Un coup dur ou un atout?
Le nouveau scandale de corruption pourrait renforcer Zelensky

Près de 100 millions de dollars auraient été détournés par des fonctionnaires corrompus en Ukraine. Ce nouveau scandale de corruption est désagréable pour Zelensky. Mais il montre que l'Ukraine progresse rapidement dans la lutte contre son deuxième plus grand ennemi.
Publié: 05:55 heures
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Dernière mise à jour: il y a 20 minutes
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Volodymyr Zelensky doit à nouveau faire face à un scandale de corruption dans son propre camp.
Photo: AFP
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Samuel Schumacher

Deux ministres renvoyés, un chef de file en fuite à l’étranger et probablement près de 100 millions de dollars détournés au profit de puissantes figures de l’ombre ukrainiennes. Les opposants de Volodymyr Zelensky n’auraient pas pu rêver meilleur scandale.

Mais ceux qui accusent le président ukrainien de «corruption» passent à côté de l’essentiel. Le scandale actuel constitue au contraire un signal clair que Zelensky progresse vers son objectif. 

Des pots-de-vin importants

Mais que s'est-il passé? Un réseau de hauts fonctionnaires aurait exercé durant des années une pression systématique sur des fournisseurs d’énergie et des entreprises de construction pour obtenir des pots-de-vin représentant 10 à 15% du montant des contrats. Les sociétés refusant de payer étaient écartées. Cinq personnes ont été arrêtées, sept dénoncées, et deux membres du gouvernement – la ministre de l’Energie Svitlana Grinchuk et le ministre de la Justice Herman Halouchtchenko – ont dû démissionner.

Le cerveau présumé du réseau, Timur Mindich, cofondateur de l’ancienne société de production de Zelensky, Kvartal 95, et jusqu’à récemment proche du président, a quitté le pays peu avant l’éclatement de l’affaire.

Coopération avec le FBI

Pour Zelensky, la situation est délicate. Cet été déjà, il avait subi de fortes pressions internes après avoir voulu restreindre l’indépendance des autorités anticorruption par une loi. Et ce n’est pas la première fois que des proches du président sont rattrapés par des malversations: le vice-premier ministre Oleksiy Chernyshov a dû démissionner l’été dernier pour des irrégularités.

Zelensky lui-même n’est visé par aucun reproche. Au contraire! Si le monde a découvert ces nouvelles pratiques illégales au cœur de l’appareil d’Etat à Kiev, c’est non seulement la preuve de leur existence, mais surtout la démonstration que le pouvoir ukrainien affronte désormais avec transparence les résidus du vieux clientélisme soviétique. Que Zelensky et son équipe exposent leurs propres dérives internes ne doit pas être perçu comme un signe d’opacité, mais bien comme l’inverse.

Le scandale n’a été mis au jour que grâce au travail approfondi de l’agence anticorruption Nabu, qui a exploité plus de 1000 heures d’écoutes téléphoniques – en coopération étroite avec le FBI, présent à Kiev – et mené 70 perquisitions en Ukraine en début de semaine.

Viktor Orban s'insurge

Pour l’Ukraine, la lutte contre la corruption est presque aussi essentielle que la résistance face à l’agression russe. L’UE a clairement indiqué qu’une adhésion ne serait envisageable qu’à condition de mesures fortes contre les abus administratifs.

Dans ce contexte, entendre le Premier ministre hongrois Viktor Orban dénoncer une «mafia de temps de guerre liée à Zelensky» et affirmer que la Hongrie refusera désormais d’envoyer des fonds dans ce «chaos corrompu» relève presque du cynisme, surtout au vu du dernier classement de Transparency International, qui place son pays comme le plus corrompu de l’UE.

L’UE et les Etats-Unis maintiennent pour leur part leur soutien à Zelensky. Ursula von der Leyen vient d’annoncer un nouveau transfert de plus de cinq milliards d’euros pour garantir les services publics ukrainiens. Et le président américain Donald Trump ne s’embarrasse guère de savoir qui profite de quoi en Ukraine, du moment que l’OTAN finance ses livraisons d’armes. 


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