Donald Trump ne veut pas finir l’année 2025 sans un accord avec la Russie. À Washington, tous les familiers du président américain et de son émissaire Steve Witkoff le disent: c’est, pour le locataire de la Maison-Blanche, «une question de jours». Exactement ce que prédisait, au début de décembre, l’ex-envoyé spécial pour l’Ukraine, le général Keith Kellogg, démissionnaire: «Un accord de paix est très proche. Il reste quelques mètres», avait-il déclaré. Tout cela, bien sûr, parce que Volodymyr Zelensky n’a pas d’autre choix que de reculer. Ce qu’il a fait avec ces cinq concessions majeures.
Ce 10 décembre, Volodymyr Zelensky a tranché. Sous pression américaine, le président ukrainien s’est dit «prêt à organiser» une élection présidentielle. A une condition toutefois: que les alliés de l’Ukraine assurent la sécurité du scrutin, ce qui supposerait, a priori, un déploiement de forces internationales dans le pays ou à son immédiate proximité.
Autre concession démocratique: la possibilité d’organiser un référendum sur l’avenir du Donbass, cet «oblast» (région) que l’armée russe n’occupe qu’à 70%, mais que la Russie a déjà annexé par un vote de la Douma le 28 septembre 2022. Dans les deux cas, le chef de l’Etat ukrainien démontre qu’il ne craint pas les urnes. Mais il sait aussi pertinemment que la pression sur les électeurs sera énorme.
Jusque-là, Volodymyr Zelensky maintenait coûte que coûte le désir de l’Ukraine d’adhérer à l’OTAN. Il avait même proposé, en février 2025, de quitter le pouvoir en échange de l’intégration de son pays à l’Alliance atlantique, qui regroupe 32 pays membres dont les États-Unis (mais pas la Suisse). Aujourd’hui, plus question de l’OTAN. Dans un entretien à la chaîne américaine ABC News, le président ukrainien a reconnu que la perspective de voir l’Ukraine adhérer à l’Alliance est «irréaliste».
Pour mémoire, les points 7 et 8 du plan en 28 points présenté par les Etats-Unis le 21 novembre tranchaient ce sujet. Point 7: «L’Ukraine accepte d’inscrire dans sa Constitution qu’elle ne rejoindra pas l’OTAN, et l’OTAN accepte d’inclure dans ses statuts une disposition spécifiant que l’Ukraine ne sera pas intégrée à l’avenir». Point 8: «L’OTAN accepte de ne pas stationner de troupes en Ukraine.»
Volodymyr Zelensky n’a pas encore nommé le remplaçant de son chef de cabinet démissionnaire, Andryii Yermak, contraint de lâcher prise en raison du scandale de corruption impliquant un oligarque proche du président, Timour Minditch. Les ministres de la Justice et de l’Énergie, pour rappel, avaient été limogés après la révélation du détournement d’environ 100 millions de dollars autour de contrats énergétiques fallacieux. Yermak, présent aux côtés de Zelensky depuis son élection à la présidence en 2019, a démissionné le 28 novembre.
Et depuis, le suspense règne, ce qui fragilise le sommet de l’Etat. Quatre noms ont été dévoilés par Zelensky: celui du ministre de la Défense Denys Smyhal, celui du chef du renseignement militaire Kyrylo Budanov, celui du ministre du Numérique Mykhailo Fedorov et celui de Serguei Kyslytsa, l’un des chefs négociateurs. Question: le choix final est-il dans les mains de Washington?
Volodymyr Zelensky ne l’a pas encore formellement accepté. Il continue de dialoguer au plus près avec les leaders européens, qui devraient se réunir à nouveau ce week-end pour apporter une réponse aux propositions américaines, dans la perspective du sommet des dirigeants des 27 à Bruxelles, le 18 décembre. Dans les faits, en revanche, le président ukrainien a fini par courber l’échine devant les exigences du président des Etats-Unis, qui a exigé de tenir ses alliés en dehors des pourparlers de ces derniers jours en Floride.
Selon plusieurs sources, les négociateurs ukrainiens envoyés de l’autre côté de l’Atlantique se sont retrouvés sous une pression intense pour ne pas communiquer avec les Européens. Zelensky a besoin de la solidarité sans faille de l’Europe. Mais Trump veut que les Européens lui obéissent, c’est tout. La preuve: il a donné son accord à l’intégration de l’Ukraine dans l’UE. Alors que ce n’est absolument pas dans ses prérogatives.
185 milliards d’euros d’actifs de la banque centrale russe sont toujours immobilisés, depuis l’assaut du 24 février 2022, dans le système de compensation Euroclear basé à Bruxelles. L’objectif déclaré, pour les grands pays européens – à commencer par l’Allemagne et la France – est d’obtenir que ceux-ci soient utilisés en garantie pour un prêt de 140 milliards à l’Ukraine, ce qui revient de facto à préempter leur utilisation future.
Or la Belgique, sur le sol de laquelle se trouve Euroclear, ne veut toujours rien entendre par peur des rétorsions russes. Et Donald Trump, lui, en réclame une partie, comme cela est évoqué au point 14 du plan présenté en novembre à Genève: «Quelque 100 milliards de dollars d’actifs russes gelés seront investis dans les projets menés par les États-Unis pour reconstruire l’Ukraine et y investir, les États-Unis recevant 50% des bénéfices de l’initiative.» Selon différentes sources, Volodymyr Zelensky serait maintenant prêt à un tel «deal». Après les «terres rares» ukrainiennes, sur lesquelles les Etats-Unis entendent bien faire main basse après l’accord du 30 avril 2025, le magot russe sera aussi réquisitionné par Washington.