Emmanuel Macron s’est jusque-là bien gardé de saluer l’annonce d’un accord commercial entre l’Union européenne et les Etats-Unis, faite dimanche 27 juillet en Ecosse. Le président français a en effet des raisons de se taire. Lui, le chantre de la souveraineté européenne et du principe de préférence communautaire sur le plan économique militaire, se retrouve le grand perdant de la poignée de mains entre Ursula von der Leyen et Donald Trump. Et ce n’est peut-être que le début, pour ce qui apparaît comme une nette défaite de l’Union.
Mais pourquoi les 27 pays membres de l’UE, représentés par la Commission européenne, n’ont pas tenu bon?
L’Union européenne est le dos au mur
Le commerce n’est qu’une partie de l’équation dans les rapports entre les 27 pays membres de l’UE et les Etats-Unis, premier partenaire commercial du bloc. Il y a aussi la défense, à laquelle Trump a fait longuement référence devant les médias sur son golf écossais, saluant les achats d’armes américaines massifs décidés par les pays de l’OTAN lors du sommet de l’Alliance atlantique à la fin juin. L’autre sujet, contigu, est bien sûr l’Ukraine, pour lequel les Européens ont besoin du soutien de Washington. On peut y ajouter le manque d’alternative commerciale pour l’UE, puisque le sommet UE-Chine à Pékin, la semaine dernière, n’a pas abouti sur une nouvelle donne commerciale. Prendre le risque d’une guerre des tarifs en cas de désaccord au 1er août revenait à mettre l’UE le dos au mur.
Von der Leyen est atlantiste
Il faut bien comprendre que la présidente de la Commission européenne n’est pas neutre. Elle ne l’a jamais été. Ancienne ministre de la Défense allemande, Ursula von der Leyen (66 ans) a toujours privilégié pour son pays un étroit partenariat avec les Etats-Unis. Cet atlantisme de conviction s’accompagne, depuis les élections législatives du 23 février et le retour au pouvoir à Berlin de son parti chrétien-démocrate, d’un alignement sur le Chancelier Friedrich Merz, qui défendait un accord commercial coûte que coûte, pour préserver les exportations allemandes. Dernier élément: VDL, comme on la surnomme, doit largement son poste à Emmanuel Macron qui avait suggéré son nom en 2019. Mais le président français est en fin de mandat et il ne pourra pas se représenter en mai 2027.
L’Allemagne veut réussir sa relance
Le gouvernement allemand a annoncé, début juin, un plan de relance historique visant à renforcer ses infrastructures et ses capacités de défense. Ce plan comprend 500 milliards d’euros d’investissement en infrastructure (énergie, digitalisation), et autant pour son armée. Cette relance sera pour l’essentiel financée par des emprunts à hauteur de 850 milliards d’euros jusqu’en 2029. Or une guerre commerciale avec les Etats-Unis pourrait tout faire dérailler. Berlin a avant tout besoin de stabilité, et la République fédérale mise sur la compétitivité de ses industriels pour absorber les tarifs douaniers de 15%. Le pays a en plus un besoin crucial d’énergie, avec l’abandon du gaz russe. Et les importations agricoles américaines sont beaucoup moins problématiques, vu que ce secteur est beaucoup moins important qu’en France.
La France n’avait pas d’alliés
Emmanuel Macron se tait parce qu’il a perdu la partie. Sur le plan commercial, la France avait moins d’arguments à faire valoir que l’Allemagne puisqu’elle exporte moins aux Etats-Unis, et que ses deux secteurs de pointe dans ce pays, l’aéronautique et le luxe, peuvent s’accommoder de cet accord avec Trump. Pourquoi? Parce que l’aéronautique sera exemptée, par parce que le luxe peut absorber les 15% de tarifs, vue l’importance de ses marges bénéficiaires. Le très puissant patron du géant LVMH Bernard Arnault, invité de Donald Trump pour son inauguration, plaidait d’ailleurs pour un accord. La France résistante, celle qui a tout à perdre des importations agricoles américaines et celle qui veut taxer les géants américains de l’internet, n’avait pas d’alliés.
Donald Trump a très bien joué
Le président des Etats-Unis n’est pas un «dealmaker» pour rien. Le fait de boucler ces jours-ci un accord commercial avec le Japon à 15% de tarifs (plus une promesse nippone de 550 milliards d’euros d’investissements aux Etats-Unis) plaçait l’Union européenne dans une position impossible, car les industriels japonais ont les moyens de remplacer les produits européens exportés sur de nombreux segments. Trump a aussi fixé avec habileté un ultimatum au 1er août, date à laquelle la plupart des Européens veulent prendre des congés. Dernier atout abattu par Trump: l’OTAN, qu’il a cajolé en échange de commandes militaires. Comment déclencher une guerre commerciale avec celui qui continue de vous défendre, au moins sur le papier?