39% pour avoir dit «Non»?
Vu d'Europe: la Suisse a le courage de résister à Trump

La Suisse n'a pas obtenu, contrairement à l'Union européenne, une baisse des droits de douane annoncés par Donald Trump. Une défaite? Vu de Bruxelles, beaucoup pensent le contraire.
Publié: 01.08.2025 à 08:51 heures
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Pas d'accord entre la Suisse et les Etats-Unis: le verdict est aussitôt tombé, avec 39% de droits de douane.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Une défaite, ou le prix de la résistance? Les 39% de droits de douane que l’administration américaine entend appliquer aux produits suisses importés à partir du 7 août peuvent être lus de deux manières.

Pour l’économie helvétique, tournée vers l’exportation, et en particulier pour les multinationales du secteur pharmaceutique, agroalimentaire et industriel, le coup de massue semble terrible, asséné en plus symboliquement le 1er août, date de la Fête nationale suisse.

Pour certains partenaires européens de la Suisse en revanche, à commencer par la France, furieuse de la capitulation douanière d’Ursula von der Leyen en Ecosse, le 27 juillet, la Confédération a au moins eu le courage de dire «Non» et de refuser un mauvais accord. Alors, qui a raison?

La Suisse a tenu bon

L’avenir dira d’abord si ce «non» helvétique va tenir dans les prochains jours, ou si un virage de dernière minute, avant le 7 août, peut encore intervenir. Mais le fait est que le symbole est fort: la Suisse et son petit marché de huit millions d’habitants, fait de la résistance alors que l’Union européenne (UE) et son grand marché de 450 millions de consommateurs ont plié. Imaginez ce qui se serait passé si l’UE avait osé aussi dire «Non»? La Confédération têtue a au moins refusé de céder sans combattre. Politiquement, c’est un bon point.

La Suisse a confiance

Confiance dans ses produits. Confiance dans la capacité de ses entreprises à s’adapter. Tout cela n’est évidemment pas si vrai, car dans les faits, les milieux d’affaires helvétiques vont tout faire dans les prochaines heures pour demander une négociation in extremis. Mais une réalité demeure: la (petite) Suisse, sixième investisseur étranger aux Etats-Unis avec 352 milliards de dollars investis dans le pays – et 150 milliards de promesses d’investissements lors des négociations – a défendu ses intérêts. Dans un monde où le «Made in Switzerland» est un atout, cela peut payer.

La Suisse n’est pas comme l’UE

La stratégie économique est une chose. La perception politique en est une autre. Depuis la poignée de mains du 27 juillet entre Donald Trump et Ursula von der Leyen en Ecosse, des voix s’élèvent pour dire que l’Union aurait dû tenir bon, et peut-être même déclencher son instrument de coercition (un paquet de ripostes commerciales ciblées chiffré à 93 milliards d’euros) dès la menace trumpiste de 30% de droits de douane pour imposer un rapport de force. Au final, l’UE est restée attentiste. Résultat? Des tarifs à 15% et deux concessions majeures: la promesse d’acheter pour 750 milliards de dollars d’énergie aux États-Unis, et celle d’investir 600 milliards. Au moins, la Suisse garde une marge de manœuvre.

La Suisse est cohérente

Le paquet d’accords bilatéraux négocié par la Suisse avec la Commission européenne, et présenté à Berne fin décembre par Ursula von der Leyen, offre à la Confédération un accès accru au marché européen pour ses entreprises et ses produits. N’est-il pas dès lors logique de tenir tête aux Etats-Unis de Trump? Paradoxalement, la Confédération fait ce que les 27 pays membres de l’UE ne font pas assez: elle compte sur ce marché européen que le rapport Draghi publié à l’automne 2023 recommande de dynamiser et de réformer d’urgence.

La Suisse va s’adapter

La force de l’économie helvétique tient dans ce verbe: s’adapter. Voilà donc les exportateurs suisses obligés de trouver de nouveaux marchés, ou de convaincre leurs clients américains d’absorber une partie de ces nouveaux tarifs. Ce coup de massue trumpiste peut dès lors se transformer en coup de fouet pour la compétitivité helvétique. Or ce que redoutent justement certains économistes européens est que l’accord passé entre l’UE et Trump «endorme» les grands acteurs économiques de l’Union (comme l’industrie automobile allemande) au lieu de les pousser à s’adapter.

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