Une affaire à plusieurs milliards
Ces entreprises suisses pourraient profiter d'un accord de paix sur l'Ukraine

Un éventuel cessez-le-feu en Ukraine pourrait avantager certaines actions suisses, tandis que d’autres pourraient en pâtir. Point de la situation.
Publié: 05:25 heures
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Dernière mise à jour: 07:01 heures
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Des employés nettoient les débris au pied d'un immeuble endommagé à la suite des frappes russes à Kiev, le 25 novembre 2025.
Photo: AFP
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Monique Misteli
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Dimanche soir, les signaux en provenance de Genève semblaient plein d'espoir. Après plusieurs heures de négociations entre des représentants de l'Ukraine, des Etats-Unis et des Etats européens, les participants aux discussions se sont montrés confiants sur la possibilité d'arriver à un accord de paix en Ukraine. 

Mais ce mardi, le Kremlin a affirmé qu'il refuserait toute nouvelle version du plan Trump, exigeant de s'en tenir au plan initial américain de 28 points. Poutine devrait pourtant recevoir l'émissaire de Trump, Steve Witkoff, à Moscou la semaine prochaine. 

Jusqu'à présent, les marchés financiers ne se sont pas véritablement intéressés aux pourparlers. Le marché des actions suisses, mesuré par l'indice phare SMI, a progressé ce lundi de 0,36% pour atteindre 12'678,5 points.

«Pas de grosse influence sur la Bourse suisse»

Les experts ne tablent pas vraiment sur un effet majeur d'un accord sur la Bourse. «Un cessez-le-feu en Ukraine n'aurait probablement pas de grosse influence sur la Bourse suisse», estime Christian Gattiker, responsable recherche à Julius Baer. Cela s'explique par le fait que les difficultés économiques en Europe ne sont que partiellement liées à la guerre. Les défis structurels tels que la faible croissance de la productivité, les problèmes démographiques et le manque de compétitivité ne seront pas influencés par un accord de paix.

Christian Gattiker s'attend néanmoins à quelques impacts positifs sur les marchés financiers. Une trêve entre l'Ukraine et la Russie pourrait rendre les investisseurs un peu plus confiants. Cela profiterait aussi au marché suisse, même si c'est dans une moindre mesure. Les actions pourraient devenir un peu moins «risquées» aux yeux des investisseurs, ce qui pourrait faire monter leur valeur. Il ne faut toutefois pas s'attendre à un gros impact.

La reconstruction, une affaire de plusieurs milliards

La reconstruction de l'Ukraine crée beaucoup d'espoir. «La reconstruction pourrait devenir une affaire de milliards», estime Christian Gattiker. Les coûts de la reconstruction sont estimés à au moins 524 milliards de dollars américains sur les dix prochaines années. C'est ce qui ressort d'un rapport commun du gouvernement ukrainien, de la Banque mondiale, de la Commission européenne et des Nations unies.

Même si 50 milliards de dollars annuels paraissent colossaux, cette somme devient finalement assez faible lorsqu’on la compare au chiffre d’affaires réalisé par l'industrie européenne de la construction, qui dépassait 1,75 billion de dollars en 2020. Cela ne représenterait qu’une hausse d’environ 3% par an. C’est pourquoi l’expert estime qu’un éventuel cessez-le-feu ne donnerait probablement pas un véritable coup de boost aux entreprises de construction européennes ou suisses dans les prochaines années.

Trois entreprises suisses pourraient en profiter

Christian Gattiker identifie trois entreprises suisses qui pourraient profiter de la reconstruction de l'Ukraine: Holcim, Sika et Implenia, toutes trois actives dans le domaine de la construction et des matériaux. Une étude de la banque d'investissement britannique Barclays avait aussi considéré que Holcim pourrait tirer profit du cessez-le-feu.

Holcim dispose déjà d'une vaste expérience en Europe de l'Est. L'entreprise basée à Zoug pourrait jouer un rôle central dans la livraison de ciment et d'autres matériaux de base pour la reconstruction de l'Ukraine. Le cours de son action continue d'évoluer positivement vers un nouveau record absolu de plus de 73 francs. Une de ses actions coûte actuellement 71 francs.

Le groupe zougois Sika est quant à lui spécialisé dans les matériaux de construction pour les projets d'infrastructures complexes et la rénovation de bâtiments. Ses produits pourraient être utilisés pour la modernisation de structures détruites. L'action Sika affiche pour le moment une tendance à la hausse et cote 152,35 francs. Néanmoins, le cours a perdu un bon tiers depuis une année.

Implenia, le plus grand prestataire de services de construction suisse, pourrait aussi être mobilisé dans des grands projets. Toutefois, la distance géographique avec l'Ukraine est un défi. L'entreprise devrait renforcer sa présence dans la région pour pouvoir participer substantiellement à la reconstruction. Actuellement, une action Implenia coûte 60,70 francs – soit près de deux fois plus qu'au début de l'année.

Julius Baer n'évoque pas d'autres entreprises suisses qui pourraient, en théorie, aussi profiter de la reconstruction. Comme par exemple Geberit dans le domaine sanitaire, Georg Fischer dans la tuyauterie ou Kühne+Nagel dans la logistique.

L'armement sous pression?

Alors que les entreprises de la construction sont considérées comme les grandes gagnantes en cas de cessez-le-feu, la situation diffère pour les entreprises liées à l'armement. «Les entreprises suisses liées à l'armement pourraient être affectées par un cessez-le-feu, car les attentes en matière de dépenses de défense pourraient temporairement baisser», estime Christian Gattiker.

La situation reste toutefois complexe et difficile à prédire. Les experts estiment que l'Europe ne réduira pas ses dépenses en matière de défense, même après un éventuel cessez-le-feu en Ukraine. Car les tensions géopolitiques restent bien présentes, tout comme la prise de conscience de la nécessité d'avoir une défense solide. Pour rappel, lors de leur sommet de 2025, les Etats membres de l'OTAN se sont engagés à augmenter leurs dépenses militaires à 5% du produit intérieur brut (PIB) d'ici à 2035 au plus tard.

Julius Baer ne donne pas d'estimations concrètes sur les entreprises suisses liées à l'armement, à l'image de Cicor, qui fabrique des composants électroniques pour les systèmes de défense, ou Huber+Suhner avec ses solutions système pour la connectivité électrique et optique.

Des effets indirects difficiles à mesurer

En plus des entreprises qui profiteront directement de la reconstruction de l’Ukraine, il y aura sans doute des gagnants indirects. Une baisse des prix de l'énergie pourrait augmenter le pouvoir d'achat des consommateurs, tandis qu'une reprise économique en Europe profiterait à l'industrie suisse tournée vers l'exportation. Le climat de la consommation devrait également s'améliorer de façon générale.

Mais là encore, l'analyse de Julius Baer, déjà publiée en février 2025, reste prudente. Christian Gattiker estime qu'un accord de paix pourrait certes améliorer le climat de confiance sur les marchés financiers, ce qui favoriserait aussi la consommation. Toutefois, il ne mentionne aucune action suisse précise ni aucun secteur qui profiterait particulièrement de ce scénario.

Cela montre que les effets indirects d'un cessez-le-feu sur le marché suisse sont difficiles à mesurer. Une amélioration globale du sentiment devrait toucher de nombreux secteurs, sans créer de grands gagnants individuels. Pour les investisseurs, cela signifie qu’une hausse générale mais modérée des actions suisses est plus probable qu’une envolée spectaculaire de certaines entreprises.

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