l’Union européenne et limiterait considérablement les pertes économiques.
Les secteurs de l'horlogerie et des machines-outils seraient les premiers à en bénéficier, eux qui dépendent fortement du marché américain. La perspective d’un accord imminent a d'ailleurs fait bondir les actions de Richemont et Swatch ces derniers jours. Un abaissement des droits de douane serait en outre une véritable bouffée d'oxygène pour de nombreuses PME suisses fournissant des produits à des groupes américains.
Quel a été l'impact des droits de douane jusqu'à présent?
Pour l'heure, les surtaxes américaines n’ont pas provoqué de catastrophe économique majeure, leur application étant encore récente. Mais de nombreuses entreprises – les PME en première ligne – souffrent d'ores et déjà de ces restrictions douanières. Certaines d'entre elles envisagent même de procéder à des licenciements.
Les effets les plus marquants se ressentent au niveau de la stratégie des groupes exportateurs. Plusieurs d’entre eux ont annoncé des investissements massifs aux Etats-Unis, notamment les grandes entreprises disposant de solides ressources financières. Parmi elles, Victorinox, Stadler Rail, ainsi que les géants pharmaceutiques Novartis et Roche, ces deux derniers étant pour l'heure épargnés par les 39% de taxe.
D'une façon plus générale, les droits de douane ont assombri les perspectives économiques de la Suisse. Si les sanctions perdurent, une récession pourrait survenir dès 2026, selon plusieurs économistes. Ce ralentissement est parfaitement illustré par une récente enquête d'UBS, qui fait état d'une progression des salaires de seulement 0,5 à 1,2% l'année prochaine.
Les raisons de cette faible hausse sont claires: «De nombreuses entreprises interrogées invoquent les taxes américaines et la conjoncture fragile», explique Meret Mügeli, économiste chez UBS. Autrement dit, la signature d’un accord douanier avec Trump serait une bouffée d’air frais pour toute la Suisse – y compris pour les travailleurs, qui pourraient enfin espérer une augmentation plus généreuse.