Le parti d'extrême droite Chegapor, qui a obtenu 60 sièges dans un Parlement portugais largement à droite selon les résultats définitifs des législatives publiés mercredi, est devenu officiellement le premier parti d'opposition au Portugal, un tournant dans le paysage politique du pays.
«Le Portugal s'aligne sur une tendance européenne et internationale», celle d'un «vote protestataire» et «anti-système», reconnaît la politologue Paula Espirito Santo de l'Institut supérieur des sciences sociales et politiques de l'Université de Lisbonne (ISCSP).
Créé il y a tout juste six ans, Chega (Assez) a franchi pour la première fois la barre des 20% des suffrages lors des législatives anticipées du 18 mai.
Grâce à sa victoire dans deux des quatre circonscriptions de l'étranger, annoncée mercredi, Chega obtient 22,76% des voix et compte 60 députés, contre 50 lors de la mandature précédente. Il devance le Parti socialiste (22,83%, 58 sièges) et s'impose comme première force d'opposition face à l'Alliance démocratique de centre droit, qui a remporté le scrutin avec 31,79% des voix et 91 sièges, loin de la majorité absolue.
«C'est une grande victoire», s'est félicité mercredi soir le leader du parti d'extrême-droite André Ventura, affirmant que ce résultat «marque un changement profond dans le système politique portugais». Avec la perte de près de 860'000 voix depuis les élections de janvier 2022, quand il avait obtenu la majorité absolue, le PS apparaît comme le grand perdant de ce scrutin.
Ce résultat annonce-t-il pour autant un changement structurel durable du paysage politique portugais? «Il faut attendre pour avoir des réponses», estime auprès de l'AFP la politologue Filipa Raimundo, professeure de Sciences politiques à l'Institut universitaire de Lisbonne ISCTE.
«Chega est là pour un bon moment»
Contrairement à d'autres pays européens où le déclin de la gauche «s'était produit après la crise» financière de 2008, au Portugal, le PS «avait réussi à capitaliser sur le sentiment anti-austérité», contre les mesures mises en oeuvre pour surmonter la crise de la dette, rappelle-t-elle.
«Il y a effectivement un mouvement de fond», estime de son côté Paula Espirito Santo. «On ne peut pas dire que Chega reculera dans les prochaines années (...), Chega est là, a priori, pour durer encore un bon moment».
«Nous ne pouvons peut-être pas considérer que tous les électeurs de Chega sont d'extrême droite, mais ils adhèrent certainement à certaines des solutions radicales et anti-systèmes que Chega propose - peut-être aussi en raison de l'usure de la capacité des partis traditionnels à répondre aux attentes», pointe-t-elle.
Pour l'instant l'avenir du PS «n'est pas prévisible», juge Paula Espirito Santo rappelant que le prochain grand test du parti se jouera lors des élections municipales à l'automne, avec à sa tête un nouveau leader. Le parti est aujourd'hui en pleine réorganisation depuis la démission de son secrétaire général Pedro Nuno Santos après les dernières élections. Le seul candidat aujourd'hui déclaré pour les élections internes des 27 et 28 juin est José Luis Carneiro, 53 ans, un ancien ministre de l'Intérieur.
Il s'est déjà engagé à «tout mettre en oeuvre pour la stabilité du pays» se positionnant comme «un partenaire de dialogue» si la coalition de centre-droit qui a remporté les élections fait «un premier pas». A l'autre bout du spectre politique portugais, le leader de Chega a, lui, appelé le Premier ministre sortant Luis Montenegro, qui a toujours refusé de dialoguer avec l'extrême droite, à «couper avec le PS».
Empêtré dans des soupçons de conflit d'intérêt, Luis Montenegro s'était soumis à un vote de confiance, mais son échec avait contraint le président Marcelo Rebelo de Sousa à dissoudre l'Assemblée et convoquer de nouvelles élections.
La victoire, même sans majorité absolue, de sa coalition, devrait en toute logique pousser le président portugais à le nommer de nouveau au poste de chef de gouvernement. Marcelo Rebelo de Sousa, qui a déjà consulté les partis la semaine dernière, va recevoir une nouvelle fois les principales formations politiques dès jeudi avant de désigner le nouveau Premier ministre, peut-être dès jeudi soir.