Les instances ukrainiennes de lutte contre la corruption ont annoncé lundi 10 novembre une vaste opération qui a permis de mettre au jour «une organisation criminelle de haut niveau» dans les secteurs de l'énergie et de la défense. Mais au-delà de la révélation de corruption, ce sont également les personnes ciblées qui pourraient venir ternir la réputation de Volodymyr Zelensky.
En effet, les domiciles de l’ancien ministre de l’Energie et de l'actuel ministre de la Justice, Guerman Galouchtchenko, et Timur Mindich, proche allié du président ukrainien, ont été perquisitionnés. Ce dernier aurait fui quelques heures avant, précise «Le Monde». Timur Mindich est un homme d'affaire discret, copropriétaire de la société de production de Volodymyr Zelensky. Il a vu son ascension débuter avec l’élection de Zelensky en 2019, puis son influence s’accroître surtout après l’invasion russe de 2022, au sein du gouvernement et dans les secteurs de la défense, de l’énergie et de la télévision.
L'Agence nationale anticorruption (NABU) a précisé que l'opération «Midas», menée après 15 mois d'enquête en collaboration avec le Parquet spécialisé anticorruption (SAP), avait abouti à «70 perquisitions» mettant au jour un système criminel qui extorquait des fonds à des sous-traitants de l'entreprise publique du nucléaire Energoatom, et «qu'environ 100 millions de dollars» avaient transité dans des opération de blanchiment.
La lutte contre la corruption est «absolument nécessaire»
Dans son allocution quotidienne lundi soir, le président Volodymyr Zelensky a déclaré que la lutte contre la corruption était «absolument nécessaire» et a appelé les responsables à coopérer avec le NABU. «La transparence au sein de l'entreprise (Energoatom) est une priorité», a affirmé le dirigeant ukrainien. «Des sanctions doivent être prises. Et les représentants du gouvernement doivent collaborer avec le NABU et les forces de l'ordre, selon les besoins, pour obtenir des résultats».
Energoatom a confirmé faire l'objet d'une perquisition et coopérer à l'enquête, sans commenter les accusations de corruption. De son côté, la ministre de l'Energie, Svitlana Grintchouk, a déclaré que le secteur énergétique public se soumettrait aux enquêtes, tout en se préparant à un nouvel hiver sous les frappes russes.
«Il est très important que les enquêtes soient menées de manière transparente», a-t-elle dit. «Dans le même temps, je veux vous rappeler que notre système énergétique est soumis à des attaques sévères et que, naturellement, tout événement chez Energoatom est scruté par chacun avec attention», a-t-elle ajouté.
Des sacs remplis de billets de banque
Plus tôt, le NABU avait publié des photos montrant des sacs de billets de banque en euros et en dollars, mais sans fournir davantage de détails sur l'opération. Le NABU et le SAP ont tous deux été la cible d'une loi portée par le gouvernement et promulguée en juillet, qui prévoyait de les placer sous la tutelle directe du procureur général, lui-même nommé par le président.
Face à la contestation de la société civile et de l'Union européenne, le gouvernement a finalement annoncé qu'il allait «corriger» cette loi. Le secteur énergétique ukrainien est considéré comme particulièrement stratégique, la Russie le pilonnant à coups de missiles et de drones depuis le début de son invasion.
Fin octobre, l'ex-directeur de la compagnie publique Ukrenergo, Volodymyr Koudrytsky, avait déjà été accusé d'avoir participé au détournement d'environ 283'000 euros en 2018 et a été brièvement placé en détention. Une affaire motivée selon lui par des raisons politiques.
Une corruption systémique
Plusieurs personnalités ont été ciblées, dont l’ex-directeur d’Ukrenergo Volodymyr Koudrytsky, déjà accusé de détournement en 2018. «La guerre d'aujourd'hui ne se déroule pas seulement sur le front. C'est aussi une guerre au sein du système, entre ceux qui veulent le changement et ceux qui veulent tout couvrir d'argent et de silence», a déclaré Martyna Bogouslavets, militante anticorruption, sur les réseaux sociaux.
L'Ukraine souffre, comme la Russie et d'autres pays de l'ex-URSS, d'une corruption endémique. Les réformes visant à l'éradiquer sont essentielles pour réaliser ses ambitions d'adhésion à l'Union européenne.