Réunion ce lundi à Londres
Et si les Européens finissaient aussi par abandonner l'Ukraine?

Volodymyr Zelensky est accueilli à Londres ce lundi par ses alliés européens Keir Starmer, Emmanuel Macron et Friedrich Merz. Officiellement: pour le soutenir face à Trump. Et si ce n'était pas si vrai?
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Les dirigeants européens reçoivent ce lundi 8 décembre Volodymyr Zelensky à Londres.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Les dirigeants européens sont-ils hypocrites vis-à-vis de l’Ukraine? Sont-ils vraiment capables, si Donald Trump et Vladimir Poutine tombent d’accord à l’arraché avant la fin de l’année sur un plan de paix, d’empêcher que le président des Etats-Unis l’impose à Volodymyr Zelensky, qu’ils reçoivent ce lundi 8 décembre à Londres. Autour de la table? Emmanuel Macron, Friedrich Merz et Keir Starmer. Un trio de dirigeants prêt à aller jusqu’au bout pour permettre à Kiev de tenir, vraiment?

La réalité est plus contrastée. Sur le plan politique et diplomatique, la fermeté est bien sûr au rendez-vous. Le président français a ainsi promis, juré, que la question des 200 milliards d’avoirs de la banque centrale russe gelés au sein de la caisse de compensation Euroclear basée à Bruxelles sera réglée lors du dernier sommet des 27 le 18 décembre. 

Sauf que la Belgique, qui les détient sur son sol, n’est toujours pas d’accord. Et que la Banque centrale européenne (BCE) a refusé par avance, la semaine dernière, de garantir le prêt de 140 milliards d’euros à l’Ukraine qui serait gagé sur ses avoirs. Alors?

Capacité de riposte

Autre question cruciale: leur capacité de riposte au cas où le président des Etats-Unis conclut un «deal» avec Poutine. Ces derniers jours, l’ex-envoyé spécial de Trump pour l’Ukraine, le général Keith Kellogg (sa démission est annoncée pour janvier et il est déjà remplacé par le secrétaire à la guerre Dan Driscoll) a parlé de «quelques dizaines de mètres» à parcourir encore pour arriver à un «deal». 

Il a cité, comme derniers obstacles, les concessions territoriales demandées à l’Ukraine dans la région de Donetsk (où leur bastion de Pokrovsk est tombé) et la gestion de la centrale nucléaire de Zaporijia. Il faut donc être, côté européen, prêt à réagir tout de suite. Or les interlocuteurs de Zelensky ne le sont pas. Sur le plan militaire par exemple, aucun d’entre eux, y compris la France, n’est prêt à déployer des troupes pour une force de «réassurance» sans le feu vert et le soutien de Trump.

Pourquoi alors évoquer le risque de «trahison sur la question territoriale» comme l’a fait Macron à propos de Trump, dans une conversation téléphonique avec le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le chancelier allemand Friedrich Merz, selon «Der Spiegel»? Si «trahison» il y a, alors il faut agir. 

Or un troisième volet pose problème aux Européens: l’aide financière indispensable à l’Ukraine pour 2026 et 2027. La présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen a proposé, le 3 décembre, un plan de 90 milliards d’euros. Il couvrirait les deux tiers des besoins du pays. Sauf que si le prêt basé sur les actifs russes gelés déraille, la décision sera très difficile à prendre de la part de pays déjà tous (ou presque) largement endettés.

«Abandonner» l’Ukraine?

Dernier sujet qui pourrait conduire à «abandonner» l’Ukraine: la question du gaz russe. Ce même 3 décembre, la Commission européenne a confirmé son intention de mettre fin définitivement à ses importations énergétiques en provenance de Russie à partir de 2027, après accord avec le Parlement européen. 

«Cette décision historique mettra fin à la dépendance de l’UE vis-à-vis d’un fournisseur peu fiable, qui a à plusieurs reprises déstabilisé les marchés énergétiques européens, mis en danger la sécurité d’approvisionnement par le chantage énergétique et nui à l’économie européenne. La suppression complète des combustibles fossiles russes constitue une étape essentielle pour garantir l’indépendance énergétique, la compétitivité, la résilience et la stabilité du marché en Europe». Soit.

Le gaz russe

Mais quand? Pour l’heure, la France demeure le troisième plus grand acheteur d’énergie russe en Europe. La Hongrie et la Slovaquie bénéficient de dérogations qu’elles ne veulent pas voir remises en cause. «C’est un problème à l’échelle européenne», estime l’influent média américain «Politico». Les dirigeants offrent leur «engagement indéfectible et leur solidarité avec l’Ukraine». 

En théorie. En pratique, le continent parvient rarement à s’accorder — encore moins à agir — pour faire les choix et les sacrifices nécessaires pour aider son voisin. Si la guerre s’étend, c’est l’Europe qui se retrouvera dans la ligne de mire de Moscou. Cela rend les tentatives de ses dirigeants de moraliser sur les actions de l’Amérique encore plus étranges.

Conclusion de «Politico» : «Le président américain a la mauvaise habitude de traiter ses alliés avec moins d’amabilité que ses adversaires, mais il comprend aussi la réalité brutale de l’exercice du pouvoir. Les paroles sont bon marché, et les Européens sont riches. Ils peuvent faire mieux».

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