Rémy Pagani, l’ex-maire le plus à gauche de Genève, est habitué des coups politiques et militants. Prochain en date, son parti Union populaire vient d’annoncer que le remuant septuagénaire sera présent sur un bateau de la Global Sumud Flotilla, qui devrait partir dans les prochaines semaines pour Gaza afin de «briser le blocus israélien illégal».
Lancé en juillet, ce mouvement fait suite à l’épopée très critiquée de la flottille de la liberté, un voilier avec à son bord la militante Greta Thurnberg et l’eurodéputée de La France Insoumise (LFI) Rima Hassan. L’objectif est d’augmenter le nombre d’embarcations et de personnes engagées pour espérer apporter de l’aide humanitaire par voie maritime.
Des activistes venus de plus de quarante pays, dont la Suisse, entendent prendre le large. Parmi eux se trouve le médecin valaisan Hicham El Ghaoui, déjà présent en Egypte pour la Global march to Gaza.
Ancien d’Ensemble à Gauche (EàG), Rémy Pagani est récemment passé devant la justice pour avoir pénétré dans un appartement vacant afin d’y faire des rénovations. La police était intervenue et il avait été condamné à 20 jours-amendes avec sursis pour cette opération militante. Devenu depuis candidat à l’élection complémentaire au Conseil d’Etat qui aura lieu le 28 septembre pour remplacer le démissionnaire écologiste Antonio Hodgers, le Genevois a répondu aux questions de Blick.
Rémy Pagani, cet automne, vous êtes candidat au Conseil d’Etat. Cette annonce d’un départ pour Gaza n’est-elle pas une prise de distance avec les enjeux des Genevois?
Pas du tout! Le génocide à Gaza est un enjeu pour le monde entier. Je dirai même que cela concerne particulièrement les Genevois et les Genevoises. Je vous rappelle que nous avons 36’000 emplois dans le secteur humanitaire. En ce moment, ils sont remis en cause par la situation géopolitique internationale. Les licenciements ces derniers mois sont catastrophiques. La position suisse sur Gaza est insuffisante, surtout au vu de la longue suspension des contributions à l’UNWRA.
Pour vous, le positionnement du Conseil fédéral sur Gaza nuit à Genève…
La Genève internationale est ébranlée dans ses fondements et ce ne sont pas les 100 millions de la Confédération qui vont apporter une solution. Nous avons dans notre ADN les Conventions de Genève, que la Suisse a ratifiées et qu’il faut faire respecter. Ignazio Cassis devrait être à mes côtés, sur ce bateau, pour ouvrir le blocus humanitaire.
Pourquoi vous engager sur une flottille qui ambitionne de «briser le blocus israélien illégal»?
Pour moi, ce serait manquer de courage et de responsabilité citoyenne de ne pas le faire. J’ai des liens étroits avec la Palestine et ce qu’elle représente. Depuis dix ans, je fais partie de la Fondation «Les instruments de la paix-Genève», qui subventionne des professeurs donnant des cours simultanément à des enfants israéliens et palestiniens. Et je suis de cette génération d’après-guerre, traumatisée par les exactions hitlériennes. Par exemple par le Ghetto de Varsovie, imposé aux juifs par les Nazis.
Ce que vous sous-entendez, c’est que l’Histoire se répète?
La situation à Gaza est du moins comparable. La législation internationale désigne la famine comme crime de guerre et crime contre l’humanité. Il y a une population qu’on affame et rien ne se passe. C’est pourquoi il faut que la population civile se mobilise. Notre bateau sera rempli de lait infantile et de purificateurs d’eau.
Vous êtes déjà allé en Israël et en Palestine pour vos convictions politiques. A quoi vous attendez-vous cette fois?
Je m’attends à ce que notre centaine d’embarcations pleines de produits alimentaires mette l’État d’Israël une nouvelle fois devant un choix: celui de la barbarie ou de l’humanitaire. Y aura-t-il rapt de tous ces citoyens du monde ou ouverture d’un couloir humanitaire? J’espère qu’Israël fera le choix d’appliquer le droit international.
Est-ce que vous savez seulement faire du bateau?
Oui, je sais faire du bateau. Je sais naviguer à la voile et je me décrirais même comme un bon nageur.
Après avoir été condamné pour violation de domicile, vous essayez donc de forcer le passage pour Gaza…
Je suis dans la plus parfaite des légalités. La loi internationale me protège et nous protège tous et toutes. Par ailleurs, on ne peut pas dire que j’ai été condamné pour être «entré dans un appartement». C’était une action politique en faveur du logement et j’ai fait recours contre cette décision.