Mais qu'a donc fait Guy Parmelin ces derniers jours? Nul ne le sait vraiment. En décembre dernier, le ministre de l'Economie a dû parvenir à un compromis avec les partenaires sociaux pour l'accord avec l'Union européenne (UE). Mais Guy Parmelin souffrait alors de problèmes de dos et avait même du mal à sortir de sa voiture. Depuis, le public conserve une image quelque peu moqueuse du politicien.
Aura-t-il les épaules assez larges pour ce poste? Une question d'autant plus brûlante depuis le 1er août, lorsque la Suisse s'est prise les droits de douane punitifs de Trump en plein visage. Guy Parmelin, un conseiller fédéral qui maîtrise mal l'anglais, a eu la lourde tâche de négocier un accord avec les Etats-Unis.
L'échec n'était pas permis
Si certains ont douté de lui, personne – en revanche – n'a remis en question les capacités de la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter lorsqu'elle a géré cet épineux dossier au printemps 2025. Décrite par la presse comme étant «la femme la plus puissante de Berne» ou encore «la femme forte du Conseil fédéral», la libérale-radicale était une vraie star de la politique suisse, plus connue sous le surnom de KKS. Tel JFK, posséder son propre acronyme est bien souvent un signe de pouvoir. Rares sont les personnalités politiques suisses qui ont fait l'objet d'autant d'analyses, de descriptions et de suivis. Elle semblait avoir tenu ses promesses: la Suisse s'était placée parmi les premiers pays à négocier un accord tarifaire avec les Etats-Unis.
En avril dernier, Keller-Sutter s'est entretenue au téléphone avec le président américain. Une étape saluée comme un coup de maître diplomatique: réussir à établir une ligne directe avec l'homme le plus puissant du monde. Elle s'est alors retrouvée propulsée sur le devant de la scène internationale. Même les médias américains ont été bluffés: avec son anglais parfait, avait-elle réussi à faire plier Trump? Eh bien, non. Au lieu de cela, Donald Trump l'a publiquement humiliée, en déclarant «Je ne connais pas cette femme». Résultat: il a fait passer les droits de douane suisses à 39%.
Une botte secrète
Guy Parmelin était au pied du mur. Cet homme sans prétention, peu calé en langues étrangères, vêtu d'une chemise à manches courtes et portant fièrement son téléphone portable à la ceinture, a plus l'apparence d'un père de famille aisé que d'un politicien carriériste et déterminé. Mais l'habit ne fait pas le moine! Et Guy Parmelin a toujours été sous-estimé au cours de sa carrière. Dans la famille des sept conseillers fédéraux, c'est un peu le Joker: il peut débloquer les situations les plus complexes et urgentes. Une stratégie dont lui seul a le secret: c'est la technique Parmelin.
Bien avant l'accord douanier des 15%, Guy Parmelin a déjà été un allié de l'économie suisse, notamment lorsqu'il a été ministre de l'Economie pendant la crise du Covid-19, et qu'il a dû allouer les milliards de francs d'aides pour permettre à de nombreuses entreprises de survivre. Mais malgré sa botte secrète et ses connaissances, Guy Parmelin ne réussit pas tout ce qu'il entreprend. Son passage au département de la Défense n'a pas été très marquant, et il a organisé une table ronde pour discuter de la hausse constante des loyers et des prix de l'immobilier, sauf que ce problème n'est toujours pas résolu.
Par ailleurs, le département qu'il dirige n'est pas le plus influent. Le Secrétariat d'Etat à l'Economie (Seco) est le fer de lance de la gauche au sein des administrations fédérales. «On ne sait jamais vraiment s'ils agissent peu parce qu'ils sont libéraux, ou s'ils sont libéraux pour en faire le moins possible», affirment ses détracteurs. Avec à sa tête un conseiller fédéral qui ne manifeste ni ambition démesurée ni volonté excessive d'influencer la politique, cette orientation peut paraître hésitante.
La femme idéale à ses côtés
Mais un des secrets du succès de Guy Parmelin, c'est d'avoir la femme idéale à ses côtés. Ces derniers jours, le ministre de l'Economie est rentré victorieux grâce à une décision importante qu'il a prise: nommer Helene Budliger Artieda à la tête du Seco. Alors que son prédécesseur déboulait à Berne à bord d'une Porsche rouge, Helene Budliger Artieda est tout aussi terre à terre que son chef. L'accord commercial avec l'Inde, l'accord de l'UE avec les syndicats et les employeurs, et maintenant les droits de douane: elle est la principale complice de Guy Parmelin.
Les hobbies de Guy Parmelin et Karin Keller-Sutter en disent long sur leurs stratégies de négociation. Tandis que le premier a passé ses vacances de Noël à lire un livre sur les champions olympiques de saut d'obstacles, sa consœur a studieusement potassé le livre de Trump «The Art of the Deal», prête à en tirer une savante analyse. «Le système de Trump fonctionne avec des annonces provocatrices, un système de chocs», a-t-elle affirmé. Peu après, Karin Keller-Sutter s'est targuée d'avoir trouvé un chemin privilégié jusqu'aux oreilles de Trump. Le 31 juillet, à 20h10, elle a passé son fameux coup de fil à Washington, et la suite, vous la connaissez... Aujourd'hui, Karin Keller-Sutter fait profil bas, même si elle n'a probablement rien fait de mal, connaissant la personnalité caractérielle de Trump.
Le conflit douanier avec Washington semble avoir laissé des cicatrices, car la conseillère fédérale paraît très affaiblie. Dans le débat sur les prescriptions plus strictes en matière de fonds propres pour les grandes banques, elle s'est ouvertement disputée avec la banque UBS, et semble même s'éloigner de son propre parti.
Après la faillite de Credit Suisse, elle a été portée aux nues pour avoir sauvé le monde d'une crise financière. Aujourd'hui, UBS et la Suisse risquent de devoir payer des milliards d'euros à cause des subtilités juridiques de cet accord. Son image de dirigeante déterminée et affirmée en a pris un coup. A l'inverse, Guy Parmelin semble être imperméable à toutes déconvenues. A 66 ans, le Vaudois est en âge de prendre sa retraite et sera réélu président de la Confédération l'année prochaine. Sa carrière touche à sa fin et se terminera en décembre 2026, ou au plus tard après les élections de 2027.