Depuis un mois, la Suisse est frappée par des droits de douane de 39% imposés par Donald Trump — les plus élevés jamais appliqués à un pays développé. En pleine tourmente, Berne tente une nouvelle approche pour calmer les tensions commerciales avec Washington, rapporte Bloomberg lundi 29 septembre. La Confédération proposerait désormais d’investir directement dans l’industrie américaine du raffinage de l’or.
Selon l’agence américaine, une offre formelle aurait été transmise au secrétaire au Trésor Scott Bessent et au représentant au commerce Jamieson Greer. Elle prévoirait que certains raffineurs suisses délocalisent aux Etats-Unis leurs activités les moins rentables.
Concrètement, il s’agirait de refondre les lingots standards de Londres et de les transformer sur place en petites barres, plus recherchées à New York. L’objectif serait ainsi de convaincre la Maison Blanche d’assouplir rapidement les surtaxes qui freinent les exportations helvétiques et pèsent sur les prévisions de croissance.
L'or, un secteur sous pression
Contacté par Bloomberg, le Trésor américain n’a pas souhaité commenter. Le gouvernement suisse, lui, s’est contenté d’indiquer avoir «optimisé son offre aux Etats-Unis afin de parvenir à un accord rapide». Pourquoi alors placer l’or au cœur des discussions, en plus des concessions envisagées dans d’autres secteurs comme l’énergie ou l’agriculture?
Parce que le métal précieux pèse lourd dans les échanges. Au premier trimestre, il a représenté plus des deux tiers de l’excédent commercial suisse avec les Etats-Unis, attisant les critiques de Trump. La Confédération a exporté pour 39 milliards de francs, alors qu'elle en a importée pour 7,3 milliards. Pourtant, l’industrie aurifère — concentrée au Tessin, plus grand centre de raffinage mondial — n’emploie qu’environ 1500 personnes et fonctionne avec des marges infimes.
Donald Trump pointe du doigt les raffineries d’or suisses, accusées d’avoir creusé l’excédent commercial avec les Etats-Unis. Mais, paradoxe, c’est son bras de fer douanier qui a provoqué l’explosion des échanges. En 2024, le déficit sur l’or ne s’élevait qu'à 5 milliards de francs. Au printemps, les négociants américains se sont rués sur le métal jaune, constituant des stocks massifs pour anticiper de futures surtaxes.
Une offre qui divise
Pour Christoph Wild, président de l’Association suisse des producteurs et négociants de métaux précieux, l’obligation de faire transiter l’or par la Suisse entre le Royaume-Uni et les Etats-Unis constitue une inefficacité qui pourrait être corrigée en développant le raffinage américain. Les raffineurs envisageraient déjà des investissements à moyen et long terme outre-Atlantique, mais, prévient-il, la refonte des barres à faible marge ne serait pas viable sans subventions, que ce soit de Berne ou de Washington.
L’idée séduit peu dans le secteur. Simone Knobloch, directeur opérationnel de Valcambi, l’une des plus grandes raffineries suisses, souligne la faiblesse des marges et la saturation du marché. La construction d'une raffinerie américaine n'est alors pour lui pas un argument commercial: «Si je regarde le modèle économique, cela n’a pas de sens», tranche-t-il. Alors que les prix de l'or ont atteint un record de 3850 dollars l'once ce mardi, les raffineurs n'en retirent que quelques dollars de la refonte d'une barre.
D’autres voix dénoncent plus largement l’industrie aurifère en Suisse. La présidente des Vert-e-s, Lisa Mazzone, réclame une taxe de 5% sur un secteur accusé de véhiculer de l’«or sale» et de contribuer trop peu à l’économie nationale. Le patron de Swatch, Nick Hayek, a même suggéré d’imposer aux barres exportées vers les Etats-Unis un prélèvement équivalent aux tarifs de Trump.
Un avenir incertain
Les raffineurs mettent toutefois en garde: les Etats-Unis pourraient aisément s’approvisionner ailleurs au prix du marché. Et dans une activité où les marges sont déjà extrêmement faibles, une taxe à l’exportation reviendrait presque certainement à mettre fin à ce commerce.