Le ministre américain du Commerce Howard Lutnick est devenu un personnage redouté à Berne. Ses prises de position dans les médias américains sur les négociations douanières avec la Suisse provoquent régulièrement des remous. Et ce mercredi, le bras droit de Trump dans le poker douanier en a remis une couche.
«Nous avons toujours la question de la Suisse en suspens», déclare Howard Lutnick dans une interview à la chaîne américaine News Nation. Le ministre de Trump rit avant d’ajouter: «La présidente de la Suisse s’est obstinée à vouloir conclure l’accord avec la Grande-Bretagne.»
Howard Lutnick, qui parle ensuite du «leader suisse», sans doute en référence à Karin Keller-Sutter, se moque de la Suisse – et probablement de KKS – avec la présentatrice. «Elle répétait sans cesse: nous sommes un petit pays. Nous voulons l’accord que la Grande-Bretagne a obtenu.»
«La Suisse doit réagir»
Pour Howard Lutnick, cette stratégie est vouée à l’échec. «Un accord comme celui de la Grande-Bretagne, la Suisse ne l’aurait même pas obtenu le 9 mai, au lendemain de l’accord américano-britannique. Dans tout nouvel accord, il faut toujours payer un peu plus.» La Suisse doit désormais «réagir correctement. Ils doivent ouvrir leurs marchés et ne pas prendre de contre-mesures qui nuisent à l’Amérique», affirme-t-il.
Lors de cet entretien, Howard Lutnick n’a pas eu un mot positif pour KKS ni pour la Suisse. Il conclut par cette remarque: «Un petit pays comme la Suisse a un déficit commercial de 40 milliards de dollars avec les Etats-Unis. C’est un petit pays riche. Mais savez-vous pourquoi vous êtes riches? Parce que vous nous vendez pour 40 milliards de dollars de plus que nous ne vous achetons. C’est pour cela qu’il faut clarifier la situation.»
Continuer à échanger avec les Etats-Unis
On ne sait toujours pas où en sont les négociations pour réduire les droits de douane avec les Etats-Unis. Début septembre, le ministre de l’Economie Guy Parmelin s’était rendu à Washington pour déposer une seconde offre. Depuis, silence radio côté américain. Howard Lutnick avait déjà déclaré que la Suisse était un petit pays riche, qui devait sa prospérité en grande partie à ses affaires avec les Etats-Unis.
Le Département de Guy Parmelin évite de commenter directement les propos de Howard Lutnick. Un porte-parole souligne toutefois: «Le Conseil fédéral continue de s’engager pour améliorer la situation douanière avec les Etats-Unis. Il a optimisé son offre afin de parvenir à un accord.» Les discussions diplomatiques et politiques se poursuivent donc.
D’après nos informations, la nouvelle offre suisse inclurait des investissements supplémentaires de plusieurs milliards de dollars par des entreprises helvétiques aux Etats-Unis, des achats de gaz liquéfié américain ou encore des concessions sur les importations agricoles.
«Au final, c'est Trump qui décide»
La conseillère nationale du Centre Elisabeth Schneider-Schneiter appelle au calme: «La Suisse ne doit pas se laisser déstabiliser par des voix isolées aux Etats-Unis. Ce qui compte, c’est d’agir avec pondération et une stratégie claire. En fin de compte, c’est Trump qui décidera de l’accord.» Selon elle, l’interview de Howard Lutnick est peut-être aussi une manière pour lui de se protéger face à Trump si les négociations échouent.
Le conseiller national de l'Union démocratique du centre (UDC) Franz Grüter n’est pas surpris. «Howard Lutnick a souvent tenu ce genre de propos. Il veut surtout apparaître comme un négociateur dur. Mais d’autres ministres sont compétents pour les discussions avec la Suisse, notamment le ministre des Finances. Et au final, c’est Donald Trump qui tranche.»