Déjeuner ce lundi avec Macron
Dernière chance pour Zelensky qui arrive en Europe?

Empêtré dans un nouveau scandale de corruption, le président ukrainien est aussi confronté sur le front à une poussée militaire russe sans précédent. Les dirigeants européens qu'il va rencontrer s'interrogent de plus en plus.
Publié: 09:37 heures
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Emmanuel Macron entend rester le leader européen de l'aide à l'Ukraine.
Photo: keystone-sda.ch

Volodymyr Zelensky est-il en train de devenir un allié encombrant pour les Européens? Officiellement, non. Avant de le recevoir ce lundi 17 novembre à partir de 10 heures, de l’accompagner sur la base aérienne de Villacoublay près de Paris et de déjeuner avec lui, Emmanuel Macron a fait savoir que la France demeure fermement engagée aux côtés de l’Ukraine en guerre. Pas question, donc, de lâcher le président ukrainien alors que la poussée russe sur le front menace de faire craquer les défenses du pays assiégé depuis le 24 février 2022.

Sauf que derrière l’image officielle de l’entente parfaite, les fissures sont aujourd’hui impossibles à cacher. Fissure dans la confiance d’abord, après les révélations sur le dernier scandale de corruption au sommet de l’Etat à Kiev. Il y a pile une semaine, le Bureau national ukrainien de lutte contre la corruption (NABU) et le Bureau du procureur spécialisé dans la lutte contre la corruption (SAPO) ont annoncé qu’ils avaient découvert un système de corruption à grande échelle dans le secteur de l’énergie. Et ce, alors que toutes les grandes villes ukrainiennes sont, pendant la nuit, plongées dans l’obscurité et le froid en raison des pannes d’électricité dues aux frappes russes sur les infrastructures énergétiques…

Garder confiance en Zelensky

Comment, en effet, garder confiance dans l’administration Zelensky alors qu’un oligarque réputé proche du président, Timour Minditch, est au centre de ce scandale. En pleine guerre, le train de vie de celui-ci, avec toilettes en or massif et placards remplis de billets de banque, est devenu le symbole de ce que beaucoup d’Ukrainiens dénoncent au quotidien: la prédation qui se poursuit, avec pour cible les millions d’euros de l’aide internationale et européenne, détournés par ceux qui sont supposés l’utiliser pour faire tenir le pays face à l’armée russe. Preuve symbolique de l’importance de ces malversations, l’enquête qui a permis de les révéler a pour nom de code «Opération Midas», d’après le roi Midas du mythe grec, qui transformait en or tout ce qu’il touchait.

La seconde raison d’une défiance croissante envers Volodymyr Zelenksy est le doute qui s’installe sur la véracité des informations militaires reçues de Kiev. A Paris, Emmanuel Macron promet, pour sa neuvième rencontre avec son homologue ukrainien, de confirmer l’engagement pro-ukrainien des industriels français de l’armement. La lutte antidrones et un accord sur la défense antiaérienne de l’Ukraine seront au cœur des entretiens officiels. Une visite à Paris de l’Etat-Major de la «coalition des volontaires» (qui réunit trente pays alliés à Kiev) est aussi au programme.

Le front en train de céder?

Reste le doute tactique: le front est-il en train de céder du côté de Pokrovsk, dans le Donbass, devant des Russes résolus à obtenir des avancées maximales pour imposer leurs conditions lors d’éventuelles futures négociations. «Nous avons été intoxiqués par une sorte de narration qui était une dynamique de victoire côté ukrainien, parce qu’on la souhaitait, le front craque», répète, dans ses vidéos très suivies, le journaliste Régis Le Sommier qui, depuis le début du conflit, est l’un des rares à se rendre régulièrement dans les territoires ukrainiens conquis et contrôlés par Moscou.

Un handicap majeur bride en plus les Européens dans leur soutien à l’Ukraine: le refus toujours net de la Belgique d’accepter la saisie des 193 milliards d’euros d’actifs de la banque centrale russe, gelés depuis l’assaut du 24 février 2002. Pour le Premier ministre belge, inquiet d’une riposte russe sur son pays où se trouve Euroclear, l’institution où ces actifs sont déposés, la réponse est «Niet». Idem pour la directrice générale d’Euroclear, Valérie Urbain, ulcérée par le plan du chancelier allemand de créer un mécanisme pour prêter 140 milliards d’euros à l’Ukraine en s’appuyant sur les avoirs russes gelés, mais sans les confisquer.

Rendez-vous à Bruxelles en décembre

Cette proposition sera rediscutée lors du prochain sommet des 27 pays membres de l’Union à Bruxelles, les 18 et 19 décembre. Or si le véto belge perdure, l’argent européen pourrait commencer à manquer. Ce dont Donald Trump profitera à coup sûr, lui qui réclame depuis le début un durcissement des sanctions européennes pour mettre davantage la Russie sous pression.

La Belgique va-t-elle céder? Son Premier ministre, le nationaliste flamand Bart De Wever, politiquement proche de Trump, va-t-il se rendre aux arguments de Washington? Les mesures prises par le président ukrainien contre l’homme d’affaires Timour Minditch, considéré comme son ami, vont-elles convaincre Bruxelles de la détermination anticorruption de son gouvernement?

Intégration européenne de l’Ukraine

Le 4 novembre dernier, la Commission européenne a salué dans un rapport les améliorations de la position ukrainienne dans 36 domaines. Selon ce document, le rythme des réformes a dépassé celui des deux années précédentes — un résultat qualifié «d’impressionnant dans le contexte d’une guerre totale». La rapidité exceptionnelle du processus d’examen juridique («screening»), mené par les experts de l’UE est soulignée. «L’Ukraine devient le premier pays de l’histoire européenne à mener des réformes aussi profondes et réussies en temps de guerre, touchant à la lutte contre la corruption, à la justice, à la digitalisation de l’administration publique et à l’harmonisation de la législation avec les normes européennes», réaffirme le texte.

Alors, confiance ou défiance? Début de réponse ce lundi 17 novembre à Paris.

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