La paix reste encore lointaine. Mais, pour la première fois depuis le déclenchement de la guerre d'agression russe en Ukraine il y a près de trois ans et demi, un véritable processus de négociation impliquant toutes les parties prenantes semble prendre forme.
Vendredi, en Alaska, le président américain Donald Trump a rencontré Vladimir Poutine. Cette entrevue a été suivie à Washington d'une réunion élargie avec Volodymyr Zelensky et plusieurs dirigeants européens lundi 18 août. Quelles avancées concrètes ont été enregistrées à l’issue de ce sommet? Et quelles zones d’ombre ou de frictions subsistent encore?
Une rencontre Poutine-Zelensky en préparation?
Il semblerait que oui. Le président américain Donald Trump a annoncé lundi «commencer les préparatifs» d'une rencontre entre ses homologues ukrainien Volodymyr Zelensky et russe Vladimir Poutine. Le président américain a précisé sur sa plateforme Truth Social que la rencontre, en un lieu et une date qui restent à déterminer, serait suivie d'une réunion à trois avec lui-même, visant à mettre fin à trois ans et demi de conflit, déclenché par l'invasion russe.
Le président russe a convenu de cette future rencontre, qui devrait se produire dans les deux semaines à venir, lors d'un entretien téléphonique avec son homologue américain, a fait savoir le chancelier allemand Friedrich Merz. Mais pour l'heure, rien n'est encore fixé, le Kremlin n'a pas confirmé de sommet présidentiel. De son côté, Volodymyr Zelensky s'est dit «prêt» à une rencontre bilatérale avec Vladimir Poutine.
L'homme fort du Kremlin s'est déjà déclaré prêt à rencontrer son homologue ukrainien. Toutefois, il a toujours soumis ces réunions à des conditions strictes. Au printemps dernier, Poutine n'avait pas daigné se déplacer en Turquie pour rencontrer Zelensky.
Quelles garanties de sécurité pour l’Ukraine?
Les «garanties de sécurité» désignent des engagements contraignants pris par des Etats ou des organisations internationales pour protéger un pays face aux menaces extérieures. Trump a déclaré sur les réseaux sociaux que les réunions avaient été fructueuses et que les dirigeants avaient discuté de «garanties de sécurité pour l'Ukraine, qui seraient fournies par les différents pays européens, en coordination avec les Etats-Unis». Mais concrètement, le fond reste flou.
Dans le cas de l’Ukraine, plusieurs pistes sont discutées. La première s’inspire directement de l’article 5 de l’OTAN, qui prévoit qu’une attaque contre un allié est considérée comme une attaque contre tous. Les dirigeants européens font pression en ce sens sur Donald Trump. «Nous leur donnerons une très bonne protection et une très bonne sécurité», a déclaré le président américain au sujet de l'Ukraine.
L’autre piste concerne justement la présence de forces de réassurance ou de maintien de la paix. Trump n'a pas répondu à la question de l'envoi éventuel de troupes américaines dans le cadre d'une opération de maintien de la paix. Il s'est contenté de dire que les Etats-Unis «aideraient». Le président français Emmanuel Macron a évoqué des «forces de réassurance en mer, dans les airs et au sol» mises à disposition par les alliés de l’Ukraine. Le Premier ministre britannique Keir Starmer a déclaré que les négociations sur les garanties de sécurité de l'Ukraine entre les Etats-Unis et les principaux alliés européens se poursuivraient ce mardi.
Quelle est la position de Moscou?
Après sa rencontre avec Donald Trump en Alaska, Vladimir Poutine a également mentionné des garanties de sécurité pour l’Ukraine, sans entrer dans les détails. Le jour même, le ministère russe des Affaires étrangères a réaffirmé son opposition catégorique au déploiement de troupes de l’OTAN en Ukraine, même sous mandat de maintien de la paix. Une telle présence, a averti Moscou, ferait courir le risque d'une escalade pouvant déboucher sur une confrontation mondiale.
Un cessez-le-feu avant toute négociation?
L’incertitude demeure totale et c'est une des notes les plus discordantes de la réunion de lundi. Donald Trump avait initialement exigé un cessez-le-feu immédiat. Mais après sa rencontre avec son homologue russe vendredi, qui n’a montré aucun signe de concession sur ce point, le président américain avait abandonné samedi toute exigence d'un cessez-le-feu préalable en Ukraine. Il prône désormais un «accord de paix» pour mettre fin au conflit.
«Demander une trêve ou un cessez-le-feu, au moins pour arrêter les tueries, comme nous en avons discuté, est une nécessité», a plaidé Emmanuel Macron en direct de la Maison Blanche. En présence de Donald Trump, Volodymyr Zelensky et d'autres dirigeants européens, le chancelier allemand a également insisté sur la nécessité d'une trêve préalable aux négociations d'un accord de paix sur l'Ukraine. «Je ne peux pas imaginer que la prochaine réunion ait lieu sans un cessez-le-feu, travaillons en ce sens et essayons de mettre la pression sur la Russie.»
La question des territoires occupés
Moscou continue d’exiger que Kiev reconnaisse la perte de ses territoires comme condition préalable à un cessez-le-feu. Les régions de Lougansk, Donetsk, Zaporijia et Kherson ont été intégrées à la Constitution russe en 2022. Dans un mémorandum, la Russie a proposé le retrait complet des forces ukrainiennes de Lougansk et Donetsk, encore partiellement contrôlés par Kiev. La région de Donetsk inclut les villes stratégiques de Kramatorsk et Sloviansk, que l’Ukraine refuse de céder.
Certaines spéculations évoquent un scénario où Moscou abandonnerait les parties occupées des régions de Soumy, Kharkiv, Dnipropetrovsk et Mykolaïv en échange du contrôle total de Louhansk et Donetsk. Le sort de Zaporijia et Kherson reste flou: la Russie contrôle plus de 50% de ces territoires, mais Kiev garde encore la main sur les capitales régionales.
Volodymyr Zelensky a répété que la Constitution ukrainienne interdisait toute cession ou échange de territoires sans un référendum national. Il a insisté pour discuter directement avec Vladimir Poutine d'éventuelles concessions territoriales. Les alliés européens, de leur côté, rappellent que seule l’Ukraine peut décider d'un éventuel compromis territorial.
Les Européens partagés entre espoir et prudence
Au sortir du sommet, un certain soulagement était perceptible. «Mes attentes ont non seulement été comblées, mais même dépassées», a déclaré Friedrich Merz, tout en reconnaissant que la rencontre aurait pu tourner autrement.
Mais d’autres voix ont tempéré l’optimisme. Le président finlandais Alexander Stubb a déclaré à CNN que les objectifs stratégiques de Vladimir Poutine restaient inchangés: transformer la Russie en superpuissance, diviser l’Occident et priver l’Ukraine de sa souveraineté. «Il veut affaiblir notre unité», a averti le dirigeant finlandais, dont le pays partage une frontière directe avec la Russie.
Emmanuel Macron a pour sa part qualifié le patron du Kremlin de «prédateur, un ogre à nos portes» qui «a besoin de continuer de manger pour sa propre survie». Il a appelé les Européens à «ne pas être naïfs» face à une Russie devenue «durablement une puissance de déstabilisation».