Le temps presse: le Conseil fédéral a jusqu'au 7 août pour négocier un accord douanier de dernière minute avec les Etats-Unis – et ainsi éviter le coup de massue tarifaire de 39%. Dans ce contexte, l'industrie aurifère suisse reçoit soudain plus d'attention qu'elle ne l'aurait souhaité.
La Suisse est le plus grand transformateur d'or au monde, et le métal jaune plombe notre balance commerciale avec les Etats-Unis. «Il est inadmissible que toute l'économie suisse souffre à cause d'une branche», s'est insurgé le conseiller national PLR Hans-Peter Portmann auprès de la «SonntagsZeitung».
Comme l'écrit le journal, les exportations d'or vers les Etats-Unis sont au centre des préoccupations de l'administration fédérale et du Parlement. Car ces dernières ont atteint cette année de nouveaux records.
Un déficit de 32 milliards de francs en cinq mois
Les chiffres du commerce américain, qui sont pertinents aux yeux de Trump, le montrent: sur les cinq premiers mois de 2025, la Suisse a exporté pour l'équivalent de 39 milliards de francs d'or vers les Etats-Unis, alors qu'elle en a importé pour à peine 7,3 milliards de francs. L'or plombe donc le déficit commercial de cette année d'environ 31,7 milliards de francs. A titre de comparaison, les Etats-Unis ont enregistré l'année dernière un déficit de 38,5 milliards de francs dans le commerce de marchandises avec la Suisse, y compris les produits pharmaceutiques, les montres et les machines.
Ces chiffres monstrueux d'exportations d'or sont néanmoins trompeurs: la Suisse est en principe un centre de transbordement pour l'or. Des milliers de tonnes du précieux métal arrivent en Suisse, sont affinées dans les raffineries puis exportées. Le secteur crée donc peu d'emplois et la valeur ajoutée est raisonnable.
Les raffineries d'or font-elles partie de la solution?
En 2024, le déficit commercial de l'or entre la Suisse et les Etats-Unis n'était que de 5 milliards. Ironiquement, c'est le conflit douanier lancé par un certain Donald Trump qui est à l'origine de cette augmentation massive. Au printemps, les négociants en or américains se sont approvisionnés en énormes quantités. Ils voulaient ainsi éviter des droits de douane ultérieurs. Et l'affaiblissement du dollar qui a résulté de cette guerre commerciale déclarée a alimenté la demande d'or en tant que valeur refuge.
Le Conseil fédéral n'ayant pas réussi à convaincre le président américain avec des arguments et des chiffres concrets, des tours de passe-passe pourraient être désormais utilisés: le déficit commercial pourrait-il être réduit si l'or était acheminé vers les Etats-Unis via la Grande-Bretagne? Ou faudrait-il carrément interdire les exportations d'or vers les Etats-Unis?
Un expert est sceptique
Mais la solution est-elle vraiment aussi simple? «Cela ne devrait rien apporter. Ce qui est pertinent, c'est le lieu où la valeur ajoutée est créée», explique Johannes Fritz, directeur de l'organisation Global Trade Alert, une spin-off de l'Université de Saint-Gall qui s'engage pour la transparence et l'équité dans la politique commerciale. «Une interdiction totale des exportations serait en outre contraire aux principes suisses», ajoute Johannes Fritz.
La seule aide conditionnelle serait sans doute que l'une des raffineries suisses installe un site aux Etats-Unis pour que l'or y soit affiné. Mais le problème des droits de douane de la Suisse ne disparaîtrait pas pour autant. Car les exportations d'or actuelles devraient bientôt se stabiliser à un niveau nettement plus bas. «En 2024, le déficit commercial américain vis-à-vis de la Suisse aurait encore été d'environ 34 millions de francs sans l'or», explique Johannes Fritz. «L'or n'est pas le problème. Trump se concentre sur le secteur pharmaceutique», estime-t-il.
La Suisse risque-t-elle de miser à nouveau sur le mauvais cheval dans le conflit commercial avec Trump? La réponse ne devrait pas tarder à tomber.