Elle échappe à la censure
Ursula von der Leyen plante l'Europe (et Trump se réjouit)

La présidente de la Commission européenne a survécu ce jeudi 10 juillet au vote d'une motion de censure par le Parlement européen. Mais face à Trump, ses méthodes lui valent de plus en plus d'ennemis.
Publié: 10.07.2025 à 16:55 heures
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Dernière mise à jour: 11.07.2025 à 03:39 heures
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La présidente de la Commission européenne a échappé à un vote de censure du parlement ce jeudi 10 juillet à Strasbourg.
Photo: imago/Xinhua
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Richard WerlyJournaliste Blick

«L’impératrice» est-elle en train de tout rater face au nouveau «roi des Etats-Unis? A Bruxelles, Ursula von der Leyen n’a pas pour rien hérité de ce surnom impérial. Rien n’est possible, au sein de la Commission européenne forte de trente mille fonctionnaires, sans l’aval de son redouté directeur de cabinet, l’Allemand Björn Seibert.

Or en pleines négociations commerciales avec Washington, et avec la nouvelle date butoir du 1er août suspendue comme un glaive au-dessus du Berlaimont (le QG bruxellois de l’exécutif communautaire), cette centralisation excessive qualifiée par beaucoup d’abus de pouvoir risque de se retourner contre elle, comme on vient de le voir avec la motion de censure rejetée ce 10 juillet.

La révolte gronde

Strasbourg: c’est en effet là que la révolte gronde. Au siège du Parlement européen où les partis nationaux-populistes et souverainistes comptent environ un tiers des élus depuis les élections de juin 2024, une motion de censure a été présentée au vote ce jeudi 10 juillet, pour renverser la Présidente et sa Commission. Le texte a été rejeté massivement, par 360 voix sur 175. Mais c’est un autre chiffre qui sert de baromètre. Désignée pour un second mandat par les chefs d’Etat ou de gouvernement des pays membres, Ursula von der Leyen avait obtenu, le 18 juillet 2024 l’aval de 401 eurodéputés sur 707. En un an de pouvoir, la majorité dont dispose «l’impératrice» a donc fondu de 401 vote (pour son investiture) à 360. 40 voix de perdues! Alors que la majorité simple dans l’hémicycle est à 354 voix. Pas de censure, mais une évidente défiance!

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La raison de cette impopularité pour l’ancienne ministre allemande de la Défense, âgée de 66 ans, venue à Berne le 20 décembre pour présenter les grandes lignes du futur paquet d’accords bilatéraux désormais publié intégralement? Avant tout ses méthodes de travail, sa centralisation excessive du pouvoir contraire au principe du «collège» des Commissaires et sa manière d’imposer partout son chef de cabinet. Mais aussi, son changement de pied depuis les dernières élections européennes.

Suggérée par Emmanuel Macron

Avant juin 2024, la chrétienne-démocrate Ursula von der Leyen, suggérée cinq ans plus tôt par Emmanuel Macron pour remplacer le Luxembourgeois Jean-Claude Juncker, incarnait une majorité composite allant des conservateurs aux écologistes, avec les libéraux-centristes et les socialistes. Cinq ans plus tard, son agenda est largement dicté par les impératifs de son camp politique: le Parti populaire européen (droite traditionnelle), dont le groupe d’eurodéputés est dirigé par l’Allemand Manfred Veber.

L’Allemagne est aussi le sujet. En particulier pour trois questions clés: l’industrie face à l’écologie, la géopolitique (Ukraine, Etats-Unis, Israël) et la défense. Ursula von der Leyen est du même bord politique que le nouveau Chancelier Friedrich Merz, affairé à relancer l’économie allemande en s’appuyant sur l’UE (et pas le contraire). Elle vient, comme lui, du camp des atlantistes pro-américains, même si Donald Trump est en train de tout bousculer, heurtant ses propres alliés de l’OTAN. Or l’Union européenne, ce n’est pas l’Allemagne! La première puissance économique de l’UE ne peut pas tout décider.

Pro allemande et centralisatrice

Le pays le plus affecté par cette évolution centralisatrice, pro allemande et indulgente envers les souverainistes de plus en plus puissants au sein du Parlement européen est sans aucun doute la France d’Emmanuel Macron. Le président français a fait de la cause européenne son étendard depuis sa première élection en 2017. Mais il est fragilisé par l’absence de majorité à l’Assemblée nationale depuis la dissolution de juin 2024, et il ne peut pas se représenter en mai 2027 pour un troisième mandat. Résultat: Von der Leyen courtise de plus en plus celle qui fait le pont entre les droites européennes, la première ministre Italienne Giorgia Meloni.

Un autre grief brandi par ses détracteurs contre Ursula von der Leyen est celui de ses liens avec certains milieux d’affaires, notamment les firmes pharmaceutiques et les constructeurs automobiles allemands. Son refus de divulguer ses sms échangés avec le patron du géant Pfizer durant la crise du Covid (alors que la Commission européenne commandait des milliards d’euros de vaccins) alimente toujours les soupçons. La preuve? La Cour de justice européenne a condamné la Commission en mai 2025, pour avoir refusé de communiquer ses messages dans un jugement qui l’opposait au New York Times.

Elle déraille

«L’impératrice» serait-elle en train de dérailler? De transformer l’exécutif communautaire en une machine au service de ses futures ambitions politiques ou internationales? Ses appels en faveur de l’intégration rapide de l’Ukraine dans l’Union, son soutien empressé au gouvernement de Benjamin Netanyahu au début de la guerre à Gaza, mais aussi son choix du très peu communicatif commissaire croate Maros Sefcovic – bien connu en Suisse, comme artisan des Bilatérales III – pour négocier les droits de douane avec Scott Bessent, le Secrétaire américain au Trésor, nourrissent les inquiétudes.

«Rien ne lui a été épargné durant le débat au Parlement de Strasbourg note la lettre confidentielle «La Matinale européenne». Motion de censure, questions sur les droits de douane américains, débat sur le sommet UE-Chine (le 24 juillet à Bruxelles), et aussi sur ses propositions très controversées pour le prochain budget pluriannuel de l’Union… Les débats ont été l’occasion d’un gros déballage de rancœurs contre la politisation de la Commission et l’antagonisation des rapports entre les partis pro-européens de la coalition VDL». Et de conclure: «Von der Leyen pourra prétendre sortir renforcée de ce vote et mettre le Pfizergate derrière elle. Mais ce n’est qu’une illusion d’optique».

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