Donald Trump a déjà présenté la première facture. Juste avant de s’envoler pour son sommet avec Vladimir Poutine, ce vendredi 15 août à Anchorage (Alaska), le président des Etats-Unis s’est félicité depuis son bureau ovale d’avoir déjà reçu un milliard d’euros de commandes d’équipements militaires pour l’Ukraine. Et d’en attendre un milliard de plus. Le payeur? Les pays européens membres de l’OTAN.
Cette facture, quelle que soit l’issue du face-à-face de plusieurs heures entre Trump et Poutine, va sans doute augmenter pour les Européens. Absents de la table de discussions, mais rassurés par les déclarations du président américain qui leur a promis de concentrer ses efforts sur l’obtention d’un cessez-le-feu, les principaux alliés continentaux de l’Ukraine devront dans tous les cas passer à la caisse. Soit pour l’envoi en Ukraine d’une force de réassurance afin de garantir l’éventuel arrêt des combats. Soit pour renforcer militairement l’armée ukrainienne – en augmentant leurs livraisons et l’achat d’armes américaines – en cas d’échec du sommet, et de poursuite des opérations à un moment où l’armée russe, après sa percée d’une dizaine de kilomètres cette semaine, apparaît en position de force.
L’autre facture que les Européens vont devoir payer est celle qu’une éventuelle réconciliation économique entre la Russie et les Etats-Unis, traduite par une levée au moins partielle des sanctions américaines en vigueur, va entraîner.
Point 1: L’Union européenne et ses alliés (dont la Suisse) devront très vite décider, ou non, de maintenir leurs propres sanctions contre la Russie, et de voter ou non un 19e paquet de mesures en septembre, comme cela est prévu. Problème: s’ils le font et que les Etats-Unis desserrent au contraire leur étau, l’efficacité de leur dispositif sera moindre. La Russie pourra davantage exporter et signer des contrats. Avec, aux premières loges, des compagnies américaines.
Point 2: Les Européens risquent, si Trump et Poutine s’entendent, de voir aussi leurs ex-actifs russes vendus pour une bouchée de pain après le déclenchement des hostilités le 24 février 2022, passer dans des mains Américaines, Turques, ou autres. Ce serait, pour le secteur privé européen, la pire des punitions: voir les Etats-Unis et les pays qui n’appliquent pas les sanctions rafler la mise économique sous leurs yeux.
Point 3: Donald Trump n’a pas l’intention d’oublier, après le sommet avec Poutine, la promesse des Européens de lui acheter pour 750 milliards d’euros d’importations énergétiques, en particulier sous forme de gaz liquéfié. Cette promesse fait partie du deal commercial acté le 7 août à Turnberry, sur son golf écossais. Ce, au moment où le gaz russe pourrait revenir sur le marché. Pas terrible comme «deal».
Point 4: Il est hors de question pour Donald Trump, en cas d’échec du sommet et de refus de la Russie d’arrêter ses opérations militaires, que son administration paye pour l’Ukraine. Le fardeau de l’aide à ce pays, militaire et budgétaire, reposerait alors encore plus dans les mois à venir sur l’Union européenne. Pour mémoire, les Etats-Unis ont accordé 114,1 milliards d’euros d’aides à l’Ukraine entre le 22 février 2022 et le 31 décembre 2024. C’est trois fois moins que le montant de 350 milliards de dollars évoqué par Donald Trump. En clair: les Européens devront verser 40 milliards d’euros supplémentaires par an.
La dernière facture est politique. Le bon scénario pour les Européens est évidemment que Trump obtienne un cessez-le-feu, et qu’une prochaine réunion se tienne entre Trump, Poutine, Zelensky, et peut-être des représentants de l’UE. Lesquels seront conviés «ou pas» selon Trump.
Le scénario le plus douloureux serait celui d’un échec qui verrait ensuite les Etats-Unis se laver les mains de la suite du conflit. Tout en gardant la mainmise sur les terres rares ukrainiennes, comme prévu dans l’accord signé en mai entre Washington et Kiev.
Le sommet en Alaska sera peut-être celui du dégel. Mais pour les alliés européens de l’Ukraine, la pente à gravir restera rude. Jusqu’à l’intégration future de ce pays dans l’Union, contre laquelle les électeurs de plusieurs grands pays membres risquent de se braquer.