Comment négocier avec Donald Trump? Cette question reste entière pour la Suisse, malgré la baisse annoncée des droits de douane américains sur les produits importés helvétiques, de 39% à 15%. Oui, la Confédération est sortie du tunnel commercial dans laquelle la gifle trumpiste du 1er août menaçait de la coincer. Oui, les six grands patrons suisses reçus par Trump dans son Bureau ovale le 5 novembre, ont su faire la différence. Mais maintenant, comment va-t-on gérer la suite?
La Suisse n’avait rien vu venir
Voilà ce qui ne disparaitra pas du paysage. Dans l’histoire des relations commerciales et diplomatiques entre la Confédération et les Etats-Unis, le 1er août 2025 demeurera un jour noir. Qui avait prédit cette gifle dans les milieux économiques? Personne. Qui pensait que la Suisse obtiendrait d’emblée un traitement similaire, voire plus favorable que l’Union européenne? Presque tout le monde.
Cette incapacité à anticiper le choc des 39% peut donc donner des idées à pas mal d’interlocuteurs de la Suisse, lorsqu’ils négocieront avec Berne. Taper fort est une stratégie qui peut payer, d’autant plus avec les Helvètes qui ont les moyens de débourser davantage, sous une forme ou sous une autre.
La Suisse a privatisé sa diplomatie
Guy Parmelin peut être satisfait. Mais en termes d’image, le spectacle des six patrons suisses dans le Bureau ovale, accompagné de cadeaux dont un lingot d’or dédicacé, ne devrait pas nous réjouir. La Suisse, qui abrite le siège de l' Organisation mondiale du commerce à Genève, a donc privatisé sa diplomatie commerciale. Que peuvent faire alors les autres «petits pays» qui n’ont pas de patrons influents à envoyer à Washington?
On peut bien sûr arguer du fait que seul compte le résultat. Mais le prix des 15% pourrait bien être désastreux en termes de relations publiques. Vous imaginez la question posée, en coulisses, aux négociateurs helvétiques par les Chinois, le Japonais ou les Européens? «Au fait, vous avez pensé aux lingots et à nos Rolex?»
La Suisse a été moins bien traitée que l’UE
Nous l’avions écrit dans Blick. Le coup de massue porté par les 39% aux exportateurs suisses et à l’image du pays, avaient de quoi réjouir les 27 pays membres de l’Union européenne. Pas question, pour eux, que la Confédération obtienne d’emblée un meilleur traitement! Au final, la Suisse obtient 15% comme l’UE lors de la rencontre le 28 juillet entre Ursula Von der Leyen et Trump à Turnberry, sur le golf écossais du président des Etats-Unis. Mais pendant quatre mois, quelle débâcle! Quel spectacle! Il y a un zeste d’humiliation helvétique dans l’air. Et Bruxelles rigole.
La Suisse devrait se méfier
Pourquoi se méfier? Parce que l’histoire est loin d’être terminée. Si l’on compare les communiqués suisses et américains sur le «deal» rendu public le 14 novembre, les versions sont sacrément différentes. Donald Trump, lui, a crié victoire. Et il ne va pas se priver, maintenant, d’exiger les 200 milliards de dollars d’investissements promis aux Etats-Unis. 200 milliards seulement? Ou bien peut-on s’attendre, comme pour les F35, à une facture alourdie au fil des mois? Qui va maintenant oser dire non, si Trump et son émissaire commercial Jamieson Greer haussent le ton et imposent des surcoûts?
La Suisse n’a pas d’alternatives
C’est simple. C’est clair. Et ça fait mal. Les exportateurs suisses ne peuvent pas remplacer le juteux marché américain. Point. Tout le monde l’a compris, à commencer par les Etats-Unis. Cela veut dire que les pharmas et les banques, trés exposées à ce marché, peuvent craindre le pire. A tout moment, la foudre américaine peut retomber, maintenant que Trump est convaincu de la vulnérabilité helvétique. Réalisme des relations commerciales? Sans doute. Mais alors, où est notre souveraineté?